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Constitution : l'écologie attendra

Rasha Hanafy, Lundi, 16 décembre 2013

En matière d'environnement, la Constitution est plus que décevante. Les experts affirment ne pas avoir été écoutés.

Ecologie

Tout ce qui brille n’est pas de l’or. La nouvelle Constitution, prochaine­ment soumise au réfé­rendum, renferme plus ou moins 10 articles traitant de près ou de loin de l’environnement : les articles 27, 29, 30, 32, 41, 44, 45, 46, 78 et 79.

Mais aucun spécialiste de l’envi­ronnement n’a jamais fait partie de l’assemblée constituante. Nombreux étaient pourtant les experts environ­nementaux soucieux de faire entendre leur voix, notamment en envoyant des propositions au comité des 50.

Malgré ces précautions, les 10 articles touchant à l’environnement sont décevants, voire vides de sens. La mention du concept de dévelop­pement durable dans plusieurs articles de la Constitution prouve l’amateurisme des rédacteurs en ce qui concerne l’écologie. « En lisant le nouveau projet de Constitution, j’ai eu l’impression que ceux qui l’avaient rédigé n’ont pas saisi le sens du concept de développement durable. Ils l’ont répété dans plu­sieurs articles, mais sans savoir exactement pourquoi. Des articles comme ceux sur la croissance démo­graphique, le droit au logement et à une nourriture saine, et bien d’autres, renferment la notion de développement durable. Mais telle quelle, elle ne veut rien dire et ne sert pas la question traitée », regrette Hussein Abaza, ancien directeur du Centre du développement durable, aujourd’hui à la tête de la branche économie et commerce du Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE).

Lors de la formation de la consti­tuante, des espoirs étaient pourtant présents. « Au début, la ministre de l’Environnement a demandé à plu­sieurs spécialistes d’envoyer leurs propositions à l’assemblée. J’avais proposé la formation d’un conseil suprême pour le développement durable présidé par le ministre de la Planification », ajoute Abaza. Au final, rien n’a été fait.

Industrie, Nil et agriculture :

les ratés

L’industrie en général, et celle conforme aux critères de l’environ­nement en particulier, ainsi que l’économie verte sont complète­ment absentes de la Constitution, malgré plusieurs propositions. « J’étais étonné que le secteur de l’industrie ne soit pas mentionné du tout. Par ailleurs, l’article sur la nourriture saine n’a mentionné que dans sa seconde partie la pro­tection de la biodiversité agricole. Il devrait y avoir un article à part pour la biodiversité », regrette aussi Mohamad Raouf, chargé du groupe scientifique et des ONG auprès du PNUE. Pour lui, « s’il est bien d’inclure des articles qui protègent l’environnement, il faut surtout comprendre les concepts de chaque terme puisque les lois seront votées en se basant sur cette Constitution ». Une compréhen­sion qui est aujourd’hui loin d’être évidente.

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En Egypte, certains villages sont privés d'eau potable.

Les pêcheries et le Nil font l’objet d’articles particuliers. Le projet de Constitution renferme des articles sur la protection des eaux du Nil et leur pollution. Mais une confusion est évidente dans la rédaction de ces articles.

Celui sur le Nil (44) stipule que « l’Etat s’engage à protéger les eaux du Nil et à préserver les droits histo­riques de l’Egypte à cet égard … ». Il mentionne ensuite l’engagement de l’Etat à oeuvrer pour arrêter le gaspillage des eaux du Nil et leur pollution. Mais comment protéger les eaux du Nil alors que le même article stipule qu’il faut « amplifier » leur exploitation ?

Par ailleurs, rien n’est dit sur l’ac­cès à l’eau potable. « Selon les sta­tistiques des instances internatio­nales, des millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. En Egypte, il y a de petits villages sans infrastructure pour l’eau potable ou les eaux usées. Le nouveau projet de Constitution ne dit rien sur le droit à l’accès à l’eau potable. Pourtant, le droit à jouir du Nil est stipulé dans l’article sur la protection du Nil ! Rien de ce que l’on a proposé n’a été pris en considération », regrette Bayoumi Attiya, ancien conseiller du ministre des Ressources hydriques et de l’Irrigation.

L’article sur l’importance de l’agriculture et des terres agricoles pour l’économie est une nouveauté dans la Constitution : « L’agriculture est un pilier de l’économie natio­nale. L’Etat s’engage à protéger la superficie agricole et à l’augmenter (…) Il s’engage à développer les zones rurales ».

Mais pour Nader Noureddine, pro­fesseur de l’économie agricole et spécialiste des ressources hydriques, cet article passe à côté du problème : « Les terrains agricoles, notamment dans le Delta, sont d’une importance majeure dans un pays désertique. Le coût d’une bonification des terrains dans le désert est très élevé. Il fallait insister sur la gravité des violations contre les terres agricoles ».

Dans l’ensemble, contradiction et manque de précision qualifient les articles liés à l’environnement. Peu croient aujourd’hui à la possibilité de les amender, faute de temps. L’environnement se contentera donc d’une demi-Constitution.

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