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L'Iraq s'empêtre dans les luttes confessionnelles

Abir Taleb, Mardi, 24 décembre 2013

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(Photo:Reuters)

6 600 Iraqiens (selon un décompte de l’AFP) ont perdu la vie depuis le début de l’année 2013, en raison des violences. Samedi dernier, une vingtaine d’officiers de l’armée iraqienne ont été tués dans la province occidentale d’Anbar, majoritairement peuplée de sunnites. Immédiatement après, le premier ministre Nouri Al-Maliki, qui appartient à la majorité chiite, a ordonné de retrouver les responsables de cette attaque qui illustre une nouvelle fois la dégradation de la sécurité en Iraq.

En effet, pas un jour ou presque n’est passé cette année sans que des civils soient tombés dans des attaques terroristes : attentats à la voiture piégée, attentats suicide, explosions, etc. Le quotidien des Iraqiens est désormais rythmé par ce genre de violence qui touche l’ensemble du pays. Dans la plupart des cas, ce sont des actes d’ordre confessionnel, tantôt contre les chiites, majoritaires, tantôt contre les sunnites, qui se considèrent lésés depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Et c’est dans l’indifférence quasi totale que l’Iraq sombre, tous les jours un peu plus, dans le chaos. L’Onu a certes mis en garde contre une spirale « infernale » des représailles entre chiites et sunnites ; la communauté internationale n’a pas pour autant agi pour éviter que le pays ne vole en éclats sous l’effet du conflit voisin en Syrie.

Car le risque d’une somalisation de l’Iraq est bel et bien réel. Tout d’abord, parce que le pays n’a jamais connu de période de sécurité totale, que ce soit à l’époque où les troupes américaines étaient présentes ou après leur départ fin 2011. En effet, même après que le gouvernement iraqien eut retrouvé les moyens d’exercer sa souveraineté, il n’a réussi ni à instaurer la sécurité ni à mettre fin à l’existence d’organisations terroristes sur son territoire.

De même, il y a le fameux « conflit » chiites/sunnites. Un antagonisme renforcé par la guerre en Syrie mais qui existait déjà en force en Iraq. A l’origine, Saddam Hussein, qui représentait la minorité arabe sunnite en Iraq, a exercé son pouvoir de manière impitoyable contre les deux autres communautés chiite et kurde. Puis, les Américains se sont appuyés sur celles-ci afin de former un nouveau gouvernement dès 2003. Or, la communauté sunnite, qui détenait toujours une partie du pouvoir en Iraq, n’a jamais accepté de se voir privée de ce pouvoir au bénéfice des chiites et des Kurdes.

S’ensuivit l’impact non négligeable de la crise syrienne. En effet, le conflit syrien se résume de plus en plus à un affrontement entre les rebelles djihadistes sunnites, soutenus par les monarchies du Golfe, et le pouvoir soutenu par l’Iran et le Hezbollah.

La crise iraqienne s’est aussi aggravée du fait de la rivalité entre l’Iran et l’Arabie saoudite. La chute de Saddam Hussein a grandement bénéficié du régime iranien dont l’influence est aujourd’hui incontestable en Iraq. Or, l’Arabie saoudite n’a jamais accepté cet accroissement de puissance de l’Iran. Certains analystes pensent même que l’Arabie saoudite, qui finance et apporte un soutien logistique aux groupuscules terroristes, comme le Front Al-Nosra, lié à Al-Qaëda, présents en Syrie, mais aussi en Iraq, ne veut pas que ce dernier soit stabilisé. Ces experts vont jusqu’à affirmer que, profitant de la guerre en Syrie, les djihadistes sunnites de l’« Etat islamique en Iraq et au Levant et au Pays de Cham », ambitionnent de créer, dans un premier temps, un émirat aux confins de la province d’Al-Anbar (1/3 de l’Iraq).

Elections en avril 2014

Le scénario paraît encore hypothétique et lointain. En revanche, l’instabilité de l’Iraq semble, elle, chronique, aussi bien sur le plan sécuritaire que politique. Et les élections prévues le 30 avril 2014 ne garantissent pas un retour à la normale. Car l’éradication de la violence passe par un règlement des différends politiques. Or, pour le moment, le premier ministre Nouri Al-Maliki est contesté par les sunnites et les Kurdes, mais aussi par les plus hautes hiérarchies chiites.

La colère de la communauté sunnite, qui se plaint d’être l’objet d’une campagne de répression du gouvernement dirigé par les chiites, a été un facteur-clé dans l’escalade des violences : 2013 a été une année noire pour l’Iraq, qui a renoué avec des niveaux de violences proches de ceux de 2008, lorsque le pays sortait tout juste d’une guerre civile, après l’invasion américaine de 2003. Et l’approche des élections d’avril 2014 fait craindre aux analystes un repli sur les positions communautaires, qui ne saurait améliorer la situation.

L’année 2013 avait commencé par une crise politique et des manifestations de masse contre le gouvernement. Elle s’achève sur un statu quo de la crise politique, en plus d’un pic de violences. Seule note d’espoir, au cours de leurs négociations sur le nucléaire, Américains et Iraniens se sont mis d’accord pour consolider le pouvoir en place et éviter l’éclatement du pays.

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