Pain, liberté et justice sociale, des revendications dont on attend la concrétisation dans la nouvelle Constitution.
Al-ahram hebdo : Où en est le comité des 50 aujourd’hui ?
Amr ElShobaky : Nous avons achevé un peu plus de 60 articles. Ils ont été votés en première lecture. L’étape suivante consistera à voter les articles controversés. La majorité des deux tiers sera requise pour leur approbation.
— Quels sont ces articles controversés dont vous parlez ?
— Il y a surtout l’article 219 relatif à l’interprétation de la charia. Cet article devait être supprimé, mais le parti salafiste Al-Nour a proposé de l’amender et de l’intégrer à l’article 2. Rien n’a encore été décidé. Il y a aussi l’article relatif au Conseil consultatif (Chambre haute du Parlement) qui est au centre d’une polémique aussi. Certains soutiennent l’idée d’un Parlement à deux Chambres et proposent de convertir le Conseil consultatif en Sénat, formé d’experts, et qui contribuerait à l’élaboration des textes de lois. Mais les partisans de cette idée n’ont pas réussi à nous convaincre de son utilité.
Amr ElShobaky
— Le jugement des civils devant les tribunaux militaires avait été maintenu dans la Constitution de 2012. Sera-t-il également maintenu dans le nouveau texte de la loi fondamentale ?
— Il y a trois courants. Le premier courant propose d’interdire le jugement des civils devant la justice militaire. Le deuxième courant propose le maintien de l’ancien texte sans changement, et c’est la proposition de l’armée qui veut inclure une annexe pour définir les crimes commis contre les forces armées. Quant au troisième courant, qui est majoritaire et qui est, à mon avis, dans l’intérêt de l’armée, il propose d’interdire le jugement des civils devant les tribunaux militaires sauf en cas d’attaque directe contre des installations ou des bâtiments des forces armées. Ceci peut se comprendre dans les cas exceptionnels, comme le terrorisme par exemple.
— L’armée s’oppose à d’autres articles comme celui ayant trait au droit à la connaissance qui régira la libre circulation de l’information ...
— C’est vrai, mais nous avons réussi à faire voter le texte sans l’exception de la sécurité nationale, ce qui constitue un changement par rapport à l’ancien texte. En tout cas, un autre article stipule que « la défense de la sécurité nationale est un devoir ».
— Avez-vous aussi voté l’immunité accordée au ministre de la Défense ?
— Pas encore. L’article a fait l’objet de discussions dans un sous-comité formé de membres de la constituante et de hauts responsables de l’armée. Il ne s’agit pas vraiment d’immunité. Le chef de l’Etat choisira avec le Conseil militaire le ministre de la Défense. On parle d’un article transitoire qui sera en place pendant un ou deux mandats présidentiels.
Le problème est que les chefs de l’armée ont tendance à croire que les Frères musulmans ont comploté contre l’armée et ont voulu faire en sorte que la loyauté de l’armée soit à leur idéologie. Tout le monde craint aujourd’hui l’inconnu et cherche à se protéger. C’est le cas aussi du corps juridique. Une des conséquences amères du pouvoir fasciste des Frères a été de renforcer l’administration au déterminent des instances élues. L’armée dit aujourd’hui ne pas faire confiance à un président élu.
— Visiblement, on se dirige vers un régime semi-présidentiel. Quelles seront les prérogatives du chef de l’Etat ?
— Nous opterons pour un système proche du modèle français. On est dans la phase des propositions et des idées. Le chef de l’Etat sera surtout chargé de la sécurité nationale et des affaires étrangères et donc, nommera les ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères et celui de la Défense sur recommandation du Conseil militaire.
— Et le premier ministre ?
— Il sera désigné par le Parlement, et si celui-ci ne parvient pas à s’entendre sur son nom, le chef de l’Etat le choisira.
— Qu’est-ce qui vous pousse à croire que le texte actuel est meilleur que le précédent ?
— Je crois que ce texte est meilleur. La liberté d’expression sera garantie dans la nouvelle Constitution, la presse gouvernementale sera gérée indépendamment du pouvoir. Les femmes et les jeunes auront pour la première fois des quotas dans les municipalités. La nouvelle Constitution apportera donc plus de droits pour les citoyens. C’est un pas important en avant.
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