« La ville aux mille minarets », un surnom qui a été donné au Caire par les expéditeurs du XIXe siècle. « Du haut de la montagne Al-Moqattam, ces expéditeurs voyaient l’horizon exotique du Caire avec ses dômes et minarets gracieux qui comptaient même plus de mille minarets à cette époque, d’où le surnom du Caire », explique Mohamad Hamza, doyen de la faculté d’archéologie à l’Université du Caire. C’est du haut de cette tourelle que le muezzin lance l’appel à la prière, cinq fois par jour. « Outre sa fonction religieuse bien définie, cet édifice doit aussi être perçu comme un symbole de l’islam, puisque le minaret surmonte non seulement les mosquées, mais on le trouve aussi dans beaucoup de monuments islamiques tels que les madrassas, les khanqahs (bâtiments conçus pour l’enseignement religieux) et les tékiyehs (bâtiments destinés à loger les pauvres et les voyageurs) », ajoute-t-il.
Le premier minaret a été construit en 673 de l’hégire à Fustat en Egypte. C’est le premier calife omeyyade Moawiya Ibn Abi Sofyan, qui ordonna la construction des premiers minarets lors de la reconstruction de la première mosquée d’Egypte, celle de Amr Ibn Al-Ass. Cette mosquée construite en 642 de l’hégire fut détruite et reconstruite pour accueillir plus de fidèles, les quatre tours furent érigées aux quatre coins de la mosquée. Bien qu’on ait peu de détails au sujet de cette reconstruction, on remarque que la forme des minarets fut influencée par les tours des églises qui sont proches de la mosquée. Ils sont aussi simples sans gravures ni décorations. « Depuis, la mosquée a subi de nombreuses modifications pour des raisons d’agrandissement afin d’accueillir plus de fidèles, les minarets actuels ne sont plus ceux d’origine. Mais ce sont bien les quatre minarets de la mosquée de Amr de Fustat qui sont à l’origine de cette caractéristique architecturale qui permet de reconnaître une mosquée n’importe où dans le monde », explique M. Hamza.
A partir de 673 de l’hégire, l’aspect architectural des minarets a évolué. Il s’est adapté à leur époque, leur région et souvent à ceux qui les ont conçus. C’est à l’époque toulonide (868-904) qu’a commencé le développement de l’architecture et de l’art islamique en général, influencé par les tendances architecturales venant de l’Iraq. « Chose qu’on voit clairement dans le minaret de la mosquée d’Ahmad Ibn Toulon qui ressemble beaucoup à celui de la mosquée d’Al-Motawakel dans la ville de Samarra en Iraq. Unique dans sa conception en Egypte, ce minaret de 40 mètres de hauteur dont la base est de forme carrée est composé de deux étages. Le premier est en forme spirale, le second est octogonal. Ces deux étages sont reliés par un escalier extérieur », indique Adel Abdel-Sattar, ex-secrétaire général du Conseil suprême des antiquités. Lorsque ce minaret fut partiellement démoli, le sultan mamelouk Hossameddine Lagine s’est attelé à sa reconstruction afin de lui rendre son aspect original en 696 de l’hégire.
Pendant l’époque fatimide (969-1171), l’architecture islamique s’est développée davantage, notamment en ce qui concerne les bâtiments religieux. Ce développement s’est reflété sur les minarets qui sont devenus plus beaux, car ils comportent beaucoup de gravures et de décorations. Les deux minarets de la mosquée d’Al-Guiyouchi sur la montagne de Moqattam en sont le meilleur exemple. C’est du plus haut de son minaret que les muftis scrutaient le croissant du mois du Ramadan qui indique le début du jeûne. Quant à l’époque ayyoubide (1174-1250), les minarets y ont gardé ces caractéristiques mais avec des toits en forme de mabkhara, un motif décoratif très en vogue à cette époque.
L’âge d’or de l’architecture islamique
L’époque mamelouke (1250-1517) était vraiment l’âge d’or de l’architecture islamique en Egypte, notamment les minarets. Ceux-ci sont devenus plus hauts, plus beaux avec un sommet sous forme de
qolla (gargoulette) ou à double sommet. Le minaret de la
madrassa du sultan Hassan est un exemple type de cette époque.
L’évolution s’est poursuivie pendant l’époque ottomane (1517-1798). Les mosquées étaient plus petites en termes de superficie, ce qui a conféré aux minarets beaucoup plus d’importance. C’est un modèle inspiré des mosquées d’Istanbul, introduit par la domination ottomane. Ce type a marqué l’architecture religieuse de l’Egypte à cette époque. La mosquée d’Al-Malika Safiya (1610), au pied de la Citadelle du Caire, constitue cependant un bon exemple de cette nouveauté ottomane.
Ainsi, les minarets sont devenus plus effilés, mais pas trop élevés comme c’était le cas auparavant, surtout pendant l’époque mamelouke. La mosquée prend ainsi une forme pyramidale, grâce notamment aux minarets. Bien que des formes variées aient été employées dans l’Egypte pré-ottomane, le minaret allait jouer un rôle unique dans l’architecture ottomane, avec sa forme mince et élégante, comme un crayon bien taillé.
Le minaret ottoman plus mince
Dans le minaret ottoman, le principal corps cylindrique part d’une base carrée ou polygonale et est ponctué par un, deux ou même parfois trois balcons circulaires portés par des voûtes. Le tout était couvert de toits coniques allongés revêtus de plomb et se terminant en fleurons. Les muezzins, sur chaque balcon, lançaient l’appel à la prière, et l’effet acoustique de ces nombreuses voix était naturellement intensifié dans une mosquée à minarets multiples, les voix s’entremêlant en différentes sonorités selon la hauteur et la distance séparant les muezzins. Mais il est certain que ces sonorités donnent des échos et des réflexions qui semblent venir du ciel.
La vieille mosquée de Soliman pacha Al-Khadem (935 de l’hégire-1528 de l’ère chrétienne) est la première en Egypte édifiée dans le style ottoman. Le minaret de cette mosquée est cylindrique et cannelé. Il possède deux galeries, chacune soutenue par plusieurs niveaux de stalactites. Il se termine en forme conique. Le sommet est couvert de tuiles vertes. On trouve ce type de minaret ottoman dans la plupart des mosquées de cette période.
Pendant l’époque islamique, Le Caire a connu différents styles architecturaux, notamment en ce qui concerne les minarets. Ainsi, parmi toutes les grandes villes islamiques, Le Caire occupe une place exceptionnelle par le nombre, la diversité et la qualité de ses minarets.
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