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Morsi dans la nasse judiciaire

May Al-Maghrabi, Mardi, 24 décembre 2013

Le président déchu Mohamad Morsi et plusieurs cadres de la confrérie ont été déferrés devant la Cour d'assises pour espionnage, attaque contre un établissement pénitentiel et atteinte à la sécurité nationale.

Morsi
Morsi et ses complices sont accusés de divulgation d'informations classées secret-défense à un pays étranger.

Le président destitué Mohamad Morsi et ses collaborateurs ont été à nouveau déférés cette semaine devant la Cour d’assises. Morsi fait l’objet de deux procès. Le premier se rapporte à son évasion de la prison de Wadi Al-Natroune le 28 janvier 2011. Morsi est accusé avec 132 autres personnes, dont près de 70 membres des mouvements islamistes palestinien Hamas et chiite libanais Hezbollah, qui seront jugés par contumace. L’acte d’accusation comprend l’évasion de la prison de Wadi Al-Natroune, l’assaut contre cette prison ainsi que l’enlèvement et le meurtre de soldats et d’officiers de l’armée à Rafah.

Morsi et ses complices sont également accusés de « divulgation d’informations classées secret-défense à un pays étranger », de « financement du terrorisme et du radicalisme », et d’« entraînement militaire et d’atteinte à la sûreté de l’Etat ». L’enquête judiciaire souligne la préparation, dès l’année 2005, d’actes terroristes en collaboration avec le Hamas, le Hezbollah et certains groupes djihadistes. Elle révèle également une collaboration avec les Gardiens de la Révolution iranienne en vue de former, dans la bande de Gaza, des membres de la confrérie des Frères musulmans. Le juge d’instruction, Hassan Samir, chargé du procès, a déclaré que « des contacts sont en cours avec l’Interpol pour arrêter les éléments étrangers impliqués ».

L’autre procès se rapporte à l’espionnage. Mohamad Morsi risque la peine de mort ou, au meilleur des cas, la prison à perpétuité. Selon un communiqué publié par le procureur général, il s’agit de « la plus grande conspiration de l’histoire de l’Egypte se rapportant à la sûreté de l’Etat ». 35 cadres de la confrérie comparaissent aux côtés de Morsi dans ce procès, dont le guide suprême Mohamad Badie, le no 2 de la confrérie, Khaïrat Al-Chater, Essam Al-Eriane et Mohamad Al-Beltagui. Ils doivent tous répondre d’accusations d’espionnage au profit d’organisations étrangères en vue de commettre des actions terroristes dans le pays. Certains d'entre eux, dont Essam Haddad, bras droit de Morsi durant sa présidence, arrêté cette semaine, sont également accusés de divulguer des secrets d’Etat aux Gardiens de la Révolution, troupe d’élite iranienne.

« Une organisation qui a trahi la nation »

Le procès de Morsi et des autres cadres de la confrérie alimente des réactions très controversées. Si les détracteurs du président déchu se félicitent d’un coup porté contre « une organisation terroriste qui a trahi la nation », ses partisans dénoncent un « procès politique sans fondement juridique ».

Mohamad Al-Damati, avocat de la confrérie, estime qu’il n’existe aucune preuve concrète sur l’implication de Mohamad Morsi dans les actes dont il est accusé, qu’il s’agisse de l’évasion de prison ou de l’espionnage. « Les procédures de destitution et d’arrestation du président Morsi sont illégales. L’interrogatoire mené avec lui s’est déroulé en l’absence d’un avocat, et ce, en violation de la loi. De plus, il était détenu en lieu secret pendant des mois sans acte d’accusation. Sous de telles procédures, c’est la légitimité du pouvoir qui le juge qui est en question », s’insurge Al-Damati. Il trouve que la conspiration avec le Hamas est une accusation fort étonnante : « Si les contacts présumés de Morsi avec le Hamas ont eu lieu pendant la présidence de Morsi, cela n’a rien d’extraordinaire, car le président de la République a des contacts avec tous les pays du monde. Et s’ils ont eu lieu pendant la révolution du 25 janvier 2011, alors le Conseil militaire qui dirigeait le pays à cette époque doit lui aussi être inclus à ce procès et dire pourquoi il n’a pas annoncé ces informations qui étaient détenues par les services de renseignements. En outre, comment les papiers de candidature à la présidentielle de Mohamad Morsi ont-ils été acceptés par la Haute commission électorale ? ».

Cette remise en cause de l’indépendance et de l’intégrité de la justice est inadmissible, selon l’avocat Khaled Abou-Bakr, pour qui les enquêtes du Parquet et des services de renseignements sont fiables. : « Certes, les instances judiciaires ne peuvent pas lancer de telles graves accusations sans avoir des preuves tangibles. Les Frères, mis à nu devant le peuple, tentent de discréditer la justice ».

Loin du débat juridique, le politologue Ahmad Abd-Rabbou voit dans ces procès une autre dimension. « Si ces crimes sont prouvés, ils discréditeront non seulement les Frères musulmans, mais surtout la révolution du 25 janvier. Puisque l’acte d’accusation indique que les Frères musulmans ont fomenté, avec le Hamas, le Hezbollah et la CIA la révolution du 25 janvier. N’était-elle pas un soulèvement populaire ? », se demande Abd-Rabbou, qui ne remet pas en doute la droiture des enquêtes. Toutefois, il espère que ces procès ne seront pas mal utilisés pour propulser la révolution du 30 juin au rang de véritable révolution au détriment de celle du 25 janvier. « Les deux révolutions sont complémentaires et non contradictoires. Même s’il y a eu des dérives lors du 25 janvier, cette révolution demeure le premier pas franchi sur le chemin de la démocratie », conclut-il.

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