Les relations entre l’Egypte et l’Union soviétique, puis la Russie, ont connu des périodes de prospérité puis de détérioration qui ont presque atteint un état de gel complet. La courbe de détérioration des relations avec Moscou a atteint son point le plus bas avec la décision de Sadate de réduire la représentation diplomatique en l’Union soviétique après la signature des accords de paix avec Israël sous un parrainage américain en 1979. Puis les relations diplomatiques sont revenues au niveau des ambassadeurs en 1984 par une décision de l’ancien président Moubarak. Pendant son ère, les relations égypto-russes ont connu des évolutions positives dans plusieurs domaines, en particulier pendant les 10 dernières années qui ont précédé la révolution de janvier 2011. Depuis cette date, les relations entre les deux pays n’ont connu aucune évolution palpable, alors que la visite de l’ex-président, Mohamad Morsi, en Russie en mars dernier, n’a donné aucun résultat positif, que ce soit en ce qui concerne la demande de supprimer le groupe des Frères musulmans de la liste des organisations terroristes conformément à la loi russe, soit pour obtenir des prêts ou des facilités financières de la part de la Russie.
Il faut aussi signaler que l’amélioration des relations politiques pendant les 10 dernières années de l’ère de Moubarak n’a réalisé aucun acquis pour l’Egypte, et ce, pour 3 raisons.
D’abord, Moscou avait des doutes envers les orientations politiques étrangères de l’Egypte et était convaincu que Le Caire ne pouvait pas atteindre le niveau de coopération aspiré par Moscou. En bref, il y a un sentiment chez le côté russe que les relations avec l’Egypte dépendent du thermomètre des relations entre Le Caire et Washington, et que Moscou est pour Le Caire un remplaçant de Washington. Chose que la Russie refuse.
La deuxième raison, qui est étroitement liée à la première, est l’absence de vision stratégique complémentaire concernant les relations avec la Russie dans différents domaines. Dans ce contexte, il est injuste de résumer les éléments de la force russe à son industrie de l’armement et le fait d’être membre permanent au Conseil de sécurité. En effet, il ne faut pas négliger la position stratégique mondiale de la Russie en tant que superpuissance dans le domaine de l’énergie en plus de ses capacités scientifiques, industrielles et artistiques qu’il est impossible de négliger. La Russie est le premier pays exportateur de touristes vers l’Egypte. Cependant, le côté égyptien n’était pas suffisamment sérieux dans ses relations avec le marché russe et n’a pas réussi à en profiter.
Quant à la troisième raison, elle concerne la conviction erronée en l’Egypte et les deux mondes arabe et islamique en général que Moscou et Washington sont des ennemis ou des concurrents et qu’il est difficile d’avoir affaire avec les deux en même temps. Et il semble que le discours politique a renforcé cette conviction dans l’esprit des Arabes, en particulier les discours de Poutine dans lesquels il s’est habitué à adresser des critiques aux présidents américains.
Il existe des potentiels prometteurs pour le développement des relations avec la Russie dans différents domaines, en particulier après sa position de soutien de la révolution du 30 juin et la visite réussie du ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil Fahmi, à Moscou en septembre dernier. C’est ainsi que la visite des ministres russes des Affaires étrangères et de la Défense, effectuée la semaine passée au Caire, reflète une évolution dans le partenariat avec l’Egypte, à laquelle Moscou aspirait depuis longtemps. La raison est que Le Caire est pour Moscou la clé de la région et qu’il est impossible de parler d’un rôle important dans la région sans l’Egypte.
Dans ce contexte, il faut comprendre que si la Russie aspire à retrouver son pouvoir dans la région en remplissant le vide causé par le recul américain, elle adopte cependant une politique très réaliste qui n’a rien à voir avec l’idéologie, et ce, contrairement à l’ancienne Union soviétique. Par conséquent, la Russie recherche non pas des alliés, mais des partenaires avec lesquels il est possible de réaliser des avancées économiques et commerciales sans que cela constitue un fardeau pour les ressources russes.
Ce qui importe maintenant c’est de déployer des efforts sincères afin de parvenir à une vision stratégique globale qui prend en considération les capacités et les opportunités du côté russe, et dont l’Egypte peut profiter. Il est certain que les deux révolutions du 25 janvier et du 30 juin imposent à l’Egypte d’effectuer une refonte générale de ses politiques étrangères et de ses relations avec les différentes forces, y compris le développement de ses relations avec l’ami russe.
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