Environ un quart d’heure avant la célébration de la messe, le sonneur monte au clocher et serre fort sur la corde qui pend de la cloche pour la faire sonner et faire retentir ses sons pendant environ cinq minutes pour annoncer les moments des prières. Un rituel que les Egyptiens connaissent bien. Ils sont habitués à entendre le tintement des cloches des églises, le dimanche et vendredi de chaque semaine à l’heure des messes. Chaque église en Egypte possède une grande cloche et parfois plusieurs autres dans une pièce privée au sommet de l’église. Ces cloches sont actionnées lors des événements heureux comme les mariages et les baptêmes, ainsi que lors des funérailles pour rendre hommage à une personne disparue. Elles sont sonnées principalement pour annoncer la célébration de la messe et également pour le début de la Semaine sainte ou du Vendredi saint, le jour de la mort de Jésus.
« Ce tintement sert de communication de masse pour les chrétiens dans chaque région, leur rappelant les horaires des prières ou pour souligner un événement spécial. Par exemple, quand ils entendent un son triste, ils savent qu’il y a une prière funéraire et se demandent qui est mort », dit père Ebram, prêtre à l’église copte orthodoxe Mar Guirguis. Il explique que la cloche de l’église est attachée à une longue corde. Le rôle du sonneur de l’église ou d’un diacre est de tirer la corde et quiconque fait ce travail est bien formé. La plupart des églises utilisent ce système manuel pour faire sonner les cloches, mais récemment, certaines églises ont utilisé un bouton électrique connecté au circuit électrique de la cloche. Il suffit d’appuyer sur le bouton pour sélectionner le son suivant l’événement qui a lieu. Le père Ebram ajoute que le moment le plus important de sonnerie de la cloche est quand le prêtre élève le pain et le vin pendant la messe. Cela est considéré comme un appel adressé aux citoyens dans les foyers ou dans d’autres endroits que l’église a déjà commencé la prière.
(Photo : Al-Ahram)
A chaque tintement une portée
Parfois, on peut penser que les sons émis par les cloches se ressemblent, mais les sonorités sont différentes et ont des significations comme l’explique le professeur d’histoire de l’Eglise Isaaq Al-Bagouchi. Le son des événements heureux émis par les cloches lors de la célébration de la messe, des fêtes, des baptêmes et des mariages est rapide, vif et gai. Il y a aussi un son plus lent, qui est un battement glorieusement lent et sporadique séparé de plusieurs secondes marquant les funérailles, ainsi que les prières du Vendredi saint.
Les sonneries de la joie, continue Al-Bagouchi, résonnent également dans l’église lors de la visite du patriarche ou de l’évêque, annonçant aux fidèles l’arrivée d’un personnage de haut rang dans l’église. Pareil pour les sonneries tristes, qui sonnent lors des événements difficiles que traversent le pays. Or, les cloches qui battent à toute volée ont retenti dans les églises égyptiennes lors de plusieurs événements importants tels que la victoire lors de la guerre du 6 Octobre 1973, ou encore en 2014, lorsque le président Abdel-Fattah Al-Sissi a pris ses fonctions après une période très critique par laquelle est passé le pays. Ou lors de la mort du président Gamal Abdel-Nasser en 1970.
La présence de cloches ne se limite pas seulement aux églises, mais on en trouve dans tous les monastères et elles sonnent trois fois par jour pour annoncer l’heure des prières.
Les cloches jouent un rôle important dans le quotidien des fidèles des églises. (Photo : Al-Ahram)
Une longue histoire
D’après Mina Solimane, chercheur au Centre culturel orthodoxe, la cloche existe depuis l’époque de l’Ancien Testament, le temps du prophète Moïse. On utilisait une trompette pour rassembler le peuple pour la prière ou pour la guerre. La pratique de faire sonner les cloches des églises remonte à l’an 400, précisément à l’époque de saint Paulin qui a créé un lien entre les cloches et les églises. A la fin du IVe siècle, l’Etat romain a déclaré que le christianisme était l’une des religions de l’Etat, et les cloches ont été depuis utilisées pour annoncer le début de la prière dans les cathédrales.
Aux IVe et Ve siècles, les cloches avaient la forme d’une grande planche de bois ou de métal portée par le moine ; elles sont encore utilisées dans les monastères byzantins afin de réveiller les moines pour la prière, comme au monastère de Sainte-Catherine. Les cloches sont fabriquées à partir de matériaux spéciaux. Elles doivent être en cuivre de bonne qualité pour bien résonner et il est mélangé avec du bronze, et parfois de l’argent. Par ailleurs, elles sont importées d’Italie et de Grèce et arrivent par la mer.
« Les cloches se répandirent en Egypte sous le règne du pape Kyrollos V, qui remplit ses fonctions de 1729 à 1874 », dit Al-Bagouchi. Il ajoute que les cloches ont été offertes comme cadeaux aux églises parce que leur budget ne permettait pas d’assumer le coût d’importation d’une cloche de l’étranger. Al-Bagouchi ajoute qu’il y avait des moments où les sonneries des cloches ne s’entendaient plus en Egypte parce qu’elles ont été interdites à certaines époques du califat. Les cloches avaient de nouveau retenti sous le règne de Mohamad Ali qui a ordonné à toutes les églises de les faire sonner.
(Photo : Al-Ahram)
Actuellement, les cloches sont fabriquées en Egypte dans la seule usine du monastère d’Anba Sammuel dans le village de Maghagha au gouvernorat d’Al-Minya. Il est le seul monastère qui a non seulement réussi à en fabriquer, mais aussi à les développer en gravant l’effigie des saints sur le cuivre. « Le père Sammuel fabrique les cloches pour chaque nouvelle église. Il vient lui-même pour l’installer et la tester », explique Al-Bagouchi. Il ajoute qu’actuellement, l’Egypte s’est tournée vers l’exportation aux pays arabes où de nouvelles églises sont construites. Elle envoie aussi des cloches aux églises égyptiennes qui se trouvent à l’étranger.
Il est à noter, continue Al-Bagouchi, que la cloche de la cour de l’église archéologique orthodoxe romaine « Saba Pacha » à Alexandrie est la plus grande d’Egypte, datant de 1838. L’une des cloches les plus célèbres et les plus représentatives était celle du pape Kyrollos IV au monastère d’Anba Maqar et celle au monastère de Sainte-Catherine.
En période de fêtes, les rues sont décorées de guirlandes. (Photo : Al-Ahram)
Les sons des cloches imprègnent les fidèles de sentiments divers, dont certains sèment l’espoir et la joie, d’autres la tristesse lors des crises. Une pratique héritée par les générations pour leur rappeler les heures de prière. Cachées mais avec leurs tintements bien distincts, les cloches sont entendues par tous et font office de marqueur de temps au quotidien pour que les citoyens se tournent vers la source et reconnaissent les sons émis par l’église.
Pour de nombreux citoyens, à l’instar de Peter Magdi, pharmacien, les souvenirs des tintements de la cloche restent gravés dans la mémoire. « Ils sont liés à la joie des vacances et à la rencontre des parents et des amis dans l’église au moment des prières que nous célébrons ensemble. Je me souviens encore de ces jours où j’entendais les sonneries gaies de la cloche lors des fêtes ».
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