Les cours du pétrole ne se sont pas envolés, à la surprise des observateurs du marché, après l'attaque sans précédent de l'Iran contre Israël pendant le week-end et des risques géopolitiques ravivés dans la région.
En fin de semaine dernière, ces cours avaient pourtant été galvanisés par les attentes du marché d'une attaque de l'Iran. Mais la République islamique a cherché a éviter l'escalade, selon les experts.
"En deçà du seuil d'escalade"
Dans la nuit de samedi à dimanche, l'Iran a pour la première fois lancé une attaque directe contre Israël, en riposte à une frappe contre son consulat à Damas le 1er avril, attribuée aux Israéliens, qui a provoqué la mort de sept membres des Gardiens de la Révolution.
Israël a affirmé avoir "déjoué" cette opération militaire iranienne, interceptant la quasi-totalité des missiles et des drones.
"Les dégâts infligés ont donc été limités", résume Ole Hvalbye, analyste chez Seb.
Il s'agit toutefois d'un important changement de stratégie du côté de la République islamique, qui s'était gardée d'attaquer frontalement Israël depuis son instauration en 1979.
"Il semble désormais clair que la frappe iranienne était une action de représailles bien calibrée avec pour objectif une démonstration de force maximale mais avec une probabilité minimale de victimes", affirme Jorge Leon, de Rystad Energy.
Cet analyste y voit un double objectif rempli par l'Iran : apaiser la pression en son sein en vue d'une réaction mais aussi "dissuader Israël" tout en restant "juste en deçà du seuil d'escalade".
Poursuivre les exportations
"L'Iran veillera également à ne pas aggraver la situation car il voudra poursuivre ses exportations de pétrole brut", relève par ailleurs Tamas Varga, de PVM Energy, interrogé par l'AFP.
Les exportations de pétrole de ce pays sont soumises à des sanctions internationales, après que l'ancien président Donald Trump a retiré en 2018 les Etats-Unis d'un accord nucléaire multilatéral avec Téhéran.
Malgré cela, l'Iran a produit en mars 3,25 millions de barils par jour, selon les données de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE). Il a augmenté "considérablement sa production par rapport aux niveaux d'1,9 million de barils par jour de la mi-2020", souligne Ole Hvalbye.
La République islamique possède les troisièmes plus grandes réserves prouvées de pétrole du monde, derrière le Venezuela et l'Arabie saoudite, selon l'Administration américaine d'information sur l'énergie.
Mais Washington "n'hésitera pas à travailler avec (ses) alliés" pour renforcer les sanctions à l'encontre de l'Iran, peut-on lire dans des extraits rendus publics en amont d'un discours que doit prononcer mardi la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen.
De quoi potentiellement amputer le marché d'un approvisionnement en brut compris entre 500.000 et un million de barils par jour, selon les estimations de Seb Group.
Des capacités de réserve
En cas de réponse plus musclée d'Israël, Bjarne Schieldrop, un analyste de Seb interrogé par l'AFP, rappelle que l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+), dont l'Iran fait partie, dispose d'une importante capacité de production en réserve.
Entre fermeture des robinets de brut à l'échelle de cette organisation et réductions volontaires de son extraction par certains Etats membres, l'Opep+ garde plus de cinq millions de barils par jour sous terre depuis fin 2022.
L'Arabie saoudite a par exemple produit en moyenne 9,6 millions de barils par jour en 2023, selon l'AIE, alors que sa capacité de production de pétrole peut grimper jusqu'à 12 millions de barils par jour.
"À moins que l'Arabie Saoudite ne soit entraînée dans le conflit ou que le détroit d'Ormuz (un point de passage stratégique pour le commerce mondial du pétrole, ndlr) ne soit fermé, la capacité inutilisée de l'Opep devrait être suffisante pour atténuer les conséquences d'une éventuelle rupture d'approvisionnement", estime Tamas Varga.
Pour l'instant, selon l'analyste, "le marché estime qu'une nouvelle conflagration grave est évitable".
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