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Héliopolis, la ville du soleil

Doaa Elhami , Samedi, 30 mars 2024

L’Organisme national de l’harmonisation urbaine a publié un livre qui retrace le style architectural et l’histoire urbaine de l’un des plus beaux quartiers du Caire, Héliopolis.

Héliopolis, la ville du soleil

« ici, je vais installer Héliopolis, la cité du soleil. Je vais commencer à construire un grand bâtiment, l’hôtel Héliopolis Palace. Je souhaite que son style architectural soit en harmonie avec les traditions et le patrimoine du pays ». Avec cette citation, datant de 1905, du baron Edouard Empain, fondateur de la cité d’Héliopolis, s’ouvre le livre intitulé La banlieue d’Héliopolis. L’esprit de l’endroit et la mémoire du temps. L’ouvrage, publié par l’Organisme national de l’harmonisation urbaine, dans la série « La Mémoire de la cité », offre à ses lecteurs une agréable excursion architecturale, urbaine et historique de l’une des plus belles banlieues cairotes huppées : la ville du soleil, Héliopolis. Au fil de ses 230 pages, le livre retrace le lien intime des Héliopolitains avec leur quartier. Soutenu par des photos anciennes et nouvelles, il est rédigé par une équipe de scientifiques de différentes spécialités : architectes, urbanistes, historiens et archéologues.

Créé en 1906, en plein désert, le quartier d’Héliopolis témoigne de la fascination des Européens, notamment des Belges, pour la civilisation de l’Egypte Ancienne et ses vestiges. « La localisation de la nouvelle banlieue a été sélectionnée au sein du désert nord-est du Caire, près de la région de Matariya et de Aïn-Chams, là où était installée Oun, la cité de l’Egypte Ancienne, Héliopolis. (…) Là, opéraient deux missions belges, celle de Jean Capart en 1907 et celle d’Albert Daninos en 1912. Le baron Edouard Empain, fasciné par l’Egypte et son histoire, a commencé à parrainer les fouilles de l’égyptologue Jean Capart », lit-on dans le livre.

Héliopolis témoigne également de la vision du baron Empain qui panse que « la création d’une cité développée au sein du désert doit être aussi confortable que celles qui se trouvent sur les rives du Nil », retrace le livre. Ce qui va à l’encontre des prédictions de Lord Cromer qui disait : « Il y a un baron belge qui prend des risques. Il veut installer une cité au sein du désert, croyant que c’est un projet réussi. A vrai dire, il est sur le point de perdre son argent au milieu du sable et des roches. Nous lui conseillons de renoncer à ce projet avorté d’avance », lit-on dans l’ouvrage.

Néanmoins, le baron et son cofondateur, l’homme d’affaires et politicien Boghos Noubar, fils de l’ancien premier ministre égyptien Noubar pacha, vont créer en 1906 « la Compagnie des oasis d’Héliopolis », également nommée « la Compagnie des chemins de fer électriques du Caire et compagnie des oasis d’Héliopolis » qui deviendra ultérieurement la Compagnie d’Héliopolis.

Et ce, avec une concession de 5 952 acres désertiques. La cité sera installée à quelques dizaines de kilomètres, sur un plateau balayé par les vents rafraîchissants venant du nord et protégé par les collines du mont Moqattam des vents chauds qui viennent parfois du sud. Ainsi verra le jour la cité du soleil qui émergera des jardins. De son côté, le roi de Belgique, Léopold II, parraine lui aussi le projet. La planification de la cité sera réalisée pour préserver la nature du désert. Il s’agit de plusieurs unités d’habitations quasi autonomes reliées entre elles et au Caire par des moyens de transport. « Une telle planification, donnant l’impression d’une oasis verdoyante et régnée par le calme, l’a privilégiée des autres projets similaires. C’était l’un des facteurs de la réussite du projet », lit le lecteur dans le livre.

Un style architectural unique

La cité d’Héliopolis voit le jour, composée à l’origine de deux oasis de 2 km² chacune, séparées par 1 km. La première est dédiée à la construction de villas et d’appartements de luxe pour la classe aisée et les capitalistes, tandis que la seconde abrite une cité avec des constructions industrielles. Ces deux oasis étaient réparties en trois quartiers essentiels : un quartier pour les bâtiments luxueux comme les palais et les villas, un autre pour les immeubles d’appartements luxueux pour l’habitation des employés et un troisième pour les usines et les maisons des ouvriers.

Le livre présente des schémas de façades ornées d’arcs décoratifs et surmontées de minarets, enrichis de photos anciennes et modernes des bâtiments. Ce style, qui répond aux besoins quotidiens et aux moyens de confort contemporains, donne à Héliopolis un caractère distingué. Les colonnes coiffées de chapiteaux aux motifs floraux et géométriques, composant les célèbres arcades de Korba et des rues de la place Ismaïliya, sont construites. Plusieurs édifices sont enrichis de vérandas, d’arches et de colonnes. L’hôtel Grand Palace (actuel palais présidentiel d’Ittihadiya), réalisé par les architectes belge Ernest Jaspar et français Alexandre Marcel, et le palais de Boghos Noubar pacha sont l’exemple du style architectural néo-islamique par excellence. Le chef-d’oeuvre de la cité est le palais du baron, qui suit le style hindou et qui a été réalisé par l’architecte Alexandre Marcel qui a également planifié la basilique de Notre-Dame au style néo-byzantin. Le livre offre des albums des architectures variées qui distinguent Héliopolis, à l’instar de l’art nouveau, l’art gothique nouveau (palais d’Alfred Chammas qui a accueilli la reine Farida pendant six mois avant ses noces), l’art déco et l’art méditerranéen, présentés à travers certains palais héliopolitains.

Le livre offre également au lecteur des albums des édifices religieux qui répondent à différents cultes : l’église de Saint-Marc (église copte orthodoxe), l’église maronite, l’église de Saint-Cyril, l’église arménienne catholique de Sainte-Thérèse, la synagogue Vitali Madjar et de nombreuses mosquées, dont la plus connue est celle du sultan Hussein Kamel au style néo-mamelouk.

L’ouvrage met également en évidence les établissements scolaires du quartier, dont les plus anciens sont le Collège des Frères et celui du Sacré-Coeur. Il n’a pas manqué les édifices administratifs et commerciaux, comme celui de la Compagnie d’Héliopolis (l’un des premiers bâtiments érigés), le marché de Midane Al-Gamie (la place de la mosquée). Le lecteur a également l’occasion de contempler les constructions touristiques et de divertissement, comme l’hippodrome, le Luna Park, les cafés et les cinémas. Le livre retrace aussi le développement de tous ces bâtiments et leurs contextes en publiant des photos anciennes et actuelles de leurs constructions.

Héliopolis a été le lieu préféré de personnalités de renom, comme le président Gamal Abdel-Nasser, de plusieurs acteurs et actrices (Marie Mounib, Hassan Fayeq, la chanteuse Laila Mourad), et a servi de lieu de tournage pour de grands films arabes comme Al-Wissada Al-Khaliya.

Les pages du livre expliquent l’expansion graduelle de la cité accompagnée de l’augmentation du nombre des écoles et des mosquées au cours des années 1940. Après la nationalisation des années 1960, les quartiers se sont reliés avec un réseau de métro et de tramway couvrant toute la cité. A partir des années 1970, la densité urbaine et les bâtiments envahissent la vue panoramique qui était auparavant dominée par les jardins et les espaces ouverts. Des immeubles de neuf étages émergent. Cette expansion continue jusqu’à l’an 2010. « De 2014 à aujourd’hui, la banlieue a connu plusieurs transformations urbaines, à commencer par la suppression du métro d’Héliopolis », retrace le livre. Il note également la disparition de plusieurs villas et palais renommés. Néanmoins, des initiatives visant à sauvegarder les caractères urbains d’Héliopolis sont lancées sur le terrain afin de préserver ce quartier et de garantir sa qualité de vie. Parmi ces initiatives, on peut citer la restauration et la réutilisation de certaines constructions héliopolitaines de renom, comme le palais de la sultane Malak, l’atelier Odessy et l’hippodrome.

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