Une quarantaine d’amateurs d’art de la miniature, âgés entre 10 et 70 ans, se retrouvent à la salle Adam Hénein à l’Opéra. Dans cette exposition qui se tient chaque année depuis six ans, ils produisent toutes sortes d’objets en laissant libre cours à leur imagination : maisonnettes, chars, avions, navires, églises, mosquées et d’autres modèles réduits. Tous sont venus exposer leurs oeuvres en miniature au public. Tout au fond de la salle, une maquette de Titanic de 130 cm de long est entreposée à l’intérieur d’un vase rectangulaire en verre. « J’ai lu l’histoire de ce navire qui mesurait 269 m de long et 28 m de large. Il a fait naufrage en 1912. J’ai même vu le film alors que j’étais au collège. Les mesures de sécurité n’ont pas été appliquées sur Titanic, et c’est ce qui a provoqué la plus grande catastrophe maritime de l’Histoire », explique Hussein Al-Qaïssy, ingénieur en mécanique. La maquette de Titanic ne lui a coûté que très peu d’argent. Il l’a fabriquée avec du papier recyclé, du papier cartonné et du plastique. Il lui a fallu deux ans de travail pendant lesquels il interdisait à sa famille l’accès à sa chambre, pour fabriquer ce chef-d’oeuvre en miniature. « Il faut être attentif aux moindres détails. C’est un travail méticuleux, car il faut manipuler les objets en miniature avec précaution pour éviter de les abîmer », précise Al-Qaïssy, qui a mis en relief certains détails du film Titanic en représentant les passagers des première, deuxième et troisième classes. Les riches portent des vêtements élégants et des couleurs vives, alors que les passagers de la troisième classe sont vêtus de couleurs sombres, noire ou marron. Les deux héros du film de James Cameron font aussi partie de la scène, se chuchotant des mots d’amour sur le pont. Le Titanic est admiré par les visiteurs de l’exposition qui sont tenus de ne rien toucher pour éviter d’endommager la maquette. De temps en temps, certains posent des questions sur le matériel utilisé. La résine époxy qui est mélangée à des pigments produits grâce au diorama des couleurs qui donnent vie à l’objet exposé.
Les amateurs de cet art se sont rassemblés à travers les réseaux sociaux. (Photo : Yasser AI-Ghoul)
Un univers en allumettes
Dans ce monde féerique, les fans de l’art de la miniature doivent parfois renoncer à leur carrière pour s’adonner à cette activité qui exige une formation continue loin du domaine de leurs études. « J’éprouve de la fascination pour l’architecture des mosquées et des cathédrales. Lorsque je visite ces endroits, je me sens détendu. A chaque fois, je reste longtemps à admirer ces belles bâtisses qui se dressent avec majesté, à tel point que j’ai envie de les fabriquer en miniature », raconte Ahmad Hassan, médecin à la retraite. Reproduire des monuments avec des allumettes est le passe-temps favori de ce médecin. Il a créé de cette manière plus d’une trentaine de maquettes, comme celles de la mosquée d’Al-Cheikh Zayed, de l’ancienne Bibliothèque d’Alexandrie, d’églises comme Notre Dame du Sacré Coeur et d’autres encore. 4 500 allumettes ont été rassemblées pour construire, par exemple, la mosquée d’Al-Cheikh Zayed. « Les allumettes sont en bois, et cela est très pratique, car on n’a pas besoin d’outils qui fassent du bruit. Il suffit d’installer une table dans une grande pièce et d’avoir des produits de collage, un cutter et des boîtes d’allumettes », dit-il. Et d’ajouter qu’il est important de respecter les mesures de ces dernières. Chaque allumette doit avoir 5 cm de longueur et 2 mm d’épaisseur, car la fenêtre d’une cathédrale nécessite 4 allumettes à coller. Ahmad Hassan a étendu ses connaissances en architecture grâce à ses oncles qui étaient architectes, et plus tard grâce à sa fille aînée qui a fait des études d’architecture. « En fait, j’ai commencé à pratiquer l’art de la miniature dans les années 1980, mais les résultats n’étaient pas satisfaisants. J’ai dû apprendre les échelles des maquettes et les schémas des bâtiments historiques sur Internet. Pour les dômes des mosquées, j’ai essayé une dizaine de fois avant de parvenir à disposer les allumettes en demi-cercles arrondis. J’ai eu recours au papier cartonné qui m’a servi de moule intérieur, et après avoir fini de coller les allumettes, j’ai retiré le moule et les allumettes ont pris cette forme arrondie », s’exprime-t-il.
Un moyen de détente pour échapper au stress et retrouver son bien-être ? Peut-être. Si Ahmad Hassan a choisi d’évacuer son stress en créant des constructions géométriques à partir de produits recyclés, d’autres préfèrent les modèles en kit. Pour eux, c’est un moyen de créer son univers dans un espace de quelques millimètres. Amr Nasr, un autre miniaturiste, raconte que lorsqu’il était petit, sa mère lui avait offert un kit en modèle réduit qu’il a beaucoup aimé, et plus tard, il a essayé d’en fabriquer un. « Un millimètre de kit équivaut à 160 millimètres dans la réalité, et dans d’autres types d’objets, un millimètre est égal à 87 millimètres », précise Amr Nasr. Son travail en Allemagne lui a offert l’opportunité de se rendre, chaque samedi, au club des modélistes où il a appris à peindre les toits des maisonnettes pour créer l’impact des phénomènes météorologiques. « Les kits en modèles réduits sont toujours de couleur beige ou grise claire, alors il faut mettre en relief la beauté architecturale et l’environnement européen », précise-t-il. Son séjour à l’étranger lui a permis de créer des tableaux qui représentent des scènes de week-end en installant des tables devant les maisons où l’on prend le café en plein air, avec des arbres tout autour et une atmosphère paisible qui se fond harmonieusement dans le paysage.
Ahmad Al-Fayed, consultant en ingénierie, se souvient que lorsqu’il était enfant, il était fasciné par l’architecture des immeubles des années 1970. Il tient à ce que cet héritage urbain ne tombe pas dans l’oubli. Il a même imprimé et coloré des pancartes publicitaires en papier de cette époque. Il a aussi tenu à marquer les événements politiques de cette période en accrochant les photos des deux présidents Mohamad Anouar Al-Sadate et Jimmy Carter. « Les vieux immeubles font partie de l’histoire du pays. Je suis choqué lorsqu’une personne fortunée amoche d’anciens éléments d’architecture comme cela s’est produit dans certains quartiers », avance Al-Fayed.
Des miniaturistes en herbe
Le montage des objets en miniature sert de détente, mais aussi de moyen d’expression. (Photo : Yasser AI-Ghoul)
Pour d’autres miniaturistes, cette passion n’est pas seulement un moyen de retrouver leur sérénité, mais surtout un moyen de s’exprimer. A l’intérieur de l’exposition, des miniaturistes en herbe ont célébré le cinquantenaire de la guerre d’Octobre en réalisant les scènes de victoire de l’armée égyptienne. D’autres encore focalisent leur travail sur le patriotisme arabe en rêvant de libérer la Palestine. Omar Mazen, 14 ans, a exposé au milieu de la salle sa maquette du Dôme du rocher et a entreposé des chars qui portent les étendards des pays arabes voisins. « A travers cette maquette, j’ai voulu m’exprimer autrement qu’en rédigeant une dissertation à l’école sur le conflit palestino-israélien. Des visiteurs des quatre coins de l’Egypte sont présents à cette exposition, et il y a des étrangers qui viennent découvrir nos idées à travers l’art », explique Omar. Ce miniaturiste en herbe a commencé à fabriquer des objets miniatures à l’âge de 8 ans. Etant donné qu’il cassait tous ses jouets, son père avait décidé de ne plus lui en acheter. Alors, il s’est lancé dans la fabrication des voitures avec du papier cartonné et des bouteilles d’eau en plastique. Chercher le bien-être, créer son propre univers ou laisser libre cours à son imagination, peu importe les motifs. Ces amateurs espèrent que les expositions de miniature se multiplieront, pour qu’ils aient l’opportunité de participer, y compris dans d’autres pays, afin de transmettre leur expérience et de partager leur passion.
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