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Egypte : les islamistes appellent au dialogue

Ola Hamdi, Mardi, 19 novembre 2013

L’appel au dialogue lancé samedi par la coalition du soutien à la légitimité a reçu un accueil tiède de la part du gouvernement, mais aussi des partis politiques.

Les islamistes
La poursuite de la violence des Frères discrédite leur appel au dialogue.

Samedi, la coalition du soutien de la légitimité composée de partis islamistes a appelé « toutes les forces révolutionnaires, partis politiques et personnalités patriotiques à entamer un dialogue profond pour sortir de la crise actuelle ».

Cette initiative a mis au grand jour les divisions au sein du gouvernement quant aux futures relations avec les Frères. Ainsi, face au vice-premier ministre, Ziad Bahaeddine, qui considère la réconciliation avec les Frères musulmans comme une nécessité, le ministre de la Solidarité sociale, Ahmad Al-Boraï, écarte, lui, l’idée d’un dialogue avec les islamistes tant qu’ils n’ont pas reconnu les nouvelles autorités ayant remplacé le président Mohamad Morsi.

Le nouveau pouvoir impose comme préalable aux Frères musulmans d’accepter le plan de transition avant toute négociation. Il s’agit de la « feuille de route » qui prévoit des législatives en février ou mars et une présidentielle en été.

Les pro-Morsi dénoncent un « coup d’Etat » et accusent l’armée et son chef, le général Abdel-Fattah Al-Sissi, qui a annoncé le 3 juillet la destitution de l’ex-président, d’être des « putschistes ».

De leur part, les Frères musulmans insistent pour que leurs dirigeants soient libérés et exigent la garantie qu’ils pourront participer aux prochaines élections, alors que l’ex-président Morsi et les plus hauts dirigeants de sa confrérie sont actuellement incarcérés et jugés pour « incitation au meurtre » de manifestants.

Si le retour au pouvoir de Morsi a toujours été posé comme condition préalable à toute négociation, cette fois, des responsables des Frères musulmans concèdent qu’ils pourraient accepter une sortie « constitutionnelle » pour l’ex-président, une démission par exemple.

Le communiqué de la coalition se limite en fait à demander « le retour à la légitimité constitutionnelle et au processus démocratique incluant tous les mouvements politiques, sans qu’aucun monopolise le processus ou en soit exclu ». Cette « légitimité » fait autant référence au président destitué qu’au Sénat dissous et à la Constitution suspendue.

Imam Youssef, dirigeant du parti Assala, et membre de la coalition, a affirmé que la coalition plaidait pour que les discussions commencent « sous deux semaines », ajoutant que les islamistes étaient prêts à discuter « toutes les solutions qui mèneront à la stabilité ». « Nous voulons une solution démocratique et cela ne veut pas forcément dire que nous devons être au pouvoir », a-t-il dit.

La coalition, qui organise régulièrement des manifestations en dépit de la violente répression, a prôné samedi « l’opposition pacifique » et appelé à la « fin de l’effusion de sang » et à l’arrêt des « campagnes de haine dans les médias ». Elle plaide également avant l’ouverture de ce dialogue pour la libération des prisonniers et la réouverture des médias fermés dès le 3 juillet. Elle a en outre réclamé le « retour des militaires dans les casernes ».

De même, la coalition vise à réaliser les objectifs de la révolution du 25 janvier, notamment le pluralisme politique, le respect de la volonté du peuple à travers les urnes comme outil pour l’exercice de la démocratie. Elle refuse en outre de renoncer aux droits des « victimes de la révolution », ce qui implique le jugement de ceux responsables de leur meurtre.

« Ce n’est pas une initiative mais une vision stratégique que partagent toutes les factions de la coalition, non pas les Frères musulmans seulement », assure Amr Darrag, chef de la coalition.

Une tentative de « diaboliser l’armée »

Mais il se trouve que les partis politiques sont aussi divisés que le gouvernement relativement à cette initiative. Ladite « vision » est en effet loin d’être partagée par les forces politiques laïques, notamment le Front national du salut, qui a été la principale formation d’opposition anti-Morsi, et qui a indiqué que cet appel au dialogue est une tentative de briser l’isolement des Frères, de « diviser les rangs des forces civiles » et de « diaboliser l’armée ».

« Cette coalition incarne la violence et le terrorisme. Les partis se revendiquant de la démocratie et qui croient en la citoyenneté et en droits de l’homme, ne peuvent se ranger de leur côté et accepter de négocier avec eux », lance Mahmoud Al-Alayli, du parti des Egyptiens libres.

Seul le parti salafiste Al-Nour se félicite de l’appel au dialogue, « à condition que les Frères renoncent à l’idée du retour du président Morsi ».

Chercheur au Centre de Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Yousri Al-Azabawi note quelques points positifs dans cette initiative, notamment la renonciation explicite à la violence et l’appel au recours aux urnes. Malgré tout, il prédit l’échec de cette initiative, du fait que chaque partie campe sur ses positions. « Les Frères ne reconnaissent pas le 30 juin et maintiennent un discours assez vague sur tous les points importants », constate-t-il.

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