Samedi, 14 septembre 2024
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Mohamed Abdel-Wahed : Plusieurs parties ne souhaitent pas la fin du conflit soudanais

Sabah Sabet , Mercredi, 07 août 2024

Mohamed Abdel-Wahed, expert en sécurité et affaires africaines, analyse l’évolution du conflit au Soudan.

Mohamed Abdel-Wahed

Al-Ahram Hebdo : Après avoir échappé à une attaque de drone, le chef de l’armée soudanaise, Abdel-Fattah Al-Burhan, a évoqué sa volonté de se retirer du pouvoir. Est-ce un événement marquant ?

Mohamed Abdel-Wahed : Tout d’abord, il faut noter que les deux belligérants au Soudan ont tiré profit de cette tentative d’assassinat. Pour les Forces de Soutien Rapide (FSR), dirigées par Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemedti, cette attaque a démontré leur puissance et leur capacité à atteindre le plus haut commandant de l’armée, notamment grâce à l’aide de services de renseignement de certains pays. En ce qui concerne Al-Burhan, cela lui a offert une opportunité d’accroître sa popularité au sein de l’armée. Je pense donc que ni Al-Burhan ni l’armée n’abandonneront la bataille.

— L’ONU a annoncé la famine dans un camp près de la ville assiégée d’El-Fasher. Malgré cela, les deux camps y mènent des combats acharnés. Quelle est l’importance de cette ville ?

— El-Fasher est une ville stratégique de grande importance, située aux frontières de la Libye et du Tchad. Elle représente une porte d’accès et de contrôle vers les Etats du nord, le Nil blanc et jusqu’à l’est. Contrôler El-Fasher signifie dominer toute la région. Les FSR ont déjà pris le contrôle de quatre positions-clés au Darfour, et la capture d’El-Fasher constituerait une victoire majeure pour elles. C’est pourquoi l’armée régulière s’efforce d’arrêter cette avancée. Si El-Fasher, dans le Nord-Darfour, tombe aux mains des FSR, cela pourrait entraîner une transformation dangereuse en consolidant l’idée de division et de séparation de certaines parties du Soudan.

— Comment évaluez-vous les tentatives de médiation, notamment celles menées du 11 au 19 juillet à Genève sous l’égide des Nations-Unies ?

— Dans tous les pourparlers précédents, aucun engagement contraignant à un cessez-le-feu n’a été pris. Les discussions portaient principalement sur des mesures humanitaires, la sécurité, la protection des civils et l’accès à l’aide humanitaire. Les pourparlers de Genève se concentrent sur les mêmes thèmes. En ce qui concerne l’initiative de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), elle a été rejetée par l’armée, qui accuse l’organisation de soutenir les FSR. Je pense que l’initiative la plus prometteuse est celle de l’Egypte, qui traite les deux parties de manière impartiale et propose des solutions futures objectives et réalisables. Actuellement, il y a des contacts entre l’Egypte et l’Arabie saoudite pour renforcer les efforts de paix.

— Après près d’un an et demi de guerre, pourquoi la communauté internationale se désintéresse-t-elle du Soudan ?

— Sur les plans interne, régional et international, plusieurs parties ne veulent pas mettre fin à ce conflit, chacune poursuivant ses propres intérêts. Sur le plan interne, il s’agit d’un conflit pour le partage du pouvoir, aucun camp ne voulant céder à l’autre. Les deux parties sont responsables de l’escalade de la situation. En plus, ce conflit est alimenté par des acteurs régionaux et internationaux. Le conflit au Soudan s’inscrit dans le cadre des rivalités géopolitiques et militaires mondiales. Par exemple, les Etats-Unis profitent de cette instabilité pour contrer les ambitions de la Chine en Afrique. La Russie cherche à obtenir une base navale au Soudan et à renforcer son influence régionale. D’autres acteurs visent à exploiter les ressources naturelles du Soudan, comme l’or. Ainsi, tant que les belligérants au Soudan continueront leur guerre et épuiseront chacun les ressources militaires et matérielles de l’autre, un cessez-le-feu semble lointain.

— Un cessez-le-feu est-il prévisible au Soudan ? Quel serait le futur scénario ?

— Malheureusement, avec ces éléments en jeu, je ne vois pas de solution imminente à cette crise, d’autant plus que les guerres actuelles sont souvent prolongées, comme on le voit en Russie, au Yémen et à Gaza. On pourrait dire que la conscience mondiale semble absente. Cependant, la guerre pourrait prendre fin si le scénario occidental de la partition du Soudan était accepté par les deux camps, à l’instar de ce qui s’est passé en Libye et au Yémen. Je crois que les événements au Soudan semblent se diriger vers une séparation, un plan qui pourrait déjà être envisagé pour ce pays stratégiquement situé entre le monde arabe et l’Afrique.

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