Les travailleurs électoraux vérifient les bulletins de vote lors d’une journée de vote spéciale à la maison de retraite Zibambeleni au KwaDadeka, près de Durban, en Afrique du Sud. Photo : AP
À la veille d'élections législatives en Afrique du Sud, annoncées comme les plus disputées des trente dernières années, les derniers indécis réfléchissaient encore mardi à un vote qui pourrait marquer un recul historique de l'ANC au pouvoir depuis la fin de l'apartheid.
Ces dernières semaines dans les rues de Johannesburg, les affiches de campagne se sont multipliées. Les poteaux des feux de circulation, recouverts de haut en bas de posters, offrent un éventail quasi complet du choix qui s'offrira mercredi aux quelque 27,6 millions d'électeurs inscrits.
Les électeurs doivent choisir 400 députés désignés à la proportionnelle. Une cinquantaine de partis sont en lice. La nouvelle Assemblée nationale se réunira ensuite pour choisir le prochain président.
Pendant trente ans de démocratie, née avec l'élection du premier président noir sud-africain Nelson Mandela en 1994, les électeurs ont été loyaux au parti historique qui a libéré le pays du joug de l'apartheid.
L'ANC a toujours remporté les scrutins nationaux d'une large majorité, rassemblant encore 57% des voix aux dernières législatives en 2019.
Mais le mouvement a perdu de sa popularité au fil des ans. Pour nombre des 62 millions de Sud-Africains aujourd'hui, l'ANC qui avait promis à la libération l'éducation, l'eau, un toit et un vote pour tous, a failli à ses engagements.
Un tiers de la population en âge de travailler est au chômage. La pauvreté et les inégalités vont croissant. La criminalité bat régulièrement ses propres records et le quotidien est empoisonné par des coupures d'eau et d'électricité récurrentes.
Et les scandales de corruption impliquant des cadres du partis ont fini d'éroder une confiance déjà largement entamée.
- "Imprévisible" -
Nomsa Cele, 55 ans, vend des chapeaux et bijoux fantaisie sur le front de mer à Durban, capitale de la province du KwaZulu-Natal (sud-est). A la veille du scrutin, elle ne sait toujours pas quelle case elle cochera sur son bulletin mais "je ne voterai pas pour l'ANC", lâche-t-elle.
Selon les enquêtes d'opinion, le parti qui oscille entre 40% et 47% des intentions de vote devrait perdre, pour la première fois, sa majorité absolue au Parlement.
Jusqu'ici, avec plus de 50% des sièges de députés, l'ANC avait toujours choisi le président dans ses rangs. En passant sous la barre symbolique, le parti qui devrait toujours être majoritaire à l'Assemblée devra nouer des alliances pour la formation d'un gouvernement de coalition.
A droite de l'échiquier, la plus grande formation d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), compte bien entrer au gouvernement. Promettant de "sauver l'Afrique du Sud", le mouvement libéral qui prône la privatisation du secteur public et une dérégulation de l'économie, pourrait rafler environ 25% des suffrages exprimés.
Sur la gauche, les Combattants pour la liberté économique (EFF) du provocateur Julius Malema, promet des réformes radicales telles que la redistribution des terres et la nationalisation de secteurs économiques clef. Il pourrait remporter près de 10% des voix.
Mais la plus grande menace pour l'ANC pourrait provenir du petit parti de l'ancien pilier du parti historique Jacob Zuma. L'uMkhonto we Sizwe (MK) de l'ex-président de 82 ans, candidat mais finalement déclaré inéligible, pourrait séduire jusqu'à 14% des électeurs, capitalisant sur les déçus du parti au pouvoir.
"Ce scrutin est sans doute le plus imprévisible que l'Afrique du Sud a connu depuis 1994", résume l'analyste politique Daniel Silke interrogé par l'AFP, plaçant l'incertitude politique en parallèle avec le "déclin économique" de la première puissance industrielle du continent au cours des dix dernières années.
Selon toutes probabilités, "l'ANC ressortira affaibli", selon l'expert, et "l'avenir du président Ramaphosa pourrait bien être en jeu" en cas de résultats très décevants du parti aux prochaines élections.
Lien court: