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2014 : année-test pour l’Afghanistan

Maha Al-Cherbini , Lundi, 23 décembre 2013

Avec le retrait prévu de l'Otan en 2014 et le renforcement d'Al-Qaëda, les Afghans se préparent à une année tumultueuse.

Plus d’une décennie après le lancement de la « guerre contre le terrorisme », déclenchée par les Etats-Unis suite aux atten­tats du 11 septembre 2001, on se demande encore si cette guerre a porté ses fruits. Une question qui s’impose aux esprits à l’aube du nouvel an où les troupes de l’Otan s’apprêtent à laisser le « bébé afghan » faire seul ses premiers pas dans le monde de l’indépendance. Mais la réalité semble décevante : A l’approche du retrait des troupes internationales, l’Afghanistan — consi­déré comme le bastion d’Al-Qaëda et des talibans — reste aussi « chaotique » et « anarchique » qu’en 2001. Plus d’une décennie d’intervention étrangère a été réduite en poussière face à une montée talibane qui va crescendo. Pire encore : plusieurs rapports publiés cette année pronostiquent un retour des rebelles au pou­voir juste après le retrait des troupes internationales. « L’armée, la police afghane et aussi le gouvernement de Kaboul seront inca­pables de résister aux rebelles et vont certainement s’effondrer », prévoient ces rapports.

Sans exagération, la réalité du terrain est cauchemardesque. Malgré plus de 130 000 soldats déployés dans le pays, l’Otan n’a jamais pu mettre fin à l’insurrection des talibans. Dernier attentat en date : des rebelles déguisés en soldats de l’armée afghane ont attaqué cette semaine un parking utilisé par les forces américaines dans l’est du pays et ont brûlé des véhicules américains, faisant des morts et des blessés.

S’élançant de ces réalités amères, on peut dire que la guerre américaine contre le terrorisme a « échoué ». Selon Dr Mohamad Fayez, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, l’élimination d’Oussama Ben Laden en 2011 n’a pas ruiné Al-Qaëda comme l’espérait la direction amé­ricaine. Il y a quelques jours, la sénatrice Diane Feinstein a reconnu : « Le terrorisme est en hausse dans le monde. Les sta­tistiques le montrent, le nombre de victimes augmente. Il y a plus de groupes, encore plus radicaux déterminés à tuer pour atteindre leurs objectifs ». Il suffit de rappeler qu’en 2013, plus de 160 soldats étrangers ont été tués dans des attentats en Afghanistan, sans compter les 3 000 autres victimes depuis 2001. Ce revers en politique étrangère a porté le président Obama à préférer glisser sur le bilan d’une année difficile, espérant une percée pour les Etats-Unis en 2014.

Mettant le feu aux poudres, deux nouveaux rapports publiés cette semaine n’augurent rien de bon pour l’Afghanistan de 2014. Le premier affirme qu’Al-Qaëda est devenue plus forte et plus dangereuse que jamais. « Les cris de victoire poussés à la mort de Ben Laden étaient prématurés et Al-Qaëda, à la faveur notam­ment de la guerre en Syrie, est aujourd’hui plus forte et dange­reuse », estime le rapport. Quant au second rapport, il semble plus spécifique à l’Afghanistan, prouvant que le nombre de vic­times civiles aux violences a augmenté de 10 % par rapport à 2012. « Des civils innocents continuent de faire les frais du conflit politique », déplore M. Fayez, qui prévoit un nouvel an « sombre » pour le pays qui va assister en 2014 à une autre tran­sition politique-clé : l’organisation en avril de la présidentielle boycottée d’avance par les rebelles qui avaient multiplié les atten­tats lors de la dernière présidentielle en 2009. Déjà les rebelles ont menacé qu’ils ne reconnaîtraient pas la légitimité du nouveau président qui sera une « marionnette » des Etats-Unis comme Karzaï.

Quelle réaction américaine ?

Face à ces défis, quelle sera la réaction de Washington ? Pliera-t-il bagage fin 2014, foulant aux pieds un pays qui se noie, ou bien tiendra-t-il à y maintenir ses troupes, malgré la persistance du président afghan à reporter — jusqu’à la tenue de la présiden­tielle — la signature d’un traité de sécurité encadrant le maintien de soldats américains après 2014 ? En Iraq, la non-signature d’un tel traité a porté les Etats-Unis à retirer toutes leurs troupes, lais­sant le pays baigner dans l’anarchie. De peur de subir le sort de l’Iraq, la Loya Jirga — assemblée traditionnelle afghane — a approuvé, fin 2013, le traité de sécurité avec les Etats-Unis et a beau pousser Karzaï à le signer avant la fin de l’année. Or, ce dernier s’entête toujours à atermoyer et à imposer ses conditions, inquiétant la classe politique afghane.

Pour ne pas trop s’inquiéter, la plupart des experts estiment que le cas afghan est complètement différent de celui de l’Iraq, car il serait difficile d’imaginer que Washington sacrifierait 13 ans de guerre féroce et plus de 2 000 de ses « boys » tués pour revenir à la case départ. « Washington tient plus que Kaboul à garder ses soldats en Afghanistan et à y maintenir des bases et des militaires pour ne pas réduire en poudre plus d’une décen­nie d’efforts et de dépenses. Washington réalise que s’il se retire complètement, l’Afghanistan sera de nouveau un bastion d’Al-Qaëda et des talibans, ce qui menace la sécurité américaine. Ce sera le retour à l’avant-2001 », explique M. Fayez. Ce souci américain de garder sa présence en Afghanistan semble indé­niable, après que le secrétaire d’Etat John Kerry eut déclaré cette semaine que Karzaï n’était pas obligé d’entériner l’accord avant la fin de l’année comme l’exigeait Washington. Soucieux toujours de sécuriser l’après-2014, l’Otan a entamé samedi des négociations avec Kaboul, portant sur le maintien d’une pré­sence militaire en Afghanistan après 2014 pour entraîner les forces de sécurité afghanes. Le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, a affirmé que cet accord ne sera signé qu’après la conclusion du traité de sécurité avec Washington. Une façon de faire pression sur Karzaï pour signer l’accord américain .

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