Une semaine après l’attaque sanglante contre le quartier général de la police à Mansoura, des questions subsistent. Qui a mené l’attaque, pourquoi et comment ? L’attentat intervient dans un contexte particulièrement délicat à quelques jours du référendum sur la nouvelle Constitution, prévu les 14 et 15 janvier. Tous les regards sont portés sur Ansar Beit Al-Maqdes, un groupe intégriste qui s’inspire d’Al-Qaëda et qui s’est fait connaître après le 30 juin grâce à des opérations menées contre l’armée égyptienne dans le Sinaï, notamment l’attaque à la voiture piégée en septembre qui avait tué 11 soldats dans le nord de la péninsule. Le groupe a également revendiqué l’attaque récente contre le convoi du ministre de l’Intérieur au Caire.
Ansar Beit Al-Maqdes se serait installé dans le Sinaï il y a 3 ans environ. Objectif affiché : combattre Israël et libérer les lieux saints musulmans. Le groupe, qui tire ses origines de Gaza, serait également responsable d’une attaque de roquette sur la ville israélienne d’Eilat début 2011. Ansar Beit Al-Maqdes ne disposerait que de quelques centaines de combattants. C’est lui qui aurait fait exploser à plusieurs reprises le gazoduc reliant l’Egypte à Israël.
Après la révolution du 25 janvier, plusieurs groupes intégristes se sont installés dans le Sinaï, encouragés par le vide sécuritaire dans la péninsule et la politique complaisante des Frères musulmans. La responsabilité de leur présence et leur prolifération dans le Sinaï incombe en partie au régime islamiste. Se sentant en difficulté face à une opposition grandissante sur le front interne, l’ex-président, Mohamad Morsi, opère un rapprochement avec certains de ces groupes intégristes, dont beaucoup d’origine palestinienne sont idéologiquement proches de la confrérie. Morsi libère plusieurs djihadistes emprisonnés, que les Frères perçoivent comme des alliés potentiels face à la montée de l’opposition interne. Certains de ces éléments font publiquement des menaces contre les adversaires de Morsi.
Après le 30 juin, les groupes intégristes du Sinaï se sont tournés vers l’armée et la police égyptiennes.
Deux considérations retiennent immédiatement l’attention. Premièrement, le déplacement progressif des attaques terroristes hors de la péninsule du Sinaï. Ainsi, le 12 décembre une voiture piégée explose dans la ville d’Ismaïliya le long du Canal de Suez, signalant le transfert des opérations hors du Sinaï. L’attaque contre le quartier général de la police de Daqahliya confirme cette évolution. Elle tend à montrer que ces groupes disposent d’une organisation implacable et qu’ils ne sont pas infiltrés par la sécurité, ce qui rend difficile toute tentative de les neutraliser.
L’autre remarque porte sur la manière dont ces attaques sont menées au moyen de voitures piégées et d’opérations suicide, des méthodes totalement inconnues en Egypte qui visent a priori à semer la panique au sein de la population. L’objectif est clair : compromettre la feuille de route, déstabiliser les autorités intérimaires et frapper le tourisme et l’économie du pays. L’Egypte fait désormais face à une nouvelle forme de terrorisme, impitoyable et imprévisible.
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