Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken se rend mardi pour la première fois au Brésil, quelques jours après les propos polémiques du président brésilien Lula comparant la guerre à Gaza à la Shoah.
M. Blinken, qui se rendra également en Argentine lors de cette tournée sud-américaine, doit arriver en fin de journée à Brasilia à la veille d'un entretien avec le président Luiz Inacio Lula da Silva, qui s'annonce animé.
Ce dernier a accusé dimanche Israël, qui bénéficie du soutien militaire et diplomatique des Etats-Unis, de commettre un "génocide" des Palestiniens dans la bande de Gaza, en comparant l'offensive israélienne à l'extermination des Juifs par les nazis. Israël l'a aussitôt déclaré "persona non grata".
Ces déclarations font partie des plus virulentes jamais formulées sur le conflit en cours entre Israël et le Hamas par Lula, éminente voix du Sud dont le pays assure actuellement la présidence tournante des pays du G20.
Des responsables américains s'exprimant vendredi pour rendre compte de ce déplacement on dit s'attendre à une "conversation dynamique" entre Antony Blinken et le chef de l'Etat brésilien.
Le secrétaire d'Etat américain doit également prendre part à une réunion mercredi et jeudi des ministres des Affaires étrangères du G20 à Rio de Janeiro, à laquelle son homologue russe Sergueï Lavrov est aussi attendu.
Aucune rencontre n'est officiellement programmée et elle semble peu probable dans le contexte de stupeur provoquée par la mort vendredi en prison de l'opposant russe Alexeï Navalny. Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, ont accusé la Russie d'en être "responsable".
Lors de la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères du G20, à New Delhi en mars 2023, M. Blinken avait eu sa seule rencontre en tête-à-tête avec le chef de la diplomatie russe depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022.
Désaccord sur l'Ukraine et le Venezuela
Depuis sa nomination il y a trois ans, M. Blinken, qui multiplie les tournées internationales, ne s'est pas rendu au Brésil, première économie et pays le plus peuplé d'Amérique latine.
La relation entre les Etats-Unis et le Brésil s'est nettement réchauffée depuis le retour au pouvoir de Lula en 2023, qui a succédé au président d'extrême-droite Jair Bolsonaro, proche de Donald Trump.
Le président de gauche, 78 ans, s'est lui déjà rendu à Washington pour rencontrer le président démocrate Joe Biden.
Les deux dirigeants partagent de mêmes ambitions de lutte contre le réchauffement climatique, de défense des droits du travail et des valeurs démocratiques, mais de nombreux autres points les séparent. A commencer par l'Ukraine.
Lula s'oppose à la politique d'isolement de la Russie adoptée par Washington depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022, estimant que le président ukrainien Volodymyr Zelensky et les puissances occidentales ont une part de responsabilité dans la guerre.
L'autre grand sujet de contentieux est le Venezuela: le président Lula est resté silencieux, contrairement aux Américains, face au refus du président vénézuélien Nicolas Maduro d'autoriser les candidats de l'opposition à se présenter aux élections.
Rencontre avec Milei
Le Brésil a "des liens et des connections importants avec (l'administration) Maduro et est en mesure de lui faire passer des messages clés", a cependant souligné vendredi Brian Nichols, haut responsable du département d'Etat pour l'Amérique latine.
M. Blinken devrait aussi sonder les pays partenaires sur un soutien à Haïti, en proie à une grave crise sécuritaire et humanitaire, alors que la communauté internationale peine à rassembler une force de police multinationale sous les auspices du Kenya.
Pour Bruna Santos, directrice de l'Institut brésilien du centre de recherches Wilson Center, l'administration Biden a fini par comprendre, après un an de mandat du président Lula, qu'"ils peuvent être bons amis, alliés parfois, mais aussi non alliés à d'autres moments".
Les Brésiliens estiment eux que l'administration Biden s'intéresse peu à l'Amérique latine, ajoute-t-elle. "Il y a le sentiment que cette relation n'est pas à la hauteur de son potentiel".
En Argentine vendredi, Antony Blinken rencontrera le nouveau président ultralibéral Javier Milei, arrivé à la tête du pays en décembre, connu pour ses sorties provocantes et souvent comparé à Donald Trump.
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