En clôture du sommet, le commissaire du Conseil de paix et de sécurité a évoqué une situation « très inquiétante » sur le continent. (Photo : AP)
Alors que les maux s’accroissent et que les conflits s’aggravent au continent, la 37e édition du Sommet de l’Union Africaine (UA) a réuni, les 17 et 18 février à Addis-Abeba, une trentaine de dirigeants africains autour de dossiers brûlants. Si le thème principal de l’année 2024 portait sur l’éducation, le slogan du sommet étant « Eduquer un Africain adapté au XXIe siècle », ce sont plutôt les crises secouant le continent, tels que les changements anticonstitutionnels, les conflits internes et externes qui ont occupé une bonne partie des débats. Lors de son discours inaugural de la séance plénière, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a nommé sans ambiguïtés ces différentes crises : le Soudan qu’il dit piétiné par ses élites, la Libye livrée aux ingérences extérieures, les politiques du tout militaire inefficaces contre le terrorisme, la multiplication des changements anticonstitutionnels, la CEDEAO fragilisée par le retrait des pays du Sahel, la crise politique sénégalaise, puis le regain de violence dans l’est de la RDC …
Des mini-sommets ont été tenus pour se pencher sur certaines crises bilatérales, comme celle entre la RDC et le Rwanda, la Somalie et l’Ethiopie, mais sans arriver à une issue. En outre, la guerre à Gaza était au coeur des allocutions. Les chefs d’Etat africains ont unanimement condamné l’offensive menée par Israël dans la bande de Gaza, appelant à sa cessation immédiate. Le secrétaire général de la Ligue arabe a dénoncé une guerre « barbare » et une « épuration ethnique » menée par Israël. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a finalement été représenté par son premier ministre qui a tenu un propos particulièrement offensif contre l’Etat hébreu et a remercié l’UA de porter la voix de la Palestine.
L’enjeu de la réforme institutionnelle
Ce sommet s’est penché également sur plusieurs rapports portant notamment sur la réforme institutionnelle de l’UA, l’évaluation du premier plan décennal de mise en oeuvre de l’Agenda 2063 et l’adoption et le lancement du 2e plan décennal de mise en oeuvre. Dans ce cadre, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki, a exprimé ses craintes sur l’avenir de l’organisation, son efficacité et sa crédibilité. Moussa Faki Mahamat a dénoncé la non-application, par les Etats membres, des décisions de l’UA. « La tendance effrénée de prise de décisions sans volonté politique réelle de les appliquer a pris une ampleur telle qu’elle est devenue dévastatrice de notre crédibilité individuelle et collective. A titre d’illustration, sur les trois dernières années 2021, 2022 et 2023, 93 % des décisions n’ont pas été mises en oeuvre », a-t-il souligné.
Le financement de l’UA est également un défi majeur. « Si la question du financement est résolue, l’organisation sera bien plus indépendante. Les aides versées par les Etats-Unis et l’Union européenne constituent actuellement 70 % du budget de l’UA, ce qui remet en question son indépendance », estime Amira Abdel-Halim, experte des affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, tout en insistant sur le fait que l’Afrique doit chercher ses propres ressources. « Seuls cinq des 55 pays membres de l’UA contribuent au financement, il faut donc mettre en oeuvre des règlements qui obligent les membres à verser leurs contributions », dit-elle. Dans ce cadre, le Conseil de paix et de sécurité à l’UA avait mis un plan consistant à accroître les sommes versées par les pays africains et en vertu duquel chaque pays devra consacrer 0,2 % de ses revenus à l’UA.
Quelle place sur la scène internationale ?
Outre les crises internes, la place de l’UA sur la scène internationale était à l’ordre du jour. Le nouveau président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, élu par ses pairs à la présidence tournante de l’UA pour les douze prochains mois, aura la lourde tâche de représenter le continent au niveau des instances internationales dont le G20, forum au sein duquel le continent a pu obtenir un siège en septembre 2023. Il devra également prendre part à d’importantes réunions dans un contexte mondial marqué par la volonté des pays émergents et en développement de contribuer à la mise en place d’un nouvel ordre politique et économique mondial. L’Afrique aspire aussi à avoir un siège permanent au sein du Conseil de sécurité de l’ONU dans le cadre d’une éventuelle réforme.
En attendant, l’UA se réjouit que trois pays africains, l’Afrique du Sud, l’Egypte et l’Ethiopie, fassent partie des BRICS. Le Brésil, troisième économie des BRICS et principale puissance économique du continent sud-américain, était l’invité d’honneur de ce sommet. Son président, Lula da Silva, qui préside actuellement le G20, a défendu la nécessité d’un nouvel ordre mondial dans lequel l’Afrique doit jouer un rôle prépondérant. Selon lui, l’intégration de l’UA au G20 doit lui donner plus de poids concernant les problématiques d’ordre mondial.
Or, si l’UA a réussi à se forger une place dans des instances internationales, les divisions qui l’affaiblissent restent une entrave majeure face au fait que l’Afrique soit un véritable acteur et fasse entendre sa voix au sein des instances internationales.
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