A gauche, Ismaïl Haniyeh, leader du Hamas, en conversation en 2007 avec le président Mahmoud Abbas, issu du Fatah, juste avant la rupture entre les deux partis.
Bien que la déclaration finale de la réunion de Moscou, qui a tenté de rapprocher les points de vue entre les factions palestiniennes, reconnaisse l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) comme le seul représentant légitime du peuple palestinien, ce qui est un grand pas, notamment pour le Hamas qui n’en fait pas partie, l’unité nationale reste insaisissable.
Les parties ont dû apposer leur signature sur une déclaration afin de ne pas contrarier leur hôte russe, mais n’ont pas réussi à s’accorder sur une vision commune avec la formation d’un gouvernement d’entente. « D’autres rounds du dialogue auront lieu à l’avenir pour parvenir à une unité nationale complète », précise la déclaration. « Ce qui était requis, c’était un minimum de consensus intérimaire afin de s’adresser aux Palestiniens et au monde avec un discours unifié, ce qui est dans l’intérêt de toutes les parties, que ce soit l’Autorité palestinienne, qui doit être présente dans l’après-guerre, ou le Hamas, qui a besoin d’une sorte de légitimité qu’une position commune apportera dans le scénario de l’après-guerre », explique une source palestinienne.
Un haut responsable du Fatah, Jibril Al-Rajoub, voit en effet que le Hamas est en mesure de changer cette impasse. Il a ainsi appelé le mouvement palestinien à « prendre l’initiative en proposant un plan politique qui favorise un terrain d’entente ». « La grande majorité au sein du Fatah aspire à une feuille de route nous menant à l’unité et à la sécurité », a-t-il déclaré à l’Hebdo lors d’une rencontre au Caire cette semaine. Rajoub, qui habite Ramallah, croit que la guerre à Gaza a créé un élan et a rapproché des parties éloignées. « Nous, au Fatah, croyons que pour que cet élan et ce consensus se poursuivront, mais un engagement véritable de nos frères du Hamas est nécessaire », a-t-il ajouté. Rajoub, qui était à la tête de la sécurité préventive, affirme que l’OLP « reste le foyer spirituel du peuple palestinien. Malgré ses manifestations de faiblesse, de paralysie et d’inertie ». « C’est une organisation assiégée par tous », estime-t-il. Pourtant, il ajoute dans une note beaucoup plus conciliante envers le Hamas, qui a évincé le Fatah du pouvoir lors des élections de 2006 : « Nous croyons que les représentants de l’islam politique font partie du tissu politique et social du peuple palestinien et qu’ils le resteront ». Rajoub exhorte en effet le mouvement qui gouvernait Gaza à proposer une approche politique, expliquant que cela implique certainement un Etat dans les frontières de 1967. Certes cela implique également une reconnaissance explicite de l’Etat d’Israël que le Hamas ne serait en mesure d’approuver explicitement : « Nous estimons que cela doit venir de nos frères du Hamas et doit émaner d’une conviction ».
La position de Rajoub ne reflète pas nécessairement celle du chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui est sous une forte pression, similaire à celle que le légendaire Yasser Arafat avait subie lorsque les Etats-Unis et Israël l’ont isolé, affirmant qu’Israël « n’avait pas de partenaire pour la paix ». A l’époque, il avait été contraint de déléguer une grande partie de son pouvoir à un premier ministre. Une fois de plus, les Américains exercent une pression en appelant à un « nouveau départ » ou à un « renouvellement » dans le leadership palestinien. Abbas, le président de 88 ans qui a très peu de pouvoir sur la Cisjordanie occupée, n’est pas en meilleure position aujourd’hui, même si les Américains appellent à ce que l’Autorité palestinienne gouverne la bande de Gaza après la guerre.
Un remaniement de façade
Les derniers pourparlers de réconciliation interviennent, en effet, quelques jours après que le président eut procédé à un remaniement ministériel, un geste qui semble surtout une façade de réforme. La récente nomination de Mohamed Moustafa comme premier ministre aurait apparemment déçu certaines capitales. Certains préférant une figure plus expérimentée comme Salam Fayyad.
Sans parlement fonctionnel, avec un mandat présidentiel qui a expiré en 2009 et aucun espoir d’élections proches en raison des restrictions d’Israël, Abou-Mazen a nommé un économiste formé aux Etats-Unis qui a occupé des postes de haut niveau à la Banque mondiale et qui dirige actuellement le Fonds d’investissement de la Palestine. Un homme sans base politique, mais qui véhiculerait l’image d’une Autorité palestinienne réformée et professionnelle capable de diriger Gaza.
En présentant sa démission, l’ancien premier ministre, Mohammad Shtayyeh a déclaré : « La prochaine étape et ses défis nécessitent de nouveaux arrangements gouvernementaux et politiques qui tiennent compte de la réalité émergente dans la bande de Gaza ». Ces défis incluent « l’extension de la souveraineté de l’Autorité palestinienne sur l’ensemble de la Palestine », a-t-il ajouté, en allusion à Gaza. C’est pourquoi le Fatah et le Hamas devraient entamer un dialogue bilatéral immédiat pour convenir de la deuxième étape, estime Rajoub. « Un dialogue national complet, facilité par l’Egypte, pour parvenir à un consensus national est essentiel le plus tôt possible », déclare-t-il.Suite à ce dialogue, un gouvernement national devrait être formé. Bien que son nom exact (gouvernement d’union, de consensus ou gouvernement de technocrates) soit moins important, l’accent devrait être placé sur la réalisation d’un consensus entre toutes les parties qui détiennent en fin de compte le pouvoir de former ce gouvernement. « Nous avons besoin d’un gouvernement basé sur ce consensus, qui définira ensuite ses tâches, les critères de sélection de ses membres, son calendrier et son mandat. L’une de ses tâches principales devrait être de s’associer à la communauté internationale dans la reconstruction de Gaza, tout en unifiant les institutions et en se préparant à des élections démocratiques », explique-t-il.
Cependant, une source palestinienne a déclaré à l’Hebdo que Le Caire, acteur-clé dans la médiation inter-palestinienne, semble froid à l’idée d’accueillir le Fatah et le Hamas pour des pourparlers. Malgré les demandes continues de l’Autorité palestinienne, et après l’échec de la réunion d’Al-Alamein en l’été 2023, « nous avons été informés que ce n’est peut-être pas le moment adéquat », dit une source proche d’Abou-Mazen. Une source ayant requis l’anonymat a laissé entendre que la relation était tendue avec Abbas, sans toutefois s’exprimer sur la nature de cette tension.
Le Caire est occupé à négocier un cessez-le-feu dans la bande de Gaza déchirée par la guerre israélienne, une guerre qui constitue « une menace directe à sa sécurité nationale », comme l’ont explicitement exprimé les responsables égyptiens. « Une fois que la guerre sera terminée, nous pourrons parler de l’après-guerre », déclare une source égyptienne. L’Egypte avait suggéré un plan pour l’après-guerre comprenant la formation d’un nouveau gouvernement avant de retirer sa proposition. Mais tant que le Hamas et le Fatah ne résoudront pas leurs divergences de longue date, on ne voit pas comment l’Autorité palestinienne pourrait opérer dans un territoire qu’elle a perdu. Le Hamas, qui est susceptible de remporter à nouveau les élections si elles avaient lieu demain, ne sera vraisemblablement pas accepté dans un gouvernement qui collabore avec la communauté internationale et reçoit des fonds internationaux.
Mais sans la bénédiction du Hamas, aucun gouvernement ne pourra opérer à Gaza.
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