En se rendant en Egypte, à trois reprises depuis la destitution de Morsi, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, était la première à rencontrer le président déchu pour tenter de parvenir à une réconciliation entre ses partisans et le nouveau régime à la tête du pays. Une mission qui l’a parfois poussée à prolonger la durée de sa visite pour multiplier les rencontres avec les acteurs politiques. Elle était à chaque fois accompagnée de rumeurs sur une «
nouvelle proposition », mais finalement rien ne se passe. Ashton qui refusait de parler à la presse et laissait des fois le soin à l’émissaire européen, Benardino Léon, de le faire, a fini par affirmer au terme de sa dernière visite qui a eu lieu en octobre dernier que «
l’Union européenne ne joue pas le rôle de médiateur, et n’a pas soumis une initiative particulière ». Presque les mêmes propos sont réitérés par Léon qui disait que «
désigner un médiateur amplifie la mission européenne ». Il s’agit simplement «
d’aider et pas d’imposer ».
La mission des Européens se compliquait davantage qu’ils étaient perçus, à tort peut-être, par une bonne partie de l’opinion publique et des médias, comme partisans des Frères. Amr Hachem Rabie, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, estime que les missions européennes n’étaient guère motivées par une volonté de médiation : « Ashton a été dépêchée en Egypte par Washington, après l’échec de la mission de son émissaire, comme une tentative d’exercer des pressions sur les nouveaux dirigeants, afin de sauver le régime des Frères ». Une complémentarité de rôles se tissait alors entre Bruxelles et Washington. Les démarches européennes se faisaient parallèlement avec pressions américaines sur l’armée égyptienne.
Même avis partagé par le politologue Yousri Al-Azabawy, qui pense que « l’Europe est sur la même onde que les Américains et qu’elle adopte les grandes lignes de la politique américaine au Proche-Orient ». Selon certains, lors de la première visite, Ashton a pris l’initiative de libérer le président destitué. Dans la seconde, elle cherchait à garantir le retour de la confrérie à la vie politique. Elle parlait de « la nécessité d’un processus inclusif de transition qui prend en compte toutes les forces politiques, dont les Frères musulmans ».
Mais les tentatives de forger une nouvelle place pour la confrérie n’ont vraiment pas trouvé d’échos chez les deux parties. L’échec de la mission d’Ashton est dû, comme l’explique Amani Al-Tawil, politologue, « à l’entêtement des Frères musulmans quant à ne pas se lancer dans un dialogue et à la poursuite des actes de violence ». L’intense médiation arabe, menée par l’Arabie saoudite, les Emirats et le Koweït, avec des pays européens, a marqué la troisième visite d’Ashton en août dernier.
« L’émissaire européenne a changé de ton et de discours, affichant une sorte de détachement vis-à-vis des Frères. Elle a transmis un message implicite aux frères en affirmant que ce qui compte est d’achever au plus vite la période de transition », dit Azabawy. Pour Al-Tawil, des raisons internes poussent aussi les Européens à mener cette médiation. « L’instabilité en Egypte préoccupe l’UE, et tout trouble, notamment en Afrique du Nord, pourrait conduire à un exode massif de millions de personnes à travers la Méditerranée, ce qui présenterait un grand défi pour l’Europe », conclut-il.
Lien court: