Poursuivant son action en soutien à la cause palestinienne, l’Egypte a présenté cette semaine deux notes à la Cour Internationale de Justice (CIJ), dénonçant les violences israéliennes dans les territoires occupés. Le Caire doit présenter, le 21 février, un plaidoyer devant la CIJ sur « les politiques et les pratiques israéliennes dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ». 52 autres pays devraient présenter des preuves sur les violences israéliennes lors d’audiences consacrées à cet effet.
Le général Khaled Okacha, directeur du Centre de la pensée et des études stratégiques, explique que le recours à la CIJ intervient dans le cadre d’une action plus large de l’Egypte pour mettre fin à la déportation des Palestiniens et aux massacres des civils à Gaza où la situation est de plus en plus complexe. « L’Egypte agit en parallèle sur plusieurs voies : humanitaire, politique, diplomatique et de médiation. Aujourd’hui, elle s’engage sur la voie des poursuites judiciaires. L’objectif est de faire pression sur Israël afin de parvenir à un cessez-le-feu sur les territoires palestiniens et d’empêcher toute expansion de la guerre », affirme Okacha.
Le président de l’Organisme général de l’information, Diaa Rashwan, a dévoilé que le document présenté par l’Egypte souligne « l’illégalité de l’occupation israélienne, qui a duré plus de 75 ans, en violation du droit humanitaire international ». Le document revient également sur les politiques d’annexion des terres, de démolition des maisons, d’expulsion et de déportation des Palestiniens, en violation du droit international qui interdit la saisie de territoires par la force armée. Le document égyptien rejette de même, selon Rashwan, les politiques israéliennes de persécution, de discrimination raciale et d’autres pratiques qui violent de manière flagrante les principes du droit international humanitaire et des droits de l’homme.
Selon Rashwan, le plaidoyer égyptien appelle le tribunal à « confirmer la responsabilité d’Israël dans tous ces actes internationalement illicites, ce qui nécessite le retrait immédiat d’Israël des territoires palestiniens occupés, y compris de la ville occupée de Jérusalem, et l’indemnisation du peuple palestinien pour les dommages qu’il a subis en raison de ces pratiques illégales ». Il exhorte également la communauté internationale à « suspendre son soutien à Israël » et appelle « les organisations internationales et les Nations-Unies à assumer leurs responsabilités à cet égard », a conclu Rashwan.
Décision non contraignante, mais …
Professeur de droit international, Ayman Salama explique la portée du recours de l’Egypte à la CIJ. « Si la cour venait à rendre un verdict en faveur des Palestiniens, celui-ci aura un impact politique important bien qu’il soit non contraignant car il va détériorer davantage l’image d’Israël sur la scène internationale », affirme Salama. Et d’ajouter : « Ces audiences auxquelles participe l’Egypte, l’un des Etats les plus concernés par la cause palestinienne, interviennent dans un contexte de pression juridique internationale croissante sur Israël concernant le dossier de la guerre à Gaza », affirme Salama. Il rappelle que le 31 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations-Unies a adopté une résolution demandant à la CIJ un « avis consultatif » sur les « conséquences juridiques des politiques et des pratiques d’Israël dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est ».
La décision qui sera prise par la CIJ relève d’une grande importance, puisqu’elle influencera sans doute l’image d’Israël et son statut juridique, politique et moral face à la communauté internationale, d’autant plus que c’est l’Assemblée générale des Nations-Unies qui a demandé à la cour de donner son avis. Celle-ci représente l’ensemble des Etats, y compris les puissances occidentales qui soutiennent Israël. « Il ne s’agit aucunement d’un organe des Nations-Unies à composition limitée », affirme Salama.
Mobilisation internationale
Parallèlement à la CIJ, les efforts de l’Egypte se poursuivent sur les volets politiques et diplomatiques pour tenter de parvenir à un cessez-le-feu immédiat à Gaza. L’Egypte tente de mobiliser l’opinion publique internationale en faveur d’un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne, de repositionner la question palestinienne sur la carte de la politique internationale, d’accorder aux Palestiniens leur droit d’établir leur Etat avec Jérusalem-Est pour capitale et d’empêcher l’expansion du conflit actuel au Moyen-Orient. En effet, la sécurité au Moyen-Orient dépend du règlement de la question palestinienne, restée sans solution depuis des décennies, explique le politologue Ayman Samir.
Il affirme que les efforts de l’Egypte ont réussi à changer la position d’un grand nombre de pays européens sur la cause palestinienne, d’autant que l’espoir de parvenir à une trêve immédiate entre les Israéliens et le Hamas reste lointain. A rappeler que des négociations impliquant des médiateurs égyptiens, américains et qataris pour obtenir une trêve entre le Hamas et Israël incluant un échange des otages israéliens et des prisonniers palestiniens ont eu lieu ces dernières semaines, sans aucune avancée.
Dans le même contexte, le ministre des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, présent cette semaine à Munich dans le cadre de sa participation à la 60e édition de la Conférence de Munich sur la sécurité, a incité la communauté internationale à agir face à la situation catastrophique à Gaza et a critiqué son incapacité à arrêter la guerre. Le ministre a insisté sur l’importance de renforcer les efforts internationaux pour activer le mécanisme de l’ONU destiné à faciliter, surveiller et coordonner l’acheminement de l’aide et à lever les blocages israéliens pour une pleine application de cette résolution.
Contrer l’attaque de Rafah
Pour Khaled Okacha, toutes les actions menées par l’Egypte visent à barrer la voie à l’expulsion des Palestiniens de leurs terres et à leur déportation par la force, les obligeant à chercher un refuge en dehors de leurs territoires, que ce soit en Egypte ou en Jordanie. Il explique : « L’Egypte, dès le premier jour de cette guerre, a insisté sur son refus catégorique de l’idée de la déportation des Palestiniens. Cette position décisive de l’Egypte a été annoncée des dizaines de fois par le président de la République et les parties égyptiennes concernées. Déporter les Palestiniens reviendrait à liquider la cause palestinienne et constituerait une menace directe à la souveraineté et à la sécurité nationale de l’Egypte. L’Egypte sait qu’Israël veut déraciner les Palestiniens de leurs terres et tenter de faire de Gaza une zone invivable. Les démarches égyptiennes devant la CIJ sont une tentative de faire avorter ce plan israélien ».
Okacha ajoute que les allégations qu’Israël a tenté de diffuser ces derniers jours via les médias pour servir ses intérêts, selon lesquels l’Egypte construit une zone pour y recevoir les Palestiniens, font partie de ce plan visant à imposer le fait accompli à l’Egypte et aux Palestiniens de Rafah, qui compte plus de 1,4 million d’habitants.
La réponse égyptienne a été tranchante face à ces mensonges. Dans un communiqué, le président de l’Organisme général de l’information a souligné que l’Egypte nie catégoriquement les allégations diffusées dans certains médias internationaux sur les préparatifs de l’Egypte de construire des unités visant à abriter les Palestiniens dans la partie adjacente à la frontière égyptienne avec la bande de Gaza. Il a ajouté : « L’Egypte disposait déjà avant le déclenchement de la crise actuelle d’une zone tampon et de clôtures dans cette région, et il s’agit là de mesures que tous les pays du monde prennent pour maintenir la sécurité de leurs frontières ».
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