Al-ahram hebdo : Quelle est aujourd’hui la situation économique de la Grèce ? Christodoulos Lazaris : La crise est terminée. Les indices économiques commencent à s’améliorer. Cependant, le taux de stagnation est estimé à 3 % en conséquence des mesures d’austérité. Mais nous nous attendons à un développement positif en 2014.
— Quelles sont les erreurs commises lors de la gestion de la crise qui ont conduit à la faillite de l’Etat ?
— Il ne s’agissait pas d’une crise grecque, mais plutôt d’une crise européenne engendrée en conséquence des politiques monétaires appliquées au sein de l’UE et qui ont formé des pressions sur les budgets de nombreux pays de l’Union. Les prémices de la crise ont commencé à apparaître en Allemagne en 2007 avant la crise mondiale. Mais comme l’augmentation des dettes allemandes se limitait aux dettes internes, le problème fut rapidement réglé. La Grèce a subi une grande injustice, car les craintes qui ont conduit à la crise n’étaient pas réelles. Il est vrai que les dettes extérieures étaient importantes, mais pas dangereuses. L’état d’effroi qui a envahi le marché mondial après l’effondrement de la banque américaine Liman Brothers a conduit au rigorisme des positions des institutions mondiales de financement. C’est ainsi que l’UE a commencé à oeuvrer à imposer un équilibre aux budgets des pays membres de l’Union.
— Pensez-vous que l’UE assume une partie des raisons de la crise en Grèce ?
— Considérer que la Grèce est incapable de payer ses dettes extérieures a poussé les institutions mondiales de financement à baisser les notations de crédit. C’est ainsi que la Grèce a dû assumer un coût extrêmement élevé des dettes qu’il était possible d’éviter dès le départ. Par ailleurs, l’économie européenne se base sur des politiques rigoristes fortement soutenues par les pays européens du nord, et qui ont mené à l’austérité et à l’étouffement des investissements de manière générale. Le fait qui a mené à l’augmentation de l’acuité de la crise mondiale non seulement en Grèce, mais aussi en Lituanie, en Espagne et dans d’autres pays européens.
— Est-ce que vous remettez en question votre adhésion à l’UE ?
— Notre adhésion avait essentiellement pour objectif de rejoindre le développement européen. Nous étions parfaitement conscients que de nombreux accords n’étaient pas dans l’intérêt des pays aux économies faibles. De plus, l’accord du Shingin a porté préjudice au tourisme grec, car il a compliqué les procédures d’obtention des visas de visite.
— Pourquoi avez-vous accepté les conditions rigoureuses du plan de sauvetage ? Quels sont ses résultats les plus tangibles ?
— Le fait d’accepter ces conditions était l’une des erreurs commises dans la gestion de la crise, car le premier plan de sauvetage présenté par le FMI était un véritable échec, avec la reconnaissance du FMI lui-même. En effet, le diagnostic de la crise était erroné depuis le départ. Le FMI conçoit ce genre de crise selon un raisonnement purement monétaire. Il s’agit de remédier au déficit budgétaire en réduisant les dépenses, afin de pouvoir rembourser les dettes aux dates fixées. Cependant, la réduction des dépenses, des salaires et des primes en plus de l’imposition d’impôts élevés mènent à un état de stagnation et à la suspension de tout investissement. Par conséquent, l’Etat devient incapable de verser ses emprunts. L’échec du premier plan de sauvetage est à l’origine de la situation à laquelle est arrivée la Grèce.
— Quel est le principal défaut du programme du FMI ?
— Le programme présenté par l’institution internationale a créé de nombreux problèmes dans le remboursement de la dette, car il a augmenté la période de stagnation et a réduit par conséquent les ressources de l’Etat, engendrant une crise dans le remboursement des intérêts de la dette à l’avenir.
— Pensez-vous que ces erreurs aient été intentionnées ?
— Le FMI travaille avec des capitaux présentés par des Etats. Les intérêts de ses prêts sont extrêmement élevés, et la seule chose qui lui importe est le remboursement de la dette. Par conséquent, ses conditions ne font que servir cette idée. Ces conditions sont généralement la réduction des dépenses. Il sait parfaitement qu’il restituera la valeur de cette dette que le programme proposé réussisse ou pas. De plus, le FMI se base sur une bureaucratie rigoriste qui ne prête fidélité qu’aux chiffres, accordant peu d’intérêt à la réalité des choses.
— Quels fardeaux le citoyen grec a-t-il été obligé d’assumer ?

Employés protestant contre la politique du gouvernement grec. Photo:(Reuters)
— Jusqu’à janvier 2003, les intérêts dus aux banques allemandes avaient atteint 63 milliards d’euros, et ceux dus à la Banque Centrale 32 milliards d’euros. Le citoyen grec a versé 60 % de son revenu sous la forme de la hausse des impôts et la réduction des salaires, pour rembourser la dette. Tout discours sur le fait que le citoyen allemand a payé des impôts pour verser la dette est infondé. Sans oublier les conditions cruelles imposées par le programme du FMI. En effet, il s’agissait de réduire les pensions de retraite et les salaires du secteur public, d’imposer des impôts exorbitants et de limoger des employés. Cependant, ces mesures réduisent les liquidités au lieu de les augmenter, car il en résulte une stagnation des marchés.
— Comment avez-vous pu sortir de la crise ?
— Avant cette crise, l’économie grecque réalisait un taux de développement de 4,5 %, et l’infrastructure des compagnies grecques était solide. De 2009 jusqu’à aujourd’hui, nos exportations ont augmenté de 120 %, et les exportations vers l’Egypte de 300 %. De nombreuses compagnies grecques investissent d’ailleurs en Egypte. L’Egypte bénéficie effectivement de 5 % des investissements étrangers de la Grèce. C’est ainsi que 156 compagnies grecques investissent en Egypte avec un capital de 3 milliards de dollars. Ceci nous a beaucoup aidés. Nous sommes également sortis de la crise lorsque nous nous sommes basés sur nos avoirs économiques solides, lorsque nous avons entièrement rationalisé les dépenses, et lorsque les exportations ont augmenté. Ceci s’est immédiatement répercuté sur le budget. Nous avons également réduit les salaires. Ces mesures ont été appliquées à tous les employés de l’appareil administratif de l’Etat. Moi-même, une partie de mon salaire a été supprimée.
— Existe-t-il une ressemblance entre les conjonctures de la Grèce au moment de la crise et les conjonctures égyptiennes actuelles ?
— Les conjonctures économiques égyptiennes sont différentes. L’économie égyptienne a réussi à adopter des mesures qui lui ont permis de rester cohérente. Je pense qu’elle pourra reprendre ses forces plus vite que la Grèce. En effet, l’Egypte possède sa propre monnaie, ce qui lui permet d’adopter des politiques financières indépendantes à l’encontre de la Grèce où la monnaie européenne unie lui a imposé d’innombrables pressions. Dans les années 1990, la Grèce a connu des conjonctures économiques similaires à celles de 2009. Cependant, elle a réussi à s’en sortir en 3 mois, car elle possédait encore sa monnaie locale. En acceptant l’idée de l’euro, notre objectif était purement politique. Cependant, l’euro a porté atteinte à de nombreux aspects économiques dans de nombreux pays de l’UE.
Les indicateurs économiques de la Grèce en 2012
Indicateurs valeur
Taux de croissance du PIB -6,4 %
Taux d’inflation 1,5 %
Total des investissements étrangers directs nets (en milliards de dollars) 2,86
Total des réserves en devises (en milliards de dollars) 7,2
Source : Banque mondialeEn
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