Mardi, 10 septembre 2024
Dossier > Réfugiés >

L’expérience égyptienne

Ola Hamdi , Mercredi, 26 juin 2024

Neuf millions, c’est le nombre de réfugiés et de migrants présents en Egypte, qui a connu ces dernières années un fort afflux de réfugiés à chacune des crises régionales. Malgré le fardeau que cela représente et le manque de soutien international, l’Egypte continue d’adopter une politique d’accueil. Focus.

L’expérience égyptienne

L’Egypte a une longue histoire d’accueil des réfugiés et a mis en place diverses mesures pour faciliter l’intégration des réfugiés dans le pays. Le pays accueille plus de 9 millions de réfugiés et migrants en provenance de 133 pays, ce qui représente 8,7 % de la population, la plupart sont de nationalité soudanaise et syrienne. Viennent ensuite des ressortissants du Soudan du Sud, d’Erythrée et d’Ethiopie, du Yémen, de Somalie, d’Iraq et de Libye. La représentante du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés en Egypte (HCR), Hanan Hamdan, a confirmé que « le nombre de réfugiés enregistrés en Egypte a atteint 640 000 ».

Dans le cadre de ses efforts d’inclusion, le gouvernement égyptien a encouragé l’intégration des élèves dans les écoles publiques, qui accueillent plus de 47 000 étrangers. Il a également accordé à tous les réfugiés syriens enregistrés auprès du HCR la liberté de s’inscrire dans des universités publiques, et ceux arrivant du Soudan ont bénéficié d’une réduction de 70 % sur les frais dans les universités et instituts supérieurs égyptiens. A cela s’ajoutent des réductions dont ils bénéficient dans les transports et les services publics, comme leurs pairs égyptiens. Les réfugiés bénéficient également de tous les services de santé de base, préventifs et de vaccinations. En 2023, 182 000 services de soins de santé primaires ont été fournis aux réfugiés et immigrants. Les étrangers ont été inclus dans le système global d’assurance maladie. Les chiffres indiquent que plus de 365 000 étrangers ont reçu les vaccins contre le coronavirus. En 2019, toutes les nationalités ont été incluses dans l’initiative présidentielle « 100 millions de citoyens en bonne santé » et diverses autres initiatives. Quant à la communauté soudanaise, elle bénéficie d’un statut spécial et de tous les droits des citoyens.

Coût : 10 milliards de dollars par an

« L’Egypte ne fait aucune discrimination dans les droits entre les demandeurs d’asile et les migrants résidant sur son territoire, qu’ils soient titulaires de papiers d’identité ou qu’ils soient entrés illégalement dans le pays ; tous les services sont fournis sans qu’aucun d’entre eux séjourne dans des centres d’hébergement ou des camps à la frontière », a déclaré Dr Mohamed Salman Taye, membre du comité consultatif du Centre d’information et d’aide à la prise de décision du Conseil des ministres. Et d’ajouter : « Cependant, cela n’empêche pas de légaliser cette migration et de contrôler ce dossier car il existe des impératifs en matière de sécurité nationale égyptienne, de sécurité de l’eau et de l’alimentation, et même des enjeux démographiques ».

Le premier ministre égyptien, Mostafa Madbouly, a estimé le coût direct de l’accueil de ces 9 millions de personnes à plus de 10 milliards de dollars par an. « L’Etat égyptien supporte ce coût malgré la crise économique à laquelle il est confronté », a déclaré Madbouly. Siham Moustafa, membre de la commission des relations extérieures au Conseil des députés, a confirmé que les 10 milliards de dollars ne représentent que le coût direct, mais qu’il existe des coûts indirects qui n’ont pas encore été calculés ou estimés. En plus, le coût direct sera encore plus élevé à l’avenir si l’afflux de migrants se poursuit et si les contrôles nécessaires ne sont pas mis en place, en particulier pour ceux qui exercent des activités commerciales. En outre, l’ambassadeur Salah Halima, membre du Conseil égyptien des affaires étrangères, a confirmé que « continuer à recevoir des Soudanais en raison de la détérioration de la situation sécuritaire et à appliquer les mêmes procédures de leur traitement comme des Egyptiens impose un coût supplémentaire au budget de l’Etat égyptien ».

Régulariser la situation des réfugiés

En janvier, l’Egypte a lancé un plan national de recensement de tous les étrangers résidant dans le pays, demandant à tous les étrangers dans le pays de se rendre à l’Administration générale des passeports, de l’immigration et de la nationalité pour enregistrer leurs données afin de régulariser leur situation et d’obtenir une carte de résidence pour bénéficier de tous les services gouvernementaux qui leur sont fournis. Elle a également appelé les étrangers exemptés du paiement des frais de séjour à se rendre à la même Administration pour enregistrer leurs données et obtenir une carte d’exonération. Le Conseil des ministres a fixé un dernier délai pour l’obtention de ces cartes, le 30 septembre 2024. Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’un projet visant à légaliser le statut des réfugiés et à recenser leur nombre, ce qu’a soutenu la députée Siham Moustafa, soulignant que ce recensement vise avant tout à préserver la sécurité nationale et à permettre aussi de poursuivre la fourniture de services.

« Ce qui se passe en Egypte est différent, elle accueille des millions de personnes et leur fournit des services aux mêmes prix que ceux proposés aux citoyens, sans augmentation, malgré la crise économique actuelle à laquelle est confronté tout le pays », a-t-elle confirmé. Elle a ajouté : « Le gouvernement a récemment entamé des procédures de légalisation pour recenser leur nombre et pour savoir ce que le gouvernement assume en échange des services fournis dans divers secteurs, surtout dans le contexte des conditions économiques actuelles du pays qui nécessitent une participation des étrangers dans l’économie nationale en payant la résidence comme dans les pays voisins, sans imposer de frais supplémentaires ». En juin, le Conseil des ministres a approuvé un projet de loi sur l’asile, prévoyant la création d’un comité permanent pour les affaires des réfugiés, rattaché au premier ministre, qui, en coordination avec le ministère égyptien des Affaires étrangères, prend en charge la coopération avec le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés et d’autres organisations et instances internationales concernées par les affaires des réfugiés. Ce comité assumera la coordination avec les autorités administratives de l’Etat égyptien pour assurer la fourniture de tous les aspects du soutien, des soins et des services.

Coopération internationale : Une solution-clé

L’Egypte a exprimé à maintes reprises son mécontentement face à l’insuffisance de l’aide internationale fournie, alors que le flux de réfugiés et de migrants vers son territoire ne cesse d’augmenter. « Le soutien apporté par les Nations-Unies à travers le Haut-Commissariat aux réfugiés et d’autres parties n’est pas proportionnel à l’afflux de personnes et à leurs besoins dans le contexte de la politique d’intégration dans la société de tous les arrivants sans discrimination », a déclaré l’ambassadeur Salah Halima. Dr Ayman Zohri, président de l’Association égyptienne pour les études sur les migrations à l’Université américaine du Caire, partage ce même point de vue en soulignant « la nécessité d’avoir une sorte de partage dans la prise en charge des réfugiés, ce qui est un principe énoncé dans le Pacte mondial pour les réfugiés qui exige que tous les pays participent à la prise en charge de ces frais ». Et de conclure : « Le soutien que les réfugiés en Egypte reçoivent de la part des Nations-Unies ne représente qu’environ 10 à 15 % du soutien requis ».

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique