480 000 déplacées : tel est le bilan des affrontements de cette semaine en Centrafrique. Ce pays plongé dans un chaos et dans un engrenage de violences communautaires et interreligieuses a reçu jeudi dernier l’aide militaire internationale. Lors d’une résolution de l’Onu, la France, soutenue par la communauté internationale, a débuté jeudi dernier l’opération
Sangaris (du nom d’un papillon rouge local) en mobilisant 1 600 militaires, déployés en appui à une force africaine sur place, la Misca (2 500 soldats).
La mission prioritaire de cette intervention est « de mettre fin aux massacres et de désarmer toutes les milices et les groupes armés qui terrorisent les populations », a annoncé Paris. En fait, l’essentiel des forces françaises est concentré à Bangui, mais des unités sont également déployées dans le nord-ouest du pays, où les affrontements à caractère interreligieux sont réguliers depuis septembre dernier.
Lundi, l’armée française a commencé ses premières tensions avec la rébellion ex-Séléka (au pouvoir) par un processus de désarmement de ses groupes armés. « La période d’impunité est terminée », a prévenu dimanche soir le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui s’exprimait sur des médias français et d’ajouter : « Tout le monde pose les armes, ou alors on utilise la force pour les faire poser ».
Dimanche et près de l’aéroport, une patrouille française a répliqué après avoir été la cible de tirs, selon des témoins. Il n’y a eu aucun blessé côté français, d’après une source militaire. De facto, l’avertissement français s’adresse en priorité à ces ex-combattants rebelles, coupables de nombreuses exactions ces derniers mois — pillages, exécutions sommaires — à l’encontre de la population.
Haïs des habitants, qui les voient le plus souvent comme des « occupants » venus du Tchad et du Soudan voisins, les ex-Séléka, majoritairement musulmans, sont les seuls à évoluer en armes dans la capitale, face aux milices villageoises et chrétiennes « anti-balaka » (anti-machettes, favorables à l’ancien régime), présentes en brousse ou infiltrées dans les quartiers. En fait, depuis le renversement en mars dernier du président François Bozizé par la coalition hétéroclite, la Séléka, la Centrafrique souffre d’une succession de violences communautaires et interreligieuses entre chrétiens et musulmans. Ces violences se sont multipliées à Bangui comme en province, dans un pays de 4,6 millions d’habitants en totale décomposition. Vendredi dernier, des miliciens anti-balaka avaient lancé une vaste offensive dans plusieurs quartiers de Bangui, massacrant de nombreux civils musulmans, et entraînant des représailles sanglantes des ex-Séléka contre la population terrorisée. Avec cet état sanglant, près de 480 000 Centrafricains ont été déplacés à cause des violences, dont environ 50 000 à Bangui, a estimé le représentant de l’Unicef en RCA, évoquant des déplacements « massifs » qui se sont « encore accentués » ces derniers jours. La Commission européenne a par ailleurs annoncé vendredi dernier la mise en place d’une liaison aérienne quotidienne de son service aérien humanitaire (Echo Flight) entre Bangui et Douala, au Cameroun. « Les besoins resteront énormes pendant un certain temps. L’UE a plus que doublé son aide en 2013, la portant à 20 millions d’euros. Il est clair qu’il faut beaucoup plus d’aide pour la RCA. Je fais appel à la générosité et à la compassion des bailleurs internationaux pour venir en aide à une population touchée par une crise qui est restée oubliée bien trop longtemps », a insisté la commissaire en charge de l’aide humanitaire, Kristalina Georgieva. Vendredi, l’Union européenne avait décidé de débloquer 50 millions d’euros supplémentaires pour la Centrafrique, avait annoncé le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.
En fait, plusieurs accusent le président centrafricain et ancien chef rebelle, Michel Djotodia, d’être le premier responsable des incidents. Il est apparemment incapable de garder le contrôle d’une partie de ses troupes (supposées être intégrées aux forces de sécurité). Il a aussi fait l’objet de vives critiques de la part du président François Hollande, plutôt inhabituelles dans la bouche d’un président français. « On ne peut pas laisser en place un président qui n’a rien pu faire, a laissé faire », a accusé le chef de l’Etat français à propos de M. Djotodia, censé quitter le pouvoir fin 2014 avant l’organisation d’élections. Paris avait annoncé que l’intervention ne devait pas excéder six mois, mais elle durera aussi longtemps qu’il le faudra pour pacifier le pays.
Rencontre franco-africaine positive
Marqué par la disparition de l’ancien président sud-africain Nelson Mandela et la crise centrafricaine, le sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité s’est achevé samedi dernier à Paris après deux jours de débats et de discussion sur le futur du continent africain. A l’issue de cette 26e rencontre franco-africaine, les 53 délégations africaines, la France et les représentants d’institutions supranationales — Nations-Unies, Union africaine (UA), Union Européenne (UE) — se sont mis d’accord sur la nécessité pour les pays du continent d’assurer eux-mêmes leur sécurité. « Ce sommet a été un moment exceptionnel, dans des circonstances exceptionnelles, avec une participation exceptionnelle et des décisions exceptionnelles », s’est félicité le président Hollande devant la presse. Selon le chef de l’Etat français, l’Afrique « doit pouvoir intervenir de manière rapide et efficace » face aux multiples défis sécuritaires qui la menacent — crises régionales, terrorisme, trafics en tout genre … Les participants au sommet de l’Elysée ont donc décidé que la force africaine de réaction rapide, la Capacité Africaine de Réaction Immédiate aux Crises (Caric, placée sous l’égide de l’UA), soit opérationnelle d’ici 2015. La France accompagnera la mise en place de cette force — qui pourra aussi compter sur le financement de l’Union Européenne (UE) — en fournissant des moyens en équipement, en formation et en encadrement. Ces discussions intenses sur les enjeux sécuritaires surviennent dans un contexte particulier, alors que la France mène depuis jeudi dernier une intervention militaire en Centrafrique. Ce déploiement français, aux côtés de la force africaine Misca, vise à stopper les exactions contre les populations civiles et à rétablir l’ordre dans le pays. Le président Hollande a indiqué que les 1 600 soldats déployés, depuis samedi, sur le territoire centrafricain, ont pour mission de désarmer les milices, de permettre aux autorités centrafricaines de reprendre le contrôle du pays et d’assurer la défense des populations.
S’il a été largement dominé par les questions de sécurité, le sommet s’est également penché sur les questions économiques. La France, qui a perdu la moitié de ses parts de marché en Afrique en dix ans au bénéfice de la Chine et des pays émergents, ambitionne de doubler en cinq ans ses échanges commerciaux avec le continent. Le président Hollande a notamment proposé la création d’une « fondation franco-africaine pour la croissance » qui permettrait de « mobiliser des intérêts privés et publics, français, africains et européens, vers l’innovation et les nouvelles technologies » .
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