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Houthis-Israël : Vers un nouveau bras de fer

Nada Al-Hagrassy , Mercredi, 07 août 2024

L’assassinat d’Ismaïl Haniyeh augure d’une nouvelle escalade entre Israël et les Houthis avec des répercussions sur la région de la mer Rouge et le Yémen qui vit une grave crise humanitaire.Explications.

Houthis-Israël : Vers un nouveau bras de fer

Après une série d’attaques et de menaces de guerre ouverte, la confrontation entre les Houthis et Israël est entrée dans une nouvelle phase. « Ce nouveau crime israélien va donner à la bataille une dimension plus large dont les conséquences pour l’ennemi seront désastreuses », ont menacé les Houthis dans un communiqué, faisant référence à l’assassinat du chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Et d’ajouter : « Avec nos frères de l’axe de la résistance, nous n’épargnerons aucun effort pour venger la mort de Haniyeh et lever l’injustice à laquelle est soumis le peuple palestinien ».

La tension est montée d’un cran entre Israël et les Houthis après que ces derniers avaient pris pour cible, au moyen d’un drone, le quartier de Jaffa, au coeur de la capitale Tel-Aviv le 19 juillet, ciblant un rassemblement proche de l’ambassade américaine, faisant un mort et plusieurs blessés. Une opération qui révèle une préparation logistique et opérationnelle minutieuse de la part des Houthis. Le 21 juillet, Israël a riposté en lançant des frappes aériennes massives contre le port de Hodeïda qui est sous le contrôle des Houthis. Cette frappe, qui a fait 6 morts et 83 blessés, a causé des dégâts estimés à près de 20 millions de dollars dans les installations pétrolières du port, de quoi affecter la fourniture du carburant au Yémen, ce qui aggraverait la crise humanitaire dans ce pays.

Attaques réciproques

Ces frappes de part et d’autre marquent une nouvelle escalade entre les deux parties. Les hostilités avaient commencé après le déclenchement de la guerre israélienne brutale contre Gaza. Le 19 novembre 2023, les forces du mouvement Ansarullah (Houthis) ont commencé à cibler les navires de nationalité britannique ou américaine qui empruntent la mer Rouge pour se rendre au port israélien d’Eilat et ce, en réponse aux « atrocités commises à Gaza et en Cisjordanie ». Les Houthis ont par la suite visé des navires américains et britanniques transportant des armes à Israël, ce qui a incité les forces armées américaines et britanniques à mener des frappes aériennes sur des cibles au Yémen sans pour autant arriver à mettre fin aux attaques houthies. Les Houthis sont parvenus à provoquer la fermeture du port israélien d’Eilat. Un coup dur pour l’économie israélienne. En effet, Eilat est le seul port israélien non situé sur la Méditerranée, il évite aux navires israéliens venant du sud et de l’est de passer par le Canal de Suez, ce qui constitue un atout stratégique pour Israël. Face à la brutalité de la guerre à Gaza, les Houthis ont décidé de porter leur bras de fer avec Israël à un niveau plus élevé.

Le mouvement Ansarullah qui contrôle le nord du Yémen est connu également comme étant le mouvement des Houthis, du nom de son dirigeant Hussein Badreddine Al-Houthi. Il s’agit d’une organisation armée, religieuse, culturelle, politique et théologique chiite zaydite qui comprend parmi ses rangs une minorité sunnite. Fondée en 1992 par Hussein Badreddine Al-Houthi et Mohamed Razane, elle constitue « un acteur parallèle à l’Etat », selon le Dr Moataz Salama, rédacteur en chef de la revue mensuelle Rapport stratégique arabe d’Al-Ahram. « Les acteurs parallèles à l’Etat sont des groupes qui ont atteint un degré élevé de puissance militaire, ce qui leur permet de jouer un rôle similaire à celui de l’Etat dans la région », affirme Salama. Le mouvement est soutenu par l’Iran et s’est aligné sur la position politique fixe de l’Iran contre les intérêts des Etats-Unis et d’Israël dans la région.

 Répercussions régionales

L’escalade entre les Houthis et Israël aura des répercussions tant sur la région que sur le Yémen qui vit sa plus grave crise humanitaire depuis le déclenchement de la guerre civile en 2014. Selon le Fonds des Nations-Unies pour la population, « près de 80 % de la population yéménite n’a accès ni à la nourriture, ni aux services de base ».

« La récente attaque israélienne qui a visé près de 20 réservoirs de carburant sur une totalité de 82 a provoqué une grave crise de carburant dans de nombreuses villes yéménites sous le contrôle des Houthis et ce, parce que le Yémen importe près de 90 % de son carburant et de sa nourriture, ainsi que ses autres besoins à travers le port de Hodeïda », explique Nermine Nassar, chercheuse au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Et d’ajouter : « Il est possible également que cette attaque pousse les compagnies de transport à s’abstenir d’envoyer leurs navires au Yémen, surtout si Israël persiste à imposer un blocus naval. Ce qui augmenterait les conséquences de la crise sur les citoyens yéménites ».

Avec le bras de fer entre les Houthis et Israël, le commerce en mer Rouge, d’une valeur de 1 000 milliards de dollars selon les estimations, est affecté. Les perturbations en mer Rouge ont grandement affecté les chaînes d’approvisionnement mondiales qui ne sont pas tout à fait remises des répercussions du Covid-19 et du conflit en Ukraine. Sans parler de l’impact de ces affrontements sur les économies des pays du littoral de la mer Rouge. En dépit de ces répercussions, tout porte à croire que l’escalade s’intensifiera en mer Rouge après l’adoption par Israël d’une politique d’assassinats ciblés contre les dirigeants de la résistance palestinienne.

Quels scénarios ?

Cependant, certains analystes estiment qu’en dépit des menaces de par et d’autre et d’une rhétorique hostile, l’escalade sera limitée. « Les Houthis ne voudront pas entrer dans une guerre de grande envergure contre Israël pour éviter que celui-ci ne frappe d’autres sites stratégiques au Yémen. Ce qui entraînera des pertes supplémentaires pour le groupe dans un contexte de crise humanitaire et affectera la légitimité des Houthis et leur popularité au sein de la population yéménite », estime Nermine Nassar. La même logique peut s’appliquer à Israël. La frappe de drone houthi a dévoilé une grande défaillance au niveau des défenses aériennes israéliennes. « La riposte israélienne contre le port de Hodeïda était une tentative de sauver la face d’Israël qui a échoué à intercepter le drone avant d’arriver à destination », souligne l’expert militaire Mounir Saada. Un avis partagé par Nermine Nassar. « Israël ne veut pas subir des pertes militaires et économiques supplémentaires, d’autant plus qu’il est en guerre sur trois fronts qui représentent des lignes charnières pour sa sécurité. Mais si un cessez-le-feu n’est pas conclu à Gaza, la menace persistera toujours », conclut-elle.

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