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Se dire « oui » au pied des pyramides

Chahinaz Gheith , Mercredi, 12 juin 2024

Quoi de plus romantique qu’un décor idyllique dans un site de rêve pour célébrer son mariage ! C’est justement ce que cherchent ceux qui osent l’originalité et optent pour des cérémonies dans des sites historiques ou archéologiques, loin des salles de fêtes traditionnelles. Focus.

Se dire « oui » au pied des pyramides
Mariage légendaire du milliardaire américain Ankur Jain et Erika Hammond, mannequin de renom, au pied des pyramides.

« Nous ne sommes pas des adeptes du mariage traditionnel ». C’est ce qu’a lancé Ankur Jain, le milliardaire américain d’origine indienne qui s’est marié avec Erika Hammond, la célèbre mannequin, lors d’un spectacle son et lumière aux pyramides de Guiza avec Chéops, Khéphren, Mykérinos et le Sphinx. Et pour le moins que l’on puisse dire, la cérémonie était loin d’être traditionnelle. Ni cortège nuptial ni gâteau de mariage. Mais l’événement somptueux, qui a capté l’attention du monde entier, s’est étalé sur 4 jours dans plusieurs sites archéologiques du Caire, en présence de 130 invités. La soirée d’ouverture a eu lieu au Palais de Mohamad Ali sous le thème « Le Caire moderne », en présence de personnalités éminentes.

L’égyptologue et ancien ministre des Antiquités, Zahi Hawass, a révélé que la célébration avait duré 4 jours et a inclus de divers sites tels qu’Abou-Simbel et le Palais de Mohamad Ali, se terminant par une fête sur l’île d’Or et une autre à côté de la statue de Ramsès II. Hawass a affirmé qu’Ankur Jain, PDG de la société technologique Bilt Rewards, avait décidé d’organiser son mariage en Egypte à l’invitation d’un ami, assurant que l’événement ressemblait aux festivals traditionnels égyptiens. Selon lui, le coût de la location du site près de la statue de Ramsès II s’élevait à 200 000 dollars, précisant que les mariés ont dépensé 3 millions de dollars pendant les festivités.

Même son d’écho. C’est sous le signe de l’originalité et l’élégance que le couple Mohamed Hazem Taher, fils d’un célèbre homme d’affaires, et Amina Refaï a conclu leur mariage à Saqqara. Les mariés ont signé leurs voeux dans ce cadre majestueux, sous les étoiles scintillantes. Les invités de marque ne manquaient pas, ils ont été transportés dans un monde de mystère et de splendeur, où l’histoire ancienne se mêlait à la modernité. Les réseaux sociaux ont été inondés de photos du mariage légendaire montrant le charme et la beauté éblouissante de l’événement organisé par Vertex Events. Sans oublier le mariage légendaire d’Olivia et d’Onsi, dernier fils de l’homme d’affaires Naguib Sawiris, qui ont eux aussi conclu leur mariage en 2022 au pied des pyramides. « Le fait d’organiser notre mariage au pied des pyramides, c’est faire le choix d’un lieu prestigieux, magique qui ne ressemble à aucun autre », a dit le marié.

Or, célébrer son mariage dans un monument historique est le choix apprécié non seulement des stars, mais aussi de nombreux jeunes et ce, afin de vivre ce moment important de leur vie dans un cadre spectaculaire, qui restera à jamais dans leur mémoire et celle des invités. Tel est le cas du couple qui a décidé d’organiser ses noces aux pyramides de Guiza, comme s’il sortait d’un conte des mille et une nuits. Le jeune homme Omar, habitant à Dubaï, s’est déguisé en Aladin, quant à la mariée, une étrangère, elle a enfilé les vêtements de sa bien-aimée Yasmine. Omar voulait à tout prix prendre des photos avec son épouse pour montrer la splendeur de l’Egypte au monde entier, d’autant que les images sont partagées sur les réseaux sociaux, que tout le monde regarde.


Les lieux historiques offrent non seulement un cadre unique et mémorable, mais aussi une connexion profonde avec l’histoire et la culture du pays.

Somptuosité, faste et féérie

En effet, dès les prémices de l’organisation d’un mariage, le choix du lieu de réception s’impose comme tâche primordiale et incontournable. Car de ce lieu émanera une ambiance, une atmosphère. Alors que les hôtels, les clubs et les salles de fêtes traditionnelles ont longtemps été les choix classiques, les tendances évoluent. Les futurs mariés cherchent récemment à se démarquer en optant pour des lieux de réception plus originaux et insolites.

Les pyramides de Guiza, la nécropole de Saqqara, la Citadelle de Saladin, la Citadelle de Qaïtbay, les Palais de Mohamad Ali, du Baron Empain à Héliopolis et de Manesterli à Manial Al-Roda, etc. Des sites archéologiques transformés en lieux de réception de mariage. Une tendance in. Ces dernières années, les responsables ont autorisé et encouragé l’organisation des mariages et des fêtes fastueuses dans des sites d’intérêt historique. Une manière de donner une deuxième vie à ces lieux emblématiques, mais surtout de renflouer les caisses. Aujourd’hui, de plus en plus de futurs mariés choisissent ces sites comme décor de leur union. Témoins du passé, ces restes de monuments antiques ont un charme particulier que l’on retrouve aujourd’hui intégré à des réceptions de mariage. De quoi offrir aux mariés une véritable parenthèse hors du temps et leur permettre de vivre leur conte de fées.

Une salle de fêtes sans âme, une salle de réception trop sophistiquée n’était pas le rêve du couple Norane et Abdel-Rahmane, qui a choisi de sceller son union à la Citadelle de Saladin, particulièrement sous la coupole de la mosquée de Mohamad Ali. A première vue, on a l’impression de se trouver dans un palais royal avec ses voûtes en pierre. La citadelle, perchée majestueusement sur une colline surplombant Le Caire, avec ses magnifiques arcs et son architecture élégante, offre un cadre historique et panoramique qui a transformé leur mariage en une célébration somptueuse inoubliable. La mosquée de Mohamad Ali avec ses dômes en albâtre blanc et ses minarets imposants. Les organisateurs du mariage ont décoré la coupole avec des guirlandes de fleurs blanches et de verdure, ainsi qu’avec des chandeliers en cristal. Les chaises sont disposées en cercle autour de l’autel, offrant à chaque invité une vue dégagée sur la cérémonie. Sans oublier la musique douce en arrière-plan, ajoutant une touche de romance à l’atmosphère déjà magique.

« Nous voulions que notre mariage soit un événement spécial, chic et mémorable, et la Citadelle de Saladin a surpassé nos attentes. Se marier sous la coupole de la mosquée de Mohamad Ali était comme un conte de fées. Le décor dépaysant de cette imposante bâtisse en pierres, la beauté de l’architecture et l’ambiance sacrée ont rendu notre journée encore plus spéciale », affirme Abdel-Rahmane, tout en ajoutant que l’affaire n’était pas si facile. Du choix du thème à la décoration, de l’organisation de la réception à la cérémonie, ce mariage a remis en question les normes pour laisser place à la personnalisation totale. Il explique que tout d’abord, il a présenté une demande à la Direction générale des antiquités, ensuite il a payé les frais de location (60 000 L.E.) et puis il a signé un papier l’engageant à préserver la propreté et l’intégrité du lieu. Une cérémonie à couper le souffle, dont les horaires sont limités de 18h à 21h, mais aussi une soirée féérique rattachée à un prix qui atteint les 250 000 L.E. (location, décor, photos, DJ et traiteur pour 300 personnes).


Se marier à la Citadelle de Saladin est une tendance qui gagne en popularité parmi les jeunes couples qui optent pour une cérémonie sobre.

Promotion du tourisme ou menace pour le patrimoine ?

Samar Al-Chérif, organisatrice de fêtes de mariage, souligne que ces lieux historiques, souvent nichés au coeur de paysages pittoresques, offrent un décor majestueux pour le grand jour. Par exemple la Citadelle de Saladin et les Palais du Baron Empain ou de Mohamad Ali sont parfaits pour les couples qui rêvent d’une célébration royale, combinant élégance, histoire et romantisme. Les photographes adorent également ce type de lieux atypiques, propices à la création de clichés mémorables et uniques.

Cependant, Basma Sélim, directrice du Palais du Baron Empain, pense que la transformation de sites historiques en salle de fêtes pour des événements mondains organisés par des familles aisées n’est pas une chose nouvelle. Selon elle, ce type de cérémonies est organisé depuis longtemps dans le jardin du Palais du Baron Empain à Héliopolis, ainsi qu’au Palais de Mohamad Ali à Manial. Avec l’abondance de ses palais et monuments considérés comme des chefs-d’oeuvre architecturaux, appartenant aux différentes époques pharaoniques et islamiques, l’Egypte explore des endroits et sites afin de trouver des alternatives non conventionnelles pour la promotion du tourisme.

Or, ces cérémonies ont suscité une controverse non seulement parmi les archéologues, mais aussi parmi les amateurs du patrimoine. Les responsables du ministère des Antiquités affirment que ces cérémonies n’ont aucun impact sur les sites historiques et que les fonds générés par ces événements sont directement réinvestis dans la restauration et l’entretien des sites historiques. Cela permet de conserver notre patrimoine pour les générations futures. « Organiser des cérémonies de mariage ou des fêtes privées dans des sites archéologiques est légal et appliqué dans plusieurs pays du monde. Ces cérémonies sont régies par des conditions strictes telles que l’interdiction des boissons alcoolisées et des narguilés. L’utilisation des feux d’artifice ou d’appareils qui peuvent nuire aux édifices antiques est également interdite. Et le nombre d’invités doit être scrupuleusement respecté. En outre, des responsables du ministère assistent à ces cérémonies, afin d’assurer la protection des sites et garantir le respect des contrats signés entre la direction, responsable de ces monuments, et les particuliers », explique Sélim, soulignant que le ministère entend populariser l’expérience dans tous les sites archéologiques ouverts au public. Et d’ajouter : « Je demande à ceux qui refusent cette idée de proposer des alternatives pour diminuer l’énorme déficit budgétaire dont souffre le ministère ».

Cependant, nombreux sont ceux qui critiquent la tenue de ces cérémonies dans les sites historiques. « Les raisons invoquées par les responsables sont inacceptables. On abîme un monument pour une modique somme de 50 000 ou 60 000 L.E. », souligne Saïd Ahmad Salama, secrétaire du parti du Rassemblement (Al-Tagammoe). Dans le même contexte, un certain nombre de personnes ont créé une page Facebook intitulée « Al-Qalaa Mech Salet Afrah » (la citadelle n’est pas une salle de noces), afin de condamner cette utilisation du patrimoine et de rappeler que le monument n’est pas une propriété privée, mais qu’il appartient à tous les Egyptiens et qu’il faut le protéger pour les futures générations. Pour sa part, Ibrahim Darwich, ex-directeur du secteur des monuments, condamne également cette idée en affirmant que cela représente une offense au patrimoine. « La promotion du tourisme et des sites archéologiques ne se fait pas avec des cérémonies de mariage, mais plutôt avec des événements culturels de qualité ou de grands concerts », conclut Darwich.

Entre le pour et le contre, alors que le débat continue, chacun défendant à sa manière le patrimoine, de nombreux couples rêvent encore de noces dans un site de rêve.

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