Un comité formé de 15 archéologues et spécialistes internationaux, présidé par le célèbre Zahi Hawas, en plus de 6 experts japonais, discutera dans quelques jours d’un projet concernant l’étude et la reconfiguration des blocs de granit formant le revêtement extérieur de la pyramide du roi Mykérinos. Il s’agit d’un grand projet annoncé par Mostafa Waziry, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) et chef de la mission égypto-japonaise en charge du projet du côté égyptien. « C’est le projet du siècle et le cadeau de l’Egypte pour le monde entier au XXIe siècle », a déclaré Waziry, expliquant que « la pyramide de Mykérinos était recouverte de 16 rangées de dalles en granit. Au fil du temps, elle a perdu une partie de son revêtement et ne compte que 7 rangées. En plus, quelques blocs granitiques sont tombés à proximité de la pyramide ». Ce projet vise à restaurer cette couche de granit, afin de redonner à la pyramide son aspect originel. Il se déroulera en plusieurs phases sur les trois années à venir.
En effet, ce projet a suscité l’inquiétude de certains, le doute d’autres et le refus de plusieurs archéologues. Accusé de vouloir « carreler » la pyramide avec une nouvelle couche, Waziry se défend en déclarant que la restauration et l’anastylose des monuments antiques est une science pratiquée dans le monde entier et que tout projet doit être attentivement étudié avant l’intervention. « Il ne manquait plus que de carreler la pyramide de Mykérinos ! Quand va-t-on arrêter l’absurdité dans la gestion du patrimoine égyptien ? Laissez les pyramides tranquilles ! », se lamente l’égyptologue Monica Hanna sur sa page Facebook, ajoutant que « tous les principes internationaux sur les rénovations interdisent de telles interventions. Il faut que tous les archéologues se mobilisent immédiatement ». L’archéologue Mansour Boreik soutient Hanna. « La pyramide de Mykérinos a subi des changements au cours des siècles à cause de facteurs naturels. Les pierres sont devenues très fragiles et il serait difficile de redresser ces blocs granitiques une autre fois. C’est un risque inconsidéré ».
De l’autre côté de la barre, Hussein Abdel-Basir, directeur du Musée des antiquités de la Bibliotheca Alexandrina, souligne qu’« une telle rénovation doit être faite avec beaucoup de prudence ». Et d’ajouter : « N’oublions pas que ce projet sera réalisé sur l’un des sites archéologiques les plus importants du monde ». Par ailleurs, l’égyptologue et professeure d’antiquités à l’Université américaine du Caire Salima Ikram s’interroge : « Faut-il pratiquer l’anastylose ? C’est une question qui a vexé les conservateurs, les universitaires et le public ». Selon elle, il est nécessaire de réaliser toutes les études pour choisir les meilleures méthodes et les matériaux adéquats, car il existe des exemples flagrants de fautes de restauration effectuées dans le passé.
Le projet de restauration de la pyramide de Mykérinos soulève la question de la gestion du patrimoine égyptien, d’autant plus que ces dernières années, des destructions ont touché diverses zones, notamment au Caire historique, pour tracer de nouveaux trajets routiers et moderniser l’ancienne capitale. Face à ce débat, une délégation du Centre égyptien d’information et de soutien à la décision (IDSC), auprès du cabinet ministériel, accompagnée de Waziry et de l’égyptologue japonais Sakuji Yoshimura de l’Université de Waseda et chef de la mission japonaise, s’est rendue sur place pour inspecter le projet. Bien que le fossé devant la pyramide ait été de nouveau sablé, quelques matériaux de photographie et de mesure étaient encore présents. « Ce grand projet vise non seulement à étudier le site et à rendre à la pyramide l’image qu’elle avait lors de sa construction, mais aussi à enlever les blocs de granit éparpillés autour de la pyramide, pour permettre à la mission de fouiller et de découvrir le socle de cette pyramide jamais trouvé à cause de la présence de ces lourdes pierres », indique Waziry. Ce projet ouvrira aussi la voie à la mise au jour de la barque funéraire du roi Mykérinos, qui se trouve très probablement sous ces blocs.
De son côté, Ahmed Issa, ministre du Tourisme et des Antiquités, a formé un comité regroupant des spécialistes d’Egypte, des Etats-Unis, de la République tchèque et d’Allemagne afin d’étudier ce projet en détail. « Vu l’importance de ce projet, Waziry était pressé de l’annoncer », souligne le président du comité, Zahi Hawas, ajoutant que le rôle du côté japonais se limite au financement du projet sans en déterminer le coût exact. « Je dirai mon point de vue à propos de ce projet au sein du comité des spécialistes et le CSA doit approuver et suivre les résultats et les décisions prises par le comité », affirme Hawas, niant de façon catégorique l’intention de compléter le revêtement de la pyramide commencé par le roi Mykérinos. « En tant qu’archéologue, on ne reconstruit pas, on restaure, et parfois on fait de l’anastylose », tranche-t-il.
Il est à noter que le rapport final du comité comportera toutes les mesures à prendre, les étapes du travail et la coordination avec l’Unesco et son consentement pour commencer le travail. Le ministère du Tourisme et des Antiquités organisera une conférence de presse afin d’annoncer les résultats et le rapport final pour poursuivre le projet ou le refuser.
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