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Le terrorisme frappe les monuments historiques

Dalia Farouq, Lundi, 30 décembre 2013

Plusieurs monuments islamiques de la ville de Mansoura ont été affectés par l'attentat terroriste qui a visé la semaine dernière le quartier général de la police à Daqahliya. Etat des lieux.

Mansoura
Le théâtre national de Mansoura ravagé par l'explosion.

Une fois de plus, le patrimoine culturel égyptien a subi les consé­quences de l’instabilité politique en Egypte. Plusieurs bâtiments historiques ont été profondément affectés suite à l’attentat à la voiture piégée qui a touché le quartier général de la police à Mansoura, chef-lieu du gouvernorat de Daqahliya dans le Delta. Bien qu’il ne soit pas reconnu comme patri­moine, le théâtre national de Mansoura, qui est un joyau artistique, a été touché par l’explo­sion. Sa façade, a été complètement démolie et ses fenêtres se sont envolées sous l’effet de l’explosion. L’enceinte du théâtre a également subi de grands dégâts, surtout le proscenium, complètement détruit. Le bâtiment du théâtre n’est pas reconnu comme antiquité, mais il est inscrit comme bâtiment d’une valeur patrimo­niale. Samir Gharib, président de l’Organisme de l’urbanisation civile, assure que ce théâtre est le plus ancien du Moyen-Orient, puisqu’il a été construit en 1862 par le khédive Ismaïl. Il a été rénové en 1902 par le grand architecte ita­lien Marrielli. « Ce qui s’est produit au théâtre de Mansoura est une nouvelle perte pour le patrimoine architectural égyptien. Les dégâts ne peuvent pas être réparés », se lamente Gharib. Ce théâtre a été témoin d’une époque importante de l’histoire de l’Egypte, car il a abrité les cérémonies d’inauguration du Canal de Suez. Les grands chanteurs égyptiens tels Oum Kolsoum et Abdel-Halim ont donné des concerts sur cette scène. Gharib ajoute que son organisme avait demandé à plusieurs reprises au ministère des Antiquités d’inscrire le bâti­ment sur la liste des antiquités islamiques. « Le ministère des Antiquités a refusé. Je ne sais pas pour quelle raison », reprend Gharib. Et d’ajou­ter : « Les pertes ne sont pas seulement patri­moniales, mais financières aussi. On vient juste d’achever un projet de réaménagement du théâtre avec un budget de plus de 22 millions de L.E., un don du gouvernement japonais. Deux jours après l’explosion, les ministres de la Culture et de la Planification ont visité le théâtre. Ils ont décidé de le reconstruire moyen­nant un budget de 40 millions de L.E. », explique-t-il.

Les antiquités affectées

D’autres monuments reconnus comme anti­quités égyptiennes ont été aussi touchés par cette explosion, comme la mosquée d’Al-Saleh Negmeddine Ayyoub. Construite en 1243 par le dernier gouvernant ayyoubide Al-Saleh Negmeddine Ayyoub, cette mosquée est l’un des rares monuments islamiques existants de l’époque ayyoubide (1170-1260 ). « Le plafond en bois s’est écroulé lors de l’explosion ainsi que les fenêtres qui portent des ornements superbes en vitrail sous forme d’étoiles, un style connu de l’art islamique », explique Intissar Al-Gharib, coordinatrice du mouve­ment des révolutionnaires des antiquités. En outre, Dar Ibn Loqman qui est, elle aussi, la seule maison en Egypte à subsister de l’époque ayyoubide a été affectée, mais à un degré moindre. La renommée de cette maison est due au fait que le roi français Louis IX et son frère Charles d’Anjou y furent emprisonnés pendant un mois, au printemps de 1250, par les musul­mans lors de la 7e croisade (voir encadré). Quelques fissures sont apparues dans les murs de la maison qui a perdu, elle aussi, quelques fenêtres.

En fait, Intissar Al-Gharib avait lancé un appel au ministère des Antiquités pour sauver les joyaux islamiques de Mansoura avant qu’ils ne soient perdus à cause de la négligence.

Le ministère des Antiquités a minimisé les dégâts subis par les antiquités islamiques à Mansoura. « Les dégâts ne dépassent pas quelques vitres brisées », indique Samarat Hafez, président du secteur des antiquités isla­miques au Conseil suprême des antiquités. Une position qu’Intissar Al-Gharib qualifie d’irres­ponsable vis-à-vis des antiquités islamiques qui souffrent de la négligence. « C’est le manque de budget qui a poussé le ministère des Antiquités à ne pas reconnaître les dégâts qu’ont subis les antiquités de Mansoura. Il ne possède pas l’argent nécessaire pour restaurer ces monuments à l’heure actuelle », explique Al-Gharib.

Une maison riche en histoire

Dar Ibn Loqman occupe une place privilégiée dans l’histoire de l’Egypte islamique. Cette maison située à Mansoura, dans le gouvernorat de Daqahliya, a été édifiée en 1218. Le pro­priétaire de la maison était un juge de l’époque ayyoubide : Fakhreddine Ibrahim Ibn Loqman, d’où le nom actuel de la maison. Celle-ci est composée de deux étages. Le premier étage était autrefois la prison de Louis IX qui y fut incarcéré, après la bataille de Faraskour où il fut fait prisonnier. Il y resta juqu’au 12 avril 1250, date à laquelle sa femme a payé finalement la rançon demandée par le gouverneur d’Egypte de l’époque, Touranchah Ibn Al-Malek Al-Saleh Negmeddine Ayyoub.

Cette maison témoigne donc de la fin des croisades. Elle est devenue le symbole de la ville de Mansoura et son musée national. Une salle a été annexée, en effet, à la maison, afin de servir de musée pour la ville de Mansoura. De petite dimension, ce musée renferme des figu­rines représentant Louis IX et son gardien, le canapé où il reposait lors de sa capture, des bustes de la reine Chagaret Al-Dorr et de Touranchah, fils du sultan Al-Malek Al-Saleh Negmeddine Ayyoub. Il y a aussi des tableaux et des peintures relatant la lutte du peuple de Mansoura contre les croisés et une pancarte montrant les déplacements des deux armées. Des vitrines exposent, d’autre part, quelques outils de guerre utilisés à l’époque.

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