« Investir dans les femmes, accélérer le progrès » est le slogan choisi pour l’année 2024 par la plupart des institutions internationales appelant à soutenir et encourager la participation des femmes à la croissance économique mondiale. Ce slogan résonne profondément en Afrique, qui célèbre ce mercredi 31 juillet la Journée Internationale de la Femme Africaine (JIFA).
En effet, les femmes africaines constituent un pilier essentiel de l’économie du continent, puisqu’elles représentent environ 50 % de la main-d’oeuvre agricole et dirigent plus de 50 % des petites et moyennes entreprises. Selon les estimations de la Banque mondiale, en comblant le fossé entre les genres en Afrique, le produit intérieur brut du continent « pourrait augmenter de 2 500 milliards de dollars d’ici 2025 ». « Il apparaît plus crucial que jamais d’investir dans la population, et en particulier dans les femmes et les filles, non seulement pour des raisons de justice sociale, mais aussi pour assurer un avenir plus prospère à tous les Africains. Ce que l’on appelle le capital humain, à savoir les compétences, les connaissances et le savoir-faire de la population, représente désormais une part prépondérante de la richesse mondiale, bien supérieure à celle du capital produit et du capital naturel », estime la Banque mondiale.
Quelle est donc l’histoire de la Journée internationale de la femme africaine et quels sont les enjeux de l’autonomisation de la femme africaine ?
L’Organisation panafricaine des femmes
Célébrée chaque 31 juillet, la JIFA rend hommage à la fondation de la « Conférence des femmes africaines » en 1962. Ce jour-là, à Dar es-Salam en Tanzanie, des femmes de tout le continent se sont réunies pour la première fois, marquant ainsi la naissance de la toute première organisation panafricaine dédiée aux droits des femmes. Malgré leurs différences culturelles, ethniques et linguistiques, leur objectif était d’unir leurs forces pour améliorer les conditions de vie et l’émancipation des femmes africaines. Au cours de cette rencontre historique, elles ont également convenu de créer une plateforme commune de solidarité et de mobilisation pour les droits et libertés des peuples africains dans leur lutte pour l’indépendance, la libération du joug colonial et l’élimination de l’apartheid. Quatorze pays et plusieurs organisations ont participé à la réunion de juillet 1962.
En 1974, l’Union des femmes africaines a été rebaptisée Organisation panafricaine des femmes (PAWO) et est devenue une agence spécialisée de l’Union Africaine (UA). Quatre pays ont accueilli le siège de la PAWO depuis sa création : le Mali (1962-1968), l’Algérie (1968-1986), l’Angola (1986-2008) et, depuis 2008, Pretoria, en Afrique du Sud.
Enjeux et défis
Pourquoi est-il important de placer les femmes au centre du programme de développement de l’Afrique ? Les femmes occupent une place de premier plan dans différents domaines en Afrique : l’agriculture, la technologie, les affaires et l’action climatique. Cependant, elles font toujours face à des défis majeurs qui entravent leur plein potentiel pour contribuer au développement global de l’Afrique. « Investir dans les femmes africaines continue d’être l’épine dorsale de nos économies en tant qu’agricultrices, entrepreneuses, commerçantes, scientifiques et dirigeantes dans de nombreux autres secteurs », a déclaré Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA, dans son discours de commémoration de cette journée.
Le Protocole de Maputo de 2003 et l’Aspiration 6 de l’Agenda 2063 de l’UA exhortent les Etats membres à intégrer le principe d’égalité entre les sexes dans leurs constitutions et législations, ainsi qu’à en assurer la mise en oeuvre effective. C’est ce qu’explique Amany El-Taweel, directrice du programme africain au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, avant d’ajouter : « Le rôle des femmes en Afrique varie d’un pays à l’autre ou d’une région à l’autre, en fonction des coutumes, des traditions, de l’histoire ou de la culture de ce pays ou de cette région ». Selon la spécialiste, la situation des femmes en Afrique constitue un défi fondamental pour le développement durable du continent, en raison du déclin de la plupart des indicateurs liés au niveau des services d’éducation et de santé fournis aux femmes en Afrique. « La stabilité politique et économique fragile de certains pays africains influence considérablement la condition des femmes. La faiblesse de l’Etat, les conflits armés internes et les changements climatiques constituent un frein majeur à l’autonomisation des femmes africaines. L’Afrique est le continent où les femmes sont les plus exposées à la violence, qu’il s’agisse de meurtres ou de viols », souligne-t-elle.
Quant aux discriminations dans le monde du travail, les données disponibles indiquent qu’en Afrique comme ailleurs dans le monde, les femmes gagnent moins que les hommes même lorsqu’elles effectuent un travail identique. Selon la Banque mondiale, au niveau mondial, les hommes gagnent en moyenne 15 à 30 % plus que les femmes. En Afrique subsaharienne, le revenu mensuel médian des hommes est plus de deux fois supérieur à celui des femmes selon le Bureau international du travail et d’après une étude récente sur le potentiel de l’entrepreneuriat féminin en Afrique, les revenus des femmes entrepreneuses ne sont en moyenne que deux tiers par rapport à ceux des hommes entrepreneurs.
Autre défi : bien que les femmes représentent aujourd’hui une proportion plus importante de la main-d’oeuvre agricole, les types de travaux agricoles auxquels elles peuvent accéder sont devenus moins stables. Elles sont davantage concentrées dans des emplois temporaires, saisonniers et non rémunérés. « La propriété foncière est également un élément déterminant de l’autonomisation sociale. Dans les pays africains touchés par des conflits, le taux de propriété foncière agricole des femmes ne dépasse pas 11,5 % », souligne El-Taweel. Et de conclure : « En somme, la mise en oeuvre des protocoles de l’UA nécessite des efforts considérables de la part des Etats africains à ce stade, ainsi qu’une intervention par le biais de mécanismes multiples et d’approches parallèles, notamment économiques, sociaux et culturels ».
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