Au G7 des ministres des Affaires étrangères, réunis jeudi et vendredi sur l'île italienne de Capri, les Américains entendent rallier les Européens pour faire pression sur la Chine, qui selon Washington fournit un soutien croissant à l'effort de guerre russe.
Arrivé la veille sur l'île pittoresque à bord d'un navire des gardes-côtes italiens, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken devait faire part de ses inquiétudes à ce sujet lors d'une session de travail consacrée à l'invasion russe en Ukraine et au soutien à ce pays en guerre depuis plus de deux ans contre la Russie.
Les Américains espèrent en particulier que les pays européens fassent pression sur Pékin pour réduire son soutien militaire à la Russie, au moment où de l'aveu même de Washington les forces russes gagnent du terrain en Ukraine.
Outre les Etats-Unis, les pays du G7 comprennent le Canada, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, le Japon et l'Italie, qui en assure cette année la présidence.
"Ce que l'on constate ces derniers mois, c'est le transfert de matériels de la Chine vers la Russie, que la Russie s'en sert pour reconstruire son industrie de base et produit des armes qui se retrouvent sur le champ de bataille en Ukraine, et cela nous préoccupe énormément", a déclaré cette semaine le porte-parole du département d'Etat, Matthew Miller, signalant que le sujet serait l'un des thèmes abordés au G7.
Jeudi matin, le chef de la diplomatie américaine a insisté aux côtés de son homologue ukrainien Dmytro Kuleba sur l'"urgence" d'accroître le soutien à l'Ukraine, encore visée la veille par des frappes russes faisant 18 morts, ce qui passe par l'adoption par le Congrès américain d'une enveloppe budgétaire de 61 milliards de dollars, bloquée pendant des mois mais qui fera l'objet d'un vote samedi.
"Il s'agit de vie et de mort", a plaidé pour sa part le ministre ukrainien, disant par ailleurs faire de la fourniture de moyens de défense aérienne sa priorité numéro un au G7.
- Blinken en Chine -
Washington a fixé une ligne rouge à Pékin -- ne pas fournir directement d'armes à la Russie pour sa guerre en Ukraine --, et n'a à ce jour pas eu la preuve du contraire.
Mais les Etats-Unis dénoncent de plus en plus fortement le soutien de la Chine à la Russie par des voies détournées.
Ce pressing américain intervient alors que M. Blinken doit se rendre prochainement en Chine, à une date qui n'a pas encore été officiellement annoncée.
En visite à Pékin mardi, le chancelier allemand Olaf Scholz a dit avoir demandé au président chinois Xi Jinping de faire pression pour que Moscou cesse sa "campagne insensée" en Ukraine.
Les Etats-Unis ont multiplié ces derniers temps les avertissements à Pékin, et la question du soutien militaire à la Russie figurait par exemple au menu d'une récente conversation entre Joe Biden et son homologue chinois.
La Chine aide la Russie à mener "sa plus importante expansion militaire depuis l'ère soviétique, et ce à un rythme plus élevé que ce que nous pensions possible" au début de la guerre en Ukraine en février 2022, a averti en fin de semaine dernière un haut responsable américain sous couvert de l'anonymat.
En guise d'exemples du soutien de Pékin au complexe militaro-industriel russe, Washington a cité des achats massifs par Moscou de composants électroniques, de machines-outils et d'explosifs chinois.
Par ailleurs, Washington accuse des "entités chinoises et russes de travailler à produire ensemble des drones" sur le sol russe.
Dans le détail, les renseignements à la disposition de l'administration Biden montrent que sur les trois derniers mois de 2023, "plus de 70% des importations de machines-outils de la Russie provenaient de Chine", ce qui a selon eux permis aux Russes d'augmenter leur production de missiles balistiques.
La Chine livre aussi à la Russie, selon Washington, des moteurs de drones et des systèmes de propulsion pour missiles de croisière, ainsi que de la nitrocellulose, un matériau utilisé par la Russie pour fabriquer des munitions d'artillerie.
Pour Berlin
Le G7 doit montrer "une réaction" après l'attaque "sans précédent" de l'Iran contre Israël, a estimé jeudi la cheffe de la diplomatie allemande lors d'une réunion de ce forum sur l'île italienne de Capri.
"Nous discutons ici aussi au sein du G7 de mesures supplémentaires", a déclaré Annalena Baerbock, alors que les Occidentaux envisagent notamment des sanctions renforcées contre Téhéran, tout en insistant sur la nécessité d'éviter "une escalade".
Les pays du G7 (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon et Italie, qui préside actuellement le groupe) devraient ainsi appeler à des sanctions individuelles contre des personnes impliquées dans la chaîne d'approvisionnement iranienne en missiles et en drones, selon une source au ministère italien des Affaires étrangères.
Une hypothèse accueillie favorablement par le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell, également présent à Capri : "Nous devrons réviser le régime (de sanctions déjà en vigueur contre l'Iran, NDLR) pour le rendre plus efficace", a-t-il expliqué jeudi en réponse à une question de l'AFP.
"Depuis juillet 2023, il y a une limitation imposée à toutes les sociétés européennes pour exporter en Iran les composants qui permettent la production d'armes, et nous allons l'accroître," a-t-il ajouté. "L'important est la mise en oeuvre de notre décision", a-t-il souligné.
Avant de se rendre à Capri, Annalena Baerbock et son homologue britannique David Cameroun ont fait étape mercredi à Jérusalem.
Dans le sillage de Washington, David Cameroun a souhaité à cette occasion que les pays du G7 infligent des "sanctions coordonnées" à l'Iran, l'accusant d'être derrière "tellement d'activités malveillantes" dans la région, déjà déstabilisée par l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre. Les pays du G7 doivent envoyer "un message clair, sans équivoque" à Téhéran, a-t-il insisté.
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