Entre des ministres à Riyad et d'autres qui participeront à la réunion par vidéoconférence, l'Opep+ joue dimanche 2 mai une partition inédite, avec un objectif : maintenir l'unité du cartel à un moment de grandes incertitudes économiques et géopolitiques.
L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) menée par l'Arabie saoudite et leurs alliés conduits par Moscou, qui ont noué en 2016 un accord appelé Opep+ pour mieux peser sur le marché, devaient initialement tenir leur grand-messe bisannuelle au siège du cartel à Vienne.
Mais elle a été reprogrammée en ligne, avant que rendez-vous ne soit donné à certains membres à Riyad.
De l'avis des analystes interrogés par l'AFP, les 22 ministres devraient garder une ligne prudente en reconduisant les coupes de production déjà annoncées, pour au moins un trimestre, voire jusqu'à la fin de l'année.
Cette stratégie, entamée fin 2022 face à la chute des cours, vise à jouer sur la raréfaction de l'offre pour doper les prix.
L'Opep+ garde actuellement sous terre près de six millions de baril, à la fois via des décisions prises à l'échelle de l'alliance et des réductions volontaires supplémentaires.
Quotas de la discorde
Pas de suspense de ce côté-là donc. En revanche, le groupe pourrait être poussé à "réviser les quotas de certains membres", souligne Ipek Ozkardeskaya, analyste marchés chez Swissquote Bank.
Ceux qui font le déplacement à Riyad semblent vouloir discuter d'un relèvement, a expliqué à l'AFP un expert proche de l'Opep. Et ainsi garder des coupes de façade, tout en augmentant leurs volumes.
Le ministre de l'Énergie du Kazakhstan, Almasadam Satkaliev, a confirmé sa participation, selon l'agence Interfax du pays. Le Koweït sera aussi représenté, d'après une source au sein du ministère du pétrole. La presse financière mentionne aussi la potentielle présence des ministres d'Iraq et de Russie.
Ils font partie des pays qui, avec l'Algérie et Oman, ont consenti à resserrer les vannes, à l'appel de l'Arabie saoudite, désireuse de partager le fardeau des coupes.
Riyad va devoir "faire des compromis supplémentaires" pour permettre la modification des quotas, "mais cela devrait contribuer à protéger l'unité du cartel", estime Mme Ozkardeskaya.
La question est un motif de discorde récurrent au sein de l'alliance, suscitant des débats houleux voire des départs fracassants. L'Angola avait quitté le navire Opep fin 2023, mécontente de l'objectif de production qui lui avait été alloué.
Préparer la réouverture des vannes
Mukesh Sahdev, chez Rystad Energy, s'attend à des "négociations intenses sur les chiffres clés".
D'autant que l'Opep+ fait face à "un défi de taille" : "les barils réellement mis sur le marché sont probablement plus élevés que ce qui est comptabilisé", note-t-il. De quoi faire dérailler la stratégie du cartel.
L'Iraq et le Kazakhstan ont de fait dépassé leurs quotas au premier trimestre, tandis que la Russie a affiché une surproduction en avril.
Depuis la dernière réunion de novembre, le groupe a su garder des prix du brut plutôt stables, autour des 80 dollars le baril pour le Brent de la mer du Nord comme le WTI américain, sans parvenir à les faire décoller.
A horizon 2025, les observateurs du marché tablent sur un montage complexe qui permettrait de rouvrir petit à petit les vannes sans plomber les prix.
Un véritable casse-tête, en particulier à l'heure où des interrogations demeurent quant à la résilience de la demande mondiale.
L'Opep persiste et signe en maintenant rapport après rapport ses prévisions de la demande pour 2024, quand l'Agence internationale de l'énergie (AIE) se montre moins optimiste et a revu à la baisse ses estimations.
"Contexte inflationniste, perspectives économiques moroses et incertitudes des banques centrales", l'environnement est "difficile", commente Ipek Ozkardeskaya, évoquant aussi la forte concurrence du pétrole américain et les tensions au Moyen-Orient.
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