Al-Ahram Hebdo : Comment l’Association égyptienne de la conservation de la nature (CNE) contribue-t-elle à la protection des oiseaux du continent africain ?
Qamar Al-Zaman Khaled Al-Qadi : La CNE est une organisation égyptienne créée en 2005 par plusieurs des plus grands experts dans le domaine de la conservation de la nature et de la biodiversité. Nous oeuvrons dans le domaine de la conservation du patrimoine naturel, de sa promotion et de son utilisation durable. En tant que partenaire de l’institut BirdLife International, nous dépendons de sa filiale de Nairobi. Notre expertise réside dans la recherche scientifique, le plaidoyer, l’éducation et la sensibilisation pour soutenir les différentes espèces, leurs habitats et les communautés locales. Nos projets de conservation sont mis en oeuvre en collaboration avec le ministère de l’Environnement. Nous travaillons avec les pays africains à l’élaboration d’une stratégie continentale à laquelle participent tous les partenaires concernés. Nous partageons toutes les informations recueillies pour atteindre notre objectif commun : protéger les oiseaux contre l’extinction.
— Qu’entendez-vous par l’extinction d’une espèce ?
— L’extinction d’une espèce signifie que le nombre d’adultes de cette espèce dans la faune est inférieur à 2 500. Ce chiffre est considéré comme très faible par rapport au taux de perte de l’habitat naturel et de nourriture, selon les critères de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Cette dernière identifie les espèces en danger d’extinction selon plusieurs niveaux : éteint, en voie d’extinction, menacé d’extinction et en danger critique d’extinction, comme c’est le cas pour l’aigle égyptien qui est complètement éteint.
— Au cas où une espèce serait éteinte, comment l’écosystème est-il affecté ?
— Malheureusement, il n’existe aucun moyen naturel de restaurer l’équilibre de l’écosystème après l’extinction d’une espèce. Les répercussions de cette extinction affectent directement l’écosystème, notamment en perturbant la régulation des populations d’insectes nuisibles et la dispersion des semences. Par exemple, la disparition des vautours et des oiseaux charognards entraîne la prolifération de souris et de serpents qui propagent à leur tour les insectes nuisibles et les maladies contagieuses.
— Quelles sont les politiques adoptées par la CNE pour protéger les oiseaux contre l’extinction, qu’ils soient indigènes ou migrateurs ?
— La Société de la conservation de la nature en Egypte fonde ses politiques et projets de conservation sur trois piliers essentiels : la science, la recherche et la protection, suivies par l’éducation et la formation des cadres professionnels.
— Quelles sont les actions concrètes que vous avez mises en place pour sauver l’aigle égyptien de l’extinction ?
— La CNE a lancé un projet ambitieux de sauvetage de l’aigle égyptien de 2017 à 2022, supervisé par la société bulgare de protection des oiseaux BSBP, partenaire de BirdLife responsable de la région des Balkans, en raison de la concentration de la plus grande population d’aigles égyptiens en Bulgarie. A l’époque, aucune étude sérieuse n’avait été menée pour identifier les menaces qui pesaient sur l’aigle égyptien. Chaque pays partenaire de ce projet a mené des recherches tout au long du trajet migratoire traversant 20 pays pour évaluer ces dangers. En s’appuyant sur des spécialistes, la CNE a identifié diverses menaces telles que l’empoisonnement, la chasse, l’électrocution et la perte d’habitat naturel que subit l’aigle en Egypte. Ainsi, la première étape de notre projet a consisté à étudier les différents types de poisons ingérés par les proies de l’aigle, qui aboutissent à la mort de ces proies, afin de les remplacer par d’autres types moins dangereux pour l’oiseau.
— Comment avez-vous résolu le problème de la chasse aux aigles ?
— Nous avons réussi à contacter les chasseurs et avons relâché deux aigles, en traitant l’un et en relâchant l’autre dans la nature. Nous avons évalué l’état des câbles électriques sur une zone de 300 km² de chaque côté du golfe de Suez et avons constaté que ces câbles nécessitaient des mesures de sécurité. Grâce à un financement de 75 000 euros de BirdLife International, nous avons sécurisé près de 25 km² de ces câbles, en collaboration avec le ministère de l’Environnement et la Société d’électricité. Bien que nous ayons pu créer un sanctuaire naturel pour l’aigle dans la réserve de Gabal Elba ou à Chalatine, sa situation reste critique en raison de la destruction de son habitat naturel, du manque de ressources alimentaires et des activités humaines telles que l’exploitation minière dans ces régions.
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