Hussein Marzouk a rassemblé une collection exceptionnelle de photos en noir et blanc. Décédé, il a laissé, en héritage à sa fille Magda, un vrai trésor qu’il gardait précieusement. Il s’agit de vieilles photos du président Gamal Abdel-Nasser décédé le 28 septembre 1970 et de l’un de ses amis. Sur l’une des photos, on voit le leader agiter les mains et sur une autre on le voit portant un manteau d’hiver lourd, une tenue adaptée au climat hors d’Egypte. De nombreuses autres photos montrent le Zaïm lors d’occasions et de visites officielles. Ces photos étaient conservées dans les archives privées de Marzouk. Il y a aussi des portraits de l’ancien président et des images d’événements publiées dans les journaux dont certaines ont été encadrées. Magda prend soin de ce trésor en noir et blanc. Elle a rassemblé toutes les photos dans un grand fichier pour les garder loin de la lumière du soleil et des endroits humides et les tient hors de la portée des enfants.
La photographie est un moyen de capter et de conserver les moments précieux. Et pour certains, les photographies anciennes, souvent en noir et blanc, représentent un patrimoine inestimable qui nous permet de retracer notre histoire, de revivre des souvenirs et de documenter des événements importants. Ces images suscitent une certaine nostalgie, évoquent des souvenirs qui sont intimement liés à des sensations du passé.
« Les anciennes photos permettent aux nouvelles générations de connaître des personnes qu’elles n’ont pas eu la chance de rencontrer vivantes, ainsi que certaines personnes célèbres qu’elles rêvaient de voir ou de communiquer avec elles. Ces photos sont d’une grande richesse. Elles décrivent des lieux ou des événements marquant l’Histoire », explique Raafat Abdel-Rahman, un collectionneur de photos resté amateur et qui rêvait de devenir professionnel, mais s’est contenté finalement de faire de la documentation en collectionnant des photos de personnes célèbres ou des photos de famille qui demeurent sa seule source d’inspiration. Ce passionné de photographie a toujours son appareil photo sur lui, ne voulant jamais rater une occasion de saisir « l’instant unique » et prendre des photos originales. Il peut attendre des heures pour capter le bon moment. Il possède aujourd’hui une importante collection de photos qui servent de portail documentaire à toutes les étapes de sa vie.
Francis, quant à lui, a transmis sa passion pour la photographie à tous ceux qui l’entourent. Il la partage surtout avec ses enfants et son épouse. Cette dernière cherche à préserver ce « précieux trésor » grâce à une étude approfondie sur les meilleurs outils de restauration des photos. Même son de cloche pour Francis Amin, qui apprécie ce patrimoine visuel immortalisant chaque instant précieux de la vie. Il pense qu’une photo peut valoir 1 000 mots. « Avant la photographie, les souvenirs hérités étaient basés sur la description des ancêtres. Les histoires étaient le seul moyen de communication entre les générations », explique-t-il. Et d’ajouter : « Mon grand-père, Muharib, décédé en 1935, en est un exemple. Quelques membres seulement de ma famille ont eu la chance de le rencontrer ou de le connaître. Trouver une photo rare de lui en noir et blanc est un héritage précieux et un trésor que la famille tient particulièrement à préserver ».
Francis Amin souligne que la photo de son grand-père est similaire aux histoires transmises par la famille, ce qui confirme la valeur de la photo et sa capacité à documenter et à raconter l’histoire des individus ou des lieux. Avec nostalgie, il parle de l’album de famille que l’on trouve dans tous les foyers égyptiens et qui renferme des photos de tous les membres de la famille. Cet album exprime l’amour que l’on porte aux parents et le désir d’entendre des histoires les concernant. La photographie était auparavant le seul moyen de rapporter des informations historiques. Par exemple, nous n’aurions pas pu reconnaître les traits de visage des membres de la famille royale si les photos n’avaient pas existé, car leurs descendants ont tenu à posséder des albums de photos de famille complets, et il en va de même pour les familles riches qui conservaient les photos de tous leurs proches. « Plus tard, l’image des grands-parents est devenue un élément commun qui caractérise les classes riches et pauvres, car chaque chef de famille suspendait un cadre avec la photo de ses ascendants dans un endroit bien visible à l’intérieur de la maison, une source de fierté et un moyen de montrer son dévouement à sa famille », souligne-t-il.
Francis retrace, grâce aux photos, les moments les plus marquants qu’a connus sa famille. Les albums sont devenus, aujourd’hui, la seule référence pour lui de se reconnaître et d’entrevoir leur passé. « Immortaliser l’instant était mon objectif. Cependant, je pense que la vie est un enchaînement continu d’événements. La documentation est devenue mon plus grand objectif, puisque les prises témoignent des lieux dont certaines caractéristiques ont disparu et seules les images sont capables de prouver que ces lieux existaient auparavant », explique Francis avec nostalgie. Et d’ajouter : « Une prise de vue photographique réalisée en quelques secondes peut vivre éternellement ».
Le secret de la restauration
Mervat, chercheuse en restauration de photos, souligne qu’il existe une histoire derrière les photos et chaque photo mérite d’être étudiée minutieusement et en profondeur, car le moment fait partie du passé et l’image devient la seule preuve et la seule source d’identification des personnes, des lieux et des bâtiments. « Les anciennes photos sont une référence historique permettant d’identifier les costumes, les coutumes, les traditions et même les décors d’une certaine période, ce qui rend service à de nombreux domaines comme le cinéma. Les vieilles photos sont utilisées pour représenter une période historique antérieure lors du tournage d’un film », explique-t-elle.
Passionnée par la réparation et la restauration des objets anciens, Mervat a décidé de mettre son talent à l’épreuve. La photographie fait partie, en effet, de ses centres d’intérêt, car elle aime collectionner les albums anciens et les conserver dans des collections dédiées à chaque période. Selon elle, la perte de la passion pour la photographie chez de nombreuses personnes après l’avènement du numérique signifie qu’elles n’ont pas saisi la nature et l’importance d’une photo que l’on touche avec la main et qui n’est pas uniquement une image sauvegardée sur un appareil.
Une chose qui l’a poussée à préparer un master aux Universités de Hélouan et de Catane en Roumanie dans le domaine de la restauration et de l’entretien des photographies. Elle explique qu’avant de se lancer dans les études supérieures, elle suivait la méthode traditionnelle de conservation des photos pratiquée par la famille et les parents proches. Cependant, ses études ont changé sa façon de penser, comme elle le dit, et ceci l’a aidée à conserver les photos plus longtemps grâce à certaines méthodes, comme le fait de savoir toucher et tenir une photo pour éviter de la détériorer. « Actuellement, je suis en train de préparer un doctorat dans le même domaine, car je veux propager la culture de la préservation du patrimoine photographique et aider tous ceux qui possèdent une collection privée à la conserver le plus longtemps possible. Cependant, il est temps que l’Egypte pense à ouvrir des musées spécialisés dans la photographie à l’instar des autres pays », explique Mervat. Et d’ajouter : « C’est une culture que j’espère répandre en Egypte, d’auatnt qu’il existe à l’étranger des musées consacrés à cet objectif et qui collectent même les photos de famille ».
Elle souligne que l’existence d’un musée de la photographie apportera un soutien aux étudiants, à ceux qui s’intéressent à ce domaine et même aux amateurs qui cherchent des moyens et des possibilités de préserver leurs photos anciennes. Elle tente d’apporter une aide à ceux qui en ont besoin dans ce domaine, soit pour faciliter leurs recherches, ou pour trouver des livres ou des études réalisées dans ce domaine, par le biais d’une page spécialisée sur Facebook permettant de visualiser des photos anciennes. « Certains exposent à la vente des photographies en noir et blanc dont les prix varient en fonction de l’état de la photo et de la qualité du papier, ce qui fait que la question n’est pas organisée, d’où la nécessité d’un musée de la photographie, afin que le plus grand nombre possible de personnes profite de ces photos », conclut-elle.
Lien court: