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Gaza : L’Egypte hausse le ton

Chaïmaa Abdel-Hamid , Mercredi, 15 mai 2024

L’Egypte s’est associée à l’Afrique du Sud dans sa plainte contre Israël devant la Cour Internationale de Justice (CIJ). Le Caire, qui a mis en garde à plusieurs reprises contre l’escalade israélienne à Gaza, refuse de coordonner avec Israël l’entrée de l’aide dans la bande de Gaza. Explications.

Gaza : L’Egypte hausse le ton

Dans une nouvelle mesure visant à souligner son refus de l’escalade israélienne à Gaza, l’Egypte a annoncé le 12 mai, par le biais du ministère des Affaires étrangères, son intention d’intervenir en faveur de la plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la CIJ. Une mesure importante qui fait suite à « la multiplication des attaques israéliennes contre les civils palestiniens dans la bande de Gaza et la destruction des infrastructures, provoquant la déportation des Palestiniens hors de leurs territoires et donnant lieu à une crise humanitaire sans précédent », souligne un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

Saluant la démarche de l’Egypte, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a affirmé que « l’Afrique du Sud va coopérer avec l’Egypte pour mettre en place des méthodes d’action cohérentes dans le procès contre Israël devant la CIJ ». Même réaction du mouvement palestinien Hamas, qui a salué l’annonce de l’Egypte d’intervenir contre Israël devant la CIJ pour dénoncer le génocide commis contre le peuple palestinien. Israël a, quant à lui, affirmé par la voix de l’un de ses diplomates que la décision de l’Egypte était une « trahison » et « un coup de poignard dans le dos ».

Le désaccord entre l’Egypte et Israël s’est élargi après que ce dernier avait pris le contrôle du côté palestinien du passage de Rafah. Face à l’escalade israélienne, l’Egypte a pris des mesures progressives. Elle a d’abord refusé toute coordination avec Tel-Aviv au niveau de la gestion du passage et a ensuite rejoint l’Afrique du Sud dans sa plainte devant la CIJ. La position du Caire refusant toute coordination avec Tel-Aviv coïncide également avec l’arrêt des négociations sur la trêve dans la bande de Gaza.

A noter que Le Caire a mis en garde à plusieurs reprises contre l’escalade en cours à Gaza depuis que les négociateurs israéliens et palestiniens avaient quitté l’Egypte, mettant ainsi fin aux discussions sur la trêve.

Une décision politique

Revenant sur la décision de l’Egypte d’intervenir devant la CIJ, l’expert en droit international Ayman Salama explique que l’Egypte a pris la bonne décision au bon moment, étant donné les évolutions actuelles qui ont un impact négatif sur la Palestine et également sur l’Egypte. « C’est une décision politique en premier lieu », affirme Salama. Et d’ajouter : « L’Egypte doit fournir au tribunal les preuves qu’elle a subi un préjudice grave, immédiat et direct en raison des violations israéliennes ».

L’ancien vice-ministre des Affaires étrangères, Mohamed Hégazi, estime, lui, que la décision de l’Egypte de rallier l’Afrique du Sud dans sa plainte devant la CIJ est une mesure importante qui a pour objectif d’accentuer la pression sur Israël et de garantir l’application des mesures que la Cour a demandées à l’Etat hébreu et que ce dernier n’a pas respectées. « En rejoignant l’Afrique du Sud, l’Egypte veut renforcer les accusations de génocide portées contre Israël », explique Hégazi. Et d’ajouter : « L’objectif est d’accentuer la pression sur Israël et l’amener à cesser les violations commises contre la population civile à Gaza. Israël doit notamment accepter un cessez-le-feu et cesser de mettre des entraves à l’acheminement de l’aide ».

Difficile coordination

Comme l’explique Hégazi, l’action de l’Egypte est un appel fort à la communauté internationale à punir Israël sur la base des accusations de génocide, qui sont fermement établies. « Le timing de cette décision de l’Egypte est très important non seulement en raison des pratiques israéliennes à Rafah, mais aussi parce que le tribunal est en train de préparer un mandat d’arrêt contre Netanyahu et certains dirigeants israéliens », affirme Hégazi. Il explique : « Il existe trois preuves sur l’existence d’un génocide et qui ne peuvent être niées par Israël. Il s’agit de l’intention préméditée, l’extermination d’un groupe ethnique, religieux ou racial, et enfin, le recours à certaines méthodes d’extermination comme les bombardements aveugles, la famine, les coupures d’eau et d’électricité et d’autres pratiques qui ont provoqué un génocide passible de sanctions par le droit humanitaire et international ».

Concernant la suspension de la coordination égypto-israélienne sur les négociations de la trêve, Hégazi estime que le gouvernement israélien « ne veut pas mettre fin à la guerre. La preuve est qu’il a étendu ses opérations à Rafah ». Selon lui, Netanyahu refuse de céder et tente de se maintenir au pouvoir car il est pleinement conscient que le jour où la guerre prendra fin, il sera jugé devant son peuple et devant le tribunal international.

Un soutien qui se poursuit

Malgré la fermeture du terminal de Rafah du côté palestinien, Le Caire continue, selon les forces armées, à larguer des tonnes d’aides humanitaires sur la bande de Gaza, en coopération avec la Jordanie et les Emirats arabes unis.

Sur un autre volet, l’Egypte poursuit sa coordination avec les forces régionales et internationales pour tenter de parvenir à un cessez-le-feu. Les chefs de la diplomatie égyptienne et américaine, Sameh Shoukry et Antony Blinken, ont échangé, le 13 mai, leurs visions sur la détérioration des conditions humanitaires et sécuritaires dans la bande de Gaza, surtout à Rafah, après la prise de contrôle israélienne du côté palestinien du point de passage de Rafah, empêchant l’entrée des aides humanitaires.

Sameh Shoukry a rappelé à son homologue américain les conséquences humanitaires désastreuses qui affecteront plus de 1,4 million de Palestiniens si l’agression israélienne à Rafah se poursuit, soulignant la nécessité de rétablir l’accès de la population de Gaza à l’aide humanitaire qui a cessé ces derniers jours.

 CIJ : Des verdicts légalement contraignantset sans appel

Le 26 janvier dernier, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a rendu une décision demandant à Israël d’empêcher d’éventuels actes de « génocide » et de « prendre des mesures immédiates » pour permettre la fourniture « de l’aide humanitaire à la population civile de Gaza ». Les décisions de la CIJ sont légalement contraignantes et sans appel, et il incombe aux différents Etats de les appliquer. Rien ne garantit cependant qu’Israël obtempère et applique ces décisions.

L’arrêt rendu par la CIJ, qui reconnaît le risque plausible de génocide de la population palestinienne à Gaza, constitue une étape importante qui pourrait contribuer à la protection de la population palestinienne dans la bande de Gaza occupée contre de nouvelles souffrances et préjudices irréparables.

La Cour, saisie par l’Afrique du Sud, qui estime qu’Israël viole la Convention des Nations-Unies sur le génocide de 1948, a ordonné six mesures conservatoires. Israël doit notamment s’abstenir de commettre des actes entrant dans le champ d’application de la Convention sur le génocide, prévenir l’incitation directe et publique à commettre le génocide, punir toute incitation directe et publique à commettre le génocide, prendre des mesures immédiates pour permettre la fourniture de l’aide humanitaire à la population civile de Gaza et présenter un rapport à la Cour d’ici un mois sur toutes les mesures prises conformément à cette ordonnance.

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