Après l’effondrement de l’Union soviétique au début des années 1990, la politique étrangère de la Russie au Moyen-Orient s’effondre presque intégralement. En 1990, Gorbatchev n’hésite pas à lâcher son allié iraqien au bénéfice de la « détente permanente » avec les Etats-Unis. On parle alors d’une Russie incapable de soutenir ses alliés.
La scène se répète en Libye en 2011, quand les Russes s’abstiennent de poser leur veto lors de l’adoption de la résolution 1973. L’intervention militaire qui en découle fera perdre aux Russes la quasi-totalité de leurs intérêts dans le pays. Le ministre russe des Affaires étrangères affirmera plus tard « s’être fait avoir par les termes de la résolution».
Comme l’explique Ahmad Diab, spécialiste de la Russie au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « la Russie perdait ses alliés les uns après les autres, à l’exception de la Syrie. Même si les relations avec les autres pays du Moyen-Orient n’ont jamais été gelées, il y a eu un éloignement non négligeable. Ces pays, avec le temps, se sont tournés vers Washington qui était la seule superpuissance. Mais pour le chercheur, les choses commencent à changer. Profitant du recul et de la faiblesse actuels des Américains, la Russie essaye de regagner sa place au Moyen-Orient».
Aujourd’hui, Moscou ne veut plus retomber dans les erreurs commises en Iraq ou en Libye. Et les Russes décident de soutenir avec force leur dernier allié dans la région : la Syrie.
Syrie, la garantie d’un retour sur scène
La Russie s’est toujours opposée à toute intervention militaire par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne en Syrie. Elle soutient ouvertement le régime de Bachar Al-Assad. Son droit de veto au Conseil de sécurité de l’Onu a toujours empêché l’adoption d’une résolution ouvrant la voie à une intervention internationale légale.
Le soutien fourni à Damas par Moscou n’est pas nouveau. Les deux pays tissent depuis quarante ans des relations très fortes, avec notamment en 1980 la signature, entre Léonid Brejnev et Hafez Al-Assad, d’un « traité d’amitié et de coopération » donnant lieu à une collaboration militaire étroite. En 2000, la Russie annule les trois quarts de la dette contractée par la Syrie à l’époque de l’Union soviétique — soit 9,6 des 13,4 milliards de dollars dus à Moscou — en échange de lucratifs contrats d’armements. De plus, la Russie détient en Syrie sa seule et unique base navale méditerranéenne, installée dans la ville de Tartous. « La Syrie est une carte très importante pour Moscou, qui tente de regagner sa crédibilité face aux autres pays de la région, notamment l’Egypte, l’Iraq, la Libye et l’Algérie », explique l’expert en relations internationales, Saïd Al-Lawendi.
Avancées modestes
L’ours russe se réveille-t-il ? Depuis quelque temps, la Russie cherche à se frayer à nouveau une voie vers le Proche-Orient grâce à de nouveaux échanges commerciaux, et des contrats dans des domaines comme l’armement, l’énergie et le tourisme. « Si l’Union soviétique avait fondé son rapprochement au Moyen-Orient sur son désir de garder sa puissance face aux Américains, aujourd’hui, Moscou change de politique. Il n’est plus question de superpuissance ou d’alliances, mais plutôt d’un échange d’intérêts entre les deux camps », explique le chercheur au CEPS d’Al-Ahram.
Ainsi, en Iraq, Moscou a signé en 2012 des contrats de 4,3 milliards de dollars dans le cadre d’une coopération militaro-technique. Il s’agit notamment de la fourniture de 10 hélicoptères Mi-28N (Havoc).
De plus, Bagdad est pour Moscou un marché pétrolier très important. Cette année, les pétroliers russes ont renforcé leur présence en Iraq, notamment dans le champ pétrolier de Kirkuk, dont les réserves sont évaluées à deux milliards de barils.
Idem avec l’Algérie. Après des relations tendues avec la Russie suite à une suspicion de corruption dans un contrat d’armement en 2006, un autre très gros contrat d’armement serait en discussion, ainsi que de nouveaux projets dans le blé et l’industrie.
Pour Al-Lawendi, même si l’armement reste au premier plan dans les relations entre la Russie et les pays de la région, les relations diplomatiques, commerciales et les échanges touristiques viennent peu à peu s’imposer et renforcer les échanges d’intérêts. « Nous savons que les Américains ont un dialogue riche et intense avec les pays de la région, notamment avec l’Arabie saoudite. Nous intensifions également nos contacts avec les Etats de cette région », a indiqué le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, soulignant l’importance pour la Russie de renforcer ses relations avec le Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe.
Moscou s’ouvre aux pays du Golfe, notamment le Qatar et l’Arabie saoudite. Et on note au cours des derniers mois plusieurs visites de responsables russes dans ces pays. Pour les Russes, ce rapprochement vise à maintenir la stabilité du marché pétrolier, notamment les prix et le volume de production ainsi que l’ouverture d’un marché d’exploration et de développement pour les compagnies russes.
Des relations centenaires
La Russie ne lâchera pas son allié syrien. Les premières relations avec les Russes datent de 1772, mais à l'époque moderne, elles commencent sous le règne du roi Farouq. Retour sur les dates marquantes.
1943:
Etablissement officiel des relations diplomatiques entre l’Egypte et la Russie.
1948:
Premier accord économique entre les deux pays pour l’exportation de céréales en échange du coton égyptien.
1956:
L’URSS reconnaît la nationalisation du Canal de Suez.
L’URSS propose à l’Egypte l’envoi de volontaires si la France et la Grande-Bretagne ne retirent pas leurs troupes.
1964:
Le président Nasser et le leader soviétique Krouchtchev inaugurent la 1re tranche du Haut-Barrage d’Assouan.
1968:
Moscou accueille Nasser en visite officielle.
1971:
Le Haut-Barrage d’Assouan sur le Nil est inauguré par le président Sadate.
Au terme d’une visite du président soviétique Podgorny au Caire, un traité d’amitié et de coopération soviéto-égyptien est signé.
Sadate se rend en Union soviétique la même année.
1972:
Le président Sadate renvoie les conseillers militaires soviétiques d’Egypte après le refus de l’URSS d’augmenter son aide économique et militaire.
1977:
L’Egypte décide de suspendre le remboursement des dettes militaires à l’URSS pour 10 ans.
1991:
L’Egypte reconnaît la Russie, succédant à l’URSS.
1996:
Le président russe Boris Yeltsin discute avec Hosni Moubarak en marge d’une conférence internationale sur le processus de paix à Charm Al-Cheikh.
1997:
Moubarak entame sa 2e visite en Russie, qui débouche sur la signature d’un nombre de documents, dont la Déclaration politique égypto-russe.
2005:
Le président Poutine se rend en visite en Egypte pour la première visite de ce niveau depuis 40 ans.
2007:
Un protocole d’accord sur une zone industrielle est signé entre Le Caire et Moscou.
2009:
Le nouveau président Dmitri Medvedev se rend en visite officielle en Egypte.
2013:
Visite du président Mohamad Morsi en Russie.
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