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Le Hamas de l’après-Haniyeh

Maha Salem , Mercredi, 07 août 2024

Quelques jours après l’assassinat du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, le choix de son successeur préoccupe toutes les parties concernées par la guerre de Gaza. Plusieurs candidats potentiels sont évoqués.

Le Hamas de l’après-Haniyeh

Le Hamas a annoncé que ses institutions politiques se réuniraient sous peu pour choisir un nouveau chef politique après l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh. Le contexte de cette succession, qui intervient en pleine guerre dans la bande de Gaza, risque d’influencer tant l’avenir du Hamas que le choix de la personnalité qui succédera à Haniyeh qui occupait son poste depuis 2017. Malgré l’émergence de profils considérés comme modérés, les membres du Hamas restent attachés à une approche sans concession de la lutte armée pour l’établissement d’un Etat palestinien. Les relations avec les pays arabes et islamiques seront aussi prises en compte dans le choix du successeur de Haniyeh.

Le mouvement organise ses élections internes tous les quatre ans, dans des conditions entourées d’un secret absolu, en raison de considérations liées aux poursuites sécuritaires engagées par Israël. Les élections sont divisées en trois régions : la bande de Gaza, la Cisjordanie et la région extérieure (en dehors des territoires palestiniens). Les élections comprennent plusieurs étapes, de manière ascendante, dont la première est l’élection des conseils de la « Choura locale » au niveau des quartiers, suivie de l’élection des conseils de la « Choura majeure » au niveau du gouvernorat. Des organes administratifs émergent de ces conseils, aboutissant à l’élection d’un Conseil général de la Choura au niveau de chaque région, puis du chef du mouvement dans la région et se terminant par la direction de chaque région du mouvement nommant un certain nombre de ses membres. A la tête du mouvement se trouve le « Comité exécutif » dirigé par le chef du bureau politique du mouvement.

Les élections se déroulent sans aucune nomination ni propagande électorale. Les nominations sont plutôt automatiques pour les individus occupant un certain rang selon la hiérarchie organisationnelle du mouvement. Les dirigeants du mouvement ne prennent pas l’initiative de se présenter eux-mêmes aux postes de direction. Au contraire, les membres élus du Conseil de la Choura nomment celui qu’ils jugent approprié pour diriger le bureau politique le jour même de l’élection et celui qui obtient le plus grand nombre de voix devient chef du mouvement. Ensuite, le Conseil de la Choura et les membres du bureau politique élisent les adjoints du chef politique du Hamas, en plus des chefs des trois régions : la bande de Gaza, la Cisjordanie et à l’étranger. Mais ils pourraient ne pas être annoncés pour des raisons de sécurité et par crainte d’être poursuivis et pris pour cible par Israël. Aucun président ou responsable du mouvement n’a le droit de rester en fonction plus de deux mandats. Ainsi, la décision d’élire son chef appartient donc à l’institution de la Choura.

Le Hamas a toujours accordé le droit de vote à ceux qui occupent le rang organisationnel le plus élevé du mouvement, à savoir le grade de « sergent ». Cependant, le mouvement a modifié cette règle lors des dernières élections organisées en 2021 et a accordé le droit de vote à toute personne ayant rejoint le mouvement pour 15 ans. Les élections à Gaza en 2021 ont également connu une évolution remarquable, puisque les noms des membres élus du bureau politique ont été officiellement annoncés pour la première fois et le site officiel du mouvement a publié une photo de groupe d’eux.

Alors que le Hamas à Gaza jouit d’une totale liberté de travail organisationnel et que les noms de ses dirigeants sont mentionnés publiquement, le mouvement en Cisjordanie est soumis à des considérations qui rendent inévitable le secret du travail organisationnel afin d’éviter des poursuites de la part d’Israël.

« Il existe des différends entre les membres du Hamas, certains d’entre eux sont pro-iraniens et d’autres proches du Qatar ou de la Turquie. La nature des divergences et de la concurrence entre les factions du mouvement sera un facteur décisif dans le choix du nouveau chef du bureau politique, qui est censé occuper son poste jusqu’à ce que les conditions appropriées soient réunies pour organiser de nouvelles élections afin de choisir les hauts dirigeants du Hamas. Ce qui ne semble pas se produire à court terme, compte tenu des conditions actuelles dans la bande de Gaza et de la nature de la situation imposée par la guerre qui dure depuis le 7 octobre dernier », explique Ahmed Youssef, politologue au Centre des études arabes et africaines. Il ajoute que ces divergences n’ont pas de vrais effets négatifs sur le mouvement car « ce qui distingue le Hamas, c’est qu’il est un mouvement institutionnel et qu’il dispose d’un Conseil de la Choura efficace, puissant et rassembleur. Le Hamas se distingue par le fait qu’il dispose d’un ensemble de dirigeants centraux forts et stables, tels que Khaled Mechaal, Yahya Sinwar, Khalil Al-Haya, Moussa Abou Marzouk, Nizar Awadallah et Zaher Jabareen », conclut-il.

 Les successeurs potentiels

 Khalil Al-Haya

Chef adjoint du bureau politique régional du Hamas à Gaza, il est réputé pour être proche de Yahya Sinwar, accusé par Israël d’être l’un des cerveaux de l’attaque du 7 octobre, et du chef du Hamas à Gaza. En 2006, Al-Haya dirigeait le bloc parlementaire du Hamas, tout juste sorti victorieux de législatives qui ont dégénéré en affrontements armés avec le mouvement Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas. Fervent partisan de la lutte armée, il a perdu plusieurs membres de sa famille lors d’opérations militaires israéliennes, notamment en 2007, contre sa maison du nord de la bande de Gaza.

Moussa Abou Marzouk

Un haut responsable du bureau politique et considéré comme similaire à Haniyeh dans son approche pragmatique des négociations. Il s’est par exemple exprimé en faveur d’un « cessez-le-feu de longue durée » avec Israël et il est favorable à une acceptation des frontières palestiniennes dessinées après la guerre israélo-arabe de 1967, ce qui reste légèrement controversé au sein du mouvement. Dans les années 1990, il résidait aux Etats-Unis où il a été arrêté, accusé de lever des fonds pour la branche armée du Hamas. Il a ensuite vécu en exil, notamment en Jordanie, en Egypte et au Qatar. Son nom a souvent circulé pour la succession de l’un ou de l’autre chef du Hamas, sans succès.

Zaher Jabareen

Grand argentier du mouvement, il est depuis longtemps en charge des finances du Hamas. Zaher Jabareen était proche de Haniyeh et parfois même décrit comme l’un de ses bras droits. Incarcéré dans les prisons israéliennes, il a été libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de prisonniers palestiniens contre la libération de Gilad Shalit, un soldat israélien retenu en otage pendant cinq ans. Proche de la Turquie, où il a vécu, Zaher Jabareen a notamment recruté des personnes pour des activités de blanchiment d’argent à grande échelle, dont deux ont été arrêtées en Israël en 2018. Il a aussi participé à des opérations meurtrières menées par la branche armée du Hamas.

Khaled Mechaal

Prédécesseur de Haniyeh, il vit en exil depuis 1967, en Jordanie, au Qatar, en Syrie et dans d’autres pays. Il avait été propulsé à la tête du mouvement après l’élimination par Israël du fondateur du Hamas, Ahmed Yassine, puis de son successeur dans les territoires palestiniens, Abdel-Aziz Al-Rantissi. Mechaal a lui-même survécu à une tentative d’assassinat en 1997 à Amman par des agents du Mossad, le service de renseignement israélien.

Quand il vivait en Syrie, il a critiqué le régime syrien pour sa répression violente des manifestations antigouvernementales, ce qui a provoqué des frictions avec l’Iran, un allié stratégique de la Syrie et un soutien majeur du Hamas.

Yahya Sinwar

Elu en février 2017 à la tête du Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Sinwar figure parmi les partisans d’une ligne dure. Agé de 61 ans, cet homme ascétique a passé 23 ans dans les prisons israéliennes avant d’être libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de prisonniers. Natif de Khan Younès, ville du sud de la bande de Gaza, il rejoint le Hamas au moment de sa création en 1987, année de la première Intifada. Il fondera ensuite Majd, le service de sécurité intérieure du Hamas. Ancien commandant d’élite au sein des Brigades Al-Qassam et cerveau présumé de l’attaque du 7 octobre, il est recherché par Israël et placé sur la liste américaine des « terroristes internationaux ». Sinwar entoure ses déplacements du plus grand secret. Il n’est pas apparu en public depuis le 7 octobre.

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