Al-Ahram Hebdo : Pourquoi, malgré le rejet international, Netanyahu entend-il mener une opération militaire à Rafah ?
Salah Wahba : Cette position montre que le gouvernement de Netanyahu continue de pousser les choses vers plus de complexité et d’aggravation, en particulier avec la présence d’environ 1,4 million de déplacés palestiniens dans cette zone très étroite d’autant plus qu’une action militaire au sol aurait un terrible coût humain. On peut expliquer cette orientation par l’échec du gouvernement israélien à atteindre les objectifs qu’il s’était fixés depuis le début de la guerre, notamment l’élimination du Hamas et la récupération des otages. Politiquement, Netanyahu est en position délicate. Au niveau interne, la pression est forte sur lui pour récupérer les otages, même si cela signifie assouplir sa position inflexible dans les négociations. Au niveau régional, les menaces sécuritaires dans la région augmentent avec l’escalade sur le front libanais, le ciblage de plusieurs bases américaines dans la région, les opérations houthies contre les navires en mer Rouge et les tensions avec l’Egypte en raison du refus catégorique du Caire des plans de Tel-Aviv d’occuper l’axe de Philadelphie et de déporter de force les Palestiniens vers le Sinaï ou l’étranger. De plus, le train de la normalisation dans la région s’est arrêté. Au niveau international, l’opposition à la guerre à Gaza s’est accrue, en particulier face à la crise humanitaire sans précédent que connaît le territoire et aux répercussions qui commencent à peser lourdement sur la sécurité régionale et internationale en raison de la poursuite de la guerre.
— Y-a-t-il des divisions au sein du cabinet de guerre israélien concernant l’opération de Rafah et quelle est la position de l’opposition ?
— Il existe déjà des désaccords au sein du cabinet de guerre israélien concernant la gestion de la guerre à Gaza. Les journaux israéliens ont rapporté, il y a quelques jours, qu’il y avait des désaccords entre Netanyahu et le chef d’état-major de l’armée israélienne, Herzi Halevi. Netanyahu a demandé à l’armée de préparer un plan d’attaque contre Rafah et de rappeler les réservistes qui ont été démobilisés pour participer à l’opération. Halevi a répondu que le rappel des réservistes prendrait beaucoup de temps et qu’il y avait des coordinations politiques à finaliser avant le début de l’opération militaire. Il a fait allusion à la nécessité de coordonner avec l’Egypte en premier lieu, car toute escalade avec elle comporterait de multiples risques. Or, Le Caire adopte une position ferme en refusant toute action militaire à Rafah en raison des graves répercussions qu’elle pourrait avoir sur la sécurité nationale égyptienne. Cela pourrait entraîner le déplacement forcé des Palestiniens vers le Sinaï et aggraver la crise humanitaire que vivent les habitants de la bande de Gaza.
Pour ce qui est du chef de l’opposition israélienne, Yair Lapid, il estime que l’opération militaire à Rafah devrait faire partie d’un plan stratégique de l’après-guerre et qu’elle ne devrait pas commencer maintenant. Selon lui, une telle opération nécessite un long temps de préparation. L’opinion publique se concentre, quant à elle, sur la question du retour des otages par le biais de négociations et non par l’action militaire, car cette dernière a prouvé son échec après plus de 3 mois de guerre dans la bande de Gaza. Plus de 130 otages sont toujours détenus par les factions de la résistance jusqu’à présent et Israël n’a réussi à libérer que deux d’entre eux par une opération militaire complexe. D’autres ont été libérés lors de trêves humanitaires et d’échanges de prisonniers précédents. Actuellement, les otages restants sont toujours détenus et certains d’entre eux ont été blessés ou tués lors des raids israéliens dans différentes parties de la bande de Gaza.
— Comment voyez-vous l’avenir du gouvernement ou du courant d’extrême droite et de Netanyahu après la guerre ?
— La fin de la guerre à Gaza représente la dernière étape pour le gouvernement Netanyahu et l’extrême droite en Israël. Leur avenir politique prendra fin dès son achèvement. Ils seront confrontés à une série d’accusations politiques et de différends internes inévitables. C’est ce qui explique l’insistance du gouvernement Netanyahu à prolonger la guerre, à intensifier et à enflammer la situation dans toute la région, dans le but de réaliser une quelconque victoire politique qui lui éviterait le sort de l’après-guerre. L’exagération israélienne concernant l’opération de libération de deux prisonniers israéliens à Rafah en est un exemple. Mais malgré cela, elle n’a pas atteint ses objectifs et est liée à l’échec continu de Netanyahu jusqu’à présent.
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