Les prix du pétrole pourraient grimper à 140 dollars en cas d’aggravation du conflit entre l’Iran et Israël.
Les prix du pétrole subissent rapidement les effets des événements politiques au Moyen-Orient. Le prix du brut de Brent, référence mondiale, a atteint son plus haut niveau en sept mois cette semaine en raison des inquiétudes suscitées par la réponse iranienne à la frappe menée contre son consulat à Damas. Le baril de Brent a grimpé à 92,18 dollars et à 89,89 dollars lundi après le lancement de missiles iraniens sur Israël samedi soir. Les contrats à terme sur le brut américain West Texas Intermediate (WTI) ont aussi augmenté de 64 cents, à 85,66 dollars vendredi et à 85,05 dollars lundi. « Les prix du pétrole flambent car il y a des craintes d’une perturbation de l’approvisionnement mondial en or noir. Il y aura sans doute un impact sur le marché pétrolier au niveau des prix et de la production à court et à long termes. Tout dépend de ce qui se passera dans les prochains jours », explique à l’Hebdo Hafez Salmawi, professeur d’ingénierie pétrolière à l’Université de Zagazig et conseiller auprès de la Banque mondiale. Salmawi dresse deux scénarios quant à l’impact de la situation actuelle sur le marché du pétrole au niveau des prix et de la production.
Le premier scénario est que l’Iran et Israël se dirigent vers une accalmie et évitent d’aggraver leur conflit. « Dans ce cas, les prix de l’or noir vont se stabiliser aux alentours de 90 dollars pour baisser ensuite dans les jours suivants », prévoit-il. Le deuxième scénario est qu’Israël décide de répondre aux attaques iraniennes, ce qui pourrait inciter l’Iran à fermer le détroit d’Ormuz, qui est de loin la principale voie de navigation reliant les riches pays pétroliers du Moyen-Orient aux marchés asiatique, européen et nord-américain. « Dans ce cas, les prix du pétrole vont grimper et pourraient atteindre une fourchette comprise entre 140 et 200 dollars, d’après les analystes », explique Salmawi. Des prévisions approuvées par Mohamed Shadi, économiste auprès du Centre de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Il explique que la fermeture probable du détroit d’Ormuz (dans le second scénario) va entraîner une baisse de l’offre des pays du Golfe qui acheminent leur production vers les marchés extérieurs par le détroit. « Une grande partie de la production des pays arabes, tels que l’Arabie saoudite, l’Iraq et les Emirats arabes unis, est transportée à travers le détroit d’Ormuz vers le reste du monde. Et donc sa fermeture va entraîner un recul de l’offre, et on peut par conséquent s’attendre à une flambée des prix à long terme », affirme Shadi.
La tendance à la hausse des cours du pétrole intervient alors que l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié vendredi son rapport mensuel prévoyant une baisse de la demande mondiale sur le pétrole de 1,2 million de barils par jour (pour se situer à 103,2 millions de barils par jour cette année) et de 1,1 million de barils par jour 2025.
Quant à l’offre, elle devrait, selon l’AIE, augmenter de 770 000 barils par jour pour atteindre 102 millions de barils par jour cette année et de 1,6 million de barils par jour en 2025 pour se situer à 104,5 millions de barils par jour. Cette hausse est principalement alimentée par les pays non membres de l’Opep+, emmenés notamment par les Etats-Unis. La production hors Opep+ augmentera de 1,6 million de barils par jour, tandis que celle de l’Opep+ pourrait diminuer de 820 000 barils par jour.
Impact limité sur l’Egypte
Alors que les tensions géopolitiques au Moyen-Orient peuvent mener à une hausse des prix de l’or noir et à une baisse probable de l’offre, quel sera l’impact sur l’Egypte qui est un importateur net de pétrole ? Hafez Salmawi affirme que l’impact est négligeable à court terme, alors qu’il est significatif à moyen et à long termes.
« Bien que l’Egypte soit un importateur net de pétrole, elle n’a pas de problème à court terme, car elle possède un stock stratégique d’or noir évalué entre 2 et 3 millions de tonnes, et les produits pétroliers sont transportés à travers la ligne Sumed de Aïn-Sokhna sur la mer Rouge à Alexandrie. En plus, l’Egypte peut bénéficier de la hausse actuelle des prix du pétrole en exportant son brut à des prix élevés », explique Salmawi. Il ajoute cependant que l’impact de la flambée des prix du pétrole pourrait être plus significatif en cas d’aggravation du conflit dans la région du Moyen-Orient, car dans ce cas, la facture des importations du brut sera plus grande et représentera un fardeau pour l’Egypte. « L’Egypte importe annuellement presque le tiers de sa consommation en pétrole et en produits pétroliers (entre 7 et 8 millions de tonnes). Une éventuelle hausse des prix de l’or noir risque alors d’entraîner une augmentation du déficit budgétaire », explique Hafez Salmawi.
Une analyse approuvée par Mohamed Shadi, qui ajoute qu’une hausse des prix du pétrole au-delà des 90 dollars serait trop coûteuse pour l’Egypte qui importe le pétrole en dollar et le distribue sur le marché local en monnaie nationale. « Depuis le déclenchement du conflit entre Israël et l’Iran fin mars, les prix de l’or noir ont augmenté de 10 dollars , passant au-dessus de la barre des 82 dollars fin mars à 92 dollars actuellement. Cette hausse, si elle continue, pèserait lourdement sur le budget gouvernemental », conclut-il.
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