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« Notre projet de développement s’étale jusqu’en 2050»

Propos recueillis par Dahlia Réda, Mardi, 09 octobre 2012

Tareq Chaalane, président du Comité économique du parti salafiste Al-Nour, souhaite la mise en place d’une économie plus libérale ponctuée de quelques idées pour désengorger la capitale.

Tareq Chaalane
(Photo: Bassam Al-Zoghby

Al-ahram hebdo :Comment évaluez-vous la performance de Mohamad Morsi et de son gouvernement, notamment sur les dossiers de l’énergie et de l’inflation ?

Tareq Chaalane :Les problèmes dont souffre le peuple égyptien sont chroniques. Ces derniers ne peuvent pas être résolus en 100 jours ou même en 1 000 jours. A l’origine, la révolution s’est déclenchée pour des raisons économiques uniquement. Car l’ensemble de l’économie s’était détérioré à un niveau sans précédent. Le peuple a déclenché cette révolution en aspirant à de meilleures conditions économiques.

Mais le peuple ne perçoit pas ces problèmes de manière éclairée. Les problèmes du pays sont trop compliqués pour être résolus en quelques mois. D’ailleurs, le président Morsi et les cadres du Parti Liberté et justice semblent eux aussi ne pas percevoir toute l’ampleur de ces problèmes. Ils n’imaginaient pas qu’ils auraient à faire face à autant de complications. Les dossiers négligés par l’ancien régime depuis plus de 60 ans existent toujours ! Le nombre des handicapés ne cesse de croître et ni les rues ni les infrastructures ne sont adaptées à leurs besoins spécifiques. Par ailleurs, une personne sur 4 est atteinte d’hépatite C et une sur 6 souffre d’insuffisance rénale.

Les problèmes sociaux dont souffre le pays sont nombreux, alors que les organes administratifs sont fragiles, ce qui limite les possibilités d’interventions. Le nouveau régime n’a pas encore réalisé de progrès notable. Il faut mettre en place des stratégies à court terme pour une croissance rapide, puis des stratégies à long terme pour garantir la durabilité de cette croissance.

Qui est responsable de cette détérioration économique et sociale et quel serait le modèle à suivre pendant cette phase transitoire ?

— Il est incontestable que le modèle socialiste appliqué depuis l’ère de Nasser est responsable de bien de maux. Ce système a introduit des entraves et a étouffé l’économie. Citons les subventions, la fixation des prix des loyers ou l’excès d’embauche dans le secteur public qui a produit un gonflement du volume de l’organisme administratif de l’Etat, résultant une détérioration de la situation socioéconomique des citoyens. Il faut appliquer le modèle de l’économie de marché tout en mettant en place une assurance sociale efficace. La période transitoire post-révolution s’est énormément prolongée, l’anarchie et le désordre se sont largement répandus. Le retour à la discipline prendra encore du temps.

Le phénomène des grèves a pris de l’ampleur ces derniers jours. Comment le nouveau gouvernement peut-il y faire face ?

— Ce phénomène est le fruit des situations injustes imposées aux ouvriers. Ils ont vécu longtemps sans salaire minimum et sans assurance sociale. En plus, ils n’avaient pas le droit d’exprimer leurs revendications en raison de la pression que faisait peser sur eux l’ancien régime. Mais ces catégories sociales en colère ont exagéré en demandant plus à chaque fois. Ces phénomènes nuisent au développement du pays.

On parle beaucoup en ce moment d’un abaissement des subventions ...

— La réduction des subventions est une nécessité. D’autant que ce ne sont pas les catégories à faibles salaires qui en profitent. Une grande partie du budget est consacrée aux subventions. Mais des fraudeurs volent le gasoil subventionné et le revendent en dollars pour l’exportation. Les agriculteurs utilisent le pain subventionné comme nourriture pour leurs animaux ! Les subventions sont mal gérées. Elles ont créé un marché noir et conduisent à une hausse des prix. La bonbonne de gaz se vend à 100 L.E. alors que son prix subventionné est de 5 L.E. car l’Etat paye 20 L.E. pour chaque bonbonne ! Par ailleurs, pourquoi subventionner des produits consommés essentiellement par les riches, comme l’essence 92 et 95 ? Il faut réduire graduellement les subventions en débutant par ces produis, afin de pouvoir financer d’autres secteurs plus importants comme la santé ou l’éducation.

Le nouveau gouvernement doit aussi réduire les taxes d’importations sur les véhicules fonctionnant au gaz naturel. Cela contribuera à réduire la facture des subventions en substituant l’essence par le gaz naturel. Les solutions sont nombreuses, mais l’important est de posséder une stratégie sérieuse et claire pour le futur.

Il y a donc des solutions pour sortir de la crise ...

— Le pays peut sortir de cette crise en changeant son mode de fonctionnement. Il faut s’inspirer de l’Union européenne ou de la Turquie qui a d’ailleurs repris un certain nombre de points du modèle européen dans les domaines économique, administratif ou législatif. En Turquie par exemple, un investisseur peut lancer un nouveau business en un temps très court. Je pense que les solutions doivent s’inspirer d’autres modèles de par le monde.

Notre Parti a terminé d’élaborer la loi des sokuks, c’est-à-dire un produit de finance islamique qui garantit un emprunt à taux d’intérêt variable. Ce genre d’emprunt est très répandu dans les pays du Golfe et a récemment été repris par certaines banques européennes. Ce genre de financement sera très demandé, car plus de 80 % de la population souhaite l’application de la charia islamique. Ce genre d’emprunt peut remplacer les actuels bons du Trésor et attirer plus de 5 milliards de dollars d’investissement en provenance du Golfe, selon les estimations de 5 banques d’investissement égyptiennes. Ce genre de financement pourrait également être une alternative aux aides du FMI.

Comment évaluez-vous le projet d’Al-Nahda du Parti Liberté et justice, et quelle est la vision d’Al-Nour pour une nouvelle Egypte ?

— Le projet d’Al-Nahda, comme tous les autres projets présentés lors des élections présidentielles, n’est qu’un projet qui vise à séduire autant d’électeurs que possible. Petit à petit, ce projet semble tomber dans l’oubli.

Le projet de notre parti est un projet de développement qui s’étale jusqu’en 2050. Il consiste, entre autres, à fonder plus de 10 nouvelles villes spécialisées chacune dans un domaine différent. Ces villes seront distribuées sur l’ensemble des gouvernorats. Par exemple, si on cherche à créer un village à la fois touristique et religieux, il faut penser à la montagne Al-Tor à proximité de Sainte-Catherine, afin d’exploiter la sainteté de cette région qui a vu passer plusieurs prophètes.

Le projet visera aussi l’éducation et le développement des plus jeunes. La jeunesse sera installée dans une ville spécialisée dans l’éducation. Et après une vingtaine d’années, ces jeunes seront prêts à prendre un travail à proximité du lieu où ils ont été instruits. De cette manière, Le Caire sera libéré d’une grande partie de ses citoyens, ce qui nous donnera la chance de le moderniser.

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