Le conflit en Ukraine prend de plus en plus la tournure d’un bras de fer entre la Russie et l’Occident. Et la décision du président américain, Joe Biden, et certains pays européens, de donner le feu vert à l’Ukraine pour frapper des cibles sur le sol russe par leurs armes met de l’huile sur le feu. Moscou n’a pas tardé à réagir en ciblant des dépôts d’armes de l’OTAN en Ukraine, alors que Poutine a averti Biden qu’il jouait au feu avec cette décision et a renouvelé ses menaces d’avoir recours à l’arme nucléaire.
Cependant, les Occidentaux tergiversent. « Le président a donné pour mission à son équipe de faire en sorte que les Ukrainiens puissent utiliser des armes américaines afin de contre-attaquer dans la région de Kharkiv, de manière à riposter lorsque les forces russes les attaquent ou se préparent à les attaquer », a indiqué le 30 mai un haut responsable américain. Se rangeant derrière la décision de Washington, le gouvernement allemand a autorisé, à son tour, Kiev à utiliser des armes livrées à l’armée ukrainienne pour mener des frappes sur le territoire russe. Quant à la France, qui avait auparavant proposé d’envoyer des forces à l’Ukraine, elle a estimé que l’Ukraine avait le droit de se défendre en visant en Russie des cibles militaires. Washington, Paris et Berlin sont cependant d’accord pour préciser qu’ils continuent à s’opposer à des frappes ukrainiennes en profondeur sur le territoire russe.
Malgré cela, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, voit en cette annonce une bouffée d’oxygène « qui consiste à donner la possibilité de défendre notre peuple qui vit dans les villages situés le long de la frontière », a-t-il dit le 31 mai lors du troisième Sommet Ukraine-Europe du Nord à Stockholm.
Mais pourquoi donc Joe Biden, qui s’y refusait jusqu’ici, a-t-il donné pour la première fois ce feu vert à l’Ukraine, alors que c’était l’une des lignes rouges que Washington, tout comme les autres pays occidentaux qui fournissent du matériel militaire à l’Ukraine, avait longtemps fixées à Kiev ? Cela s’explique en premier par l’avancée russe qui se poursuit en Ukraine sur le terrain. « Les Etats-Unis et l’OTAN craignent que la Russie ne réalise plus de victoires et n’atteigne Kiev, ils veulent ralentir cette avancée », indique Mona Soliman, chercheuse en sciences politiques. L’experte ajoute que ce qui inquiète Washington et les Européens, c’est que la Russie mette comme condition de négociations de ne jamais céder les terrains qu’elle a conquis en Ukraine. C’est pourquoi ils veulent l’arrêter par tous les moyens.
Sommet décisif de l’OTAN en juillet
De son côté, Moscou, qui poursuit son avancée sur le terrain, a averti les Occidentaux tout en les accusant de vouloir prolonger le conflit. « Les pays membres de l’OTAN, notamment les Etats-Unis et d’autres capitales européennes, ont entamé ces derniers jours, ces dernières semaines, un nouveau cycle d’escalade », a dénoncé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. « Ils provoquent l’Ukraine par tous les moyens possibles, afin de poursuivre cette guerre insensée. Cela se fera en fin de compte au détriment des pays qui ont emprunté la voie de l’escalade », a-t-il mis en garde. En revanche, le porte-parole du Kremlin a également assuré que des armements américains étaient « déjà utilisés pour tenter de frapper le territoire russe », ce qui, selon lui, représente une preuve supplémentaire du « degré d’implication des Etats-Unis dans ce conflit ».
Pour autant, le soutien occidental à l’Ukraine n’est pas près de prendre fin. Pour plus de soutien à l’Ukraine, les Etats membres de l’OTAN vont tenir un sommet en juillet à Washington pour discuter des efforts de livrer les aides militaires à l’Ukraine et de l’idée d’y envoyer des forces. « Les résultats de ce sommet seront très importants, car ils détermineront si des troupes seront envoyées ou non, vu qu’il existe un différend entre les membres de l’OTAN sur l’idée d’envoyer des forces et du personnel à l’Ukraine », explique Mona Soliman, tout en estimant qu’au cas où les membres de l’OTAN n’arriveraient pas à se mettre d’accord, les négociations pourront prendre lieu. Par contre, le pire est à prévoir si les Occidentaux décident d’envoyer des forces. « La Russie a averti qu’elle allait cibler les équipements et même les forces étrangères qui vont se trouver en Ukraine. Une escalade de ce genre va faire plus de pertes humaines et va prolonger le conflit des années encore », conclut l’analyste, tout en ajoutant qu’il existe des accords sur des aides financières conclus entre l’Ukraine et certains pays européens jusqu’à 2026, ce qui veut dire qu’ils savent bien que la guerre n’est pas près de prendre fin.
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