La loi immigration porté par la majorité présidentielle et adoptée mardi 19 décembre au soir rassemblant des députés du parti Renaissance, les Républicains et le Rassemblement national fait la une des médias français. Le texte modifié par la droite a obtenu 349 votes « pour » et 189 « contre ».
La première version du texte porté par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, avait été rejetée la semaine dernière sans faire l’objet de débats au sein de l’Assemblée. Cette motion de rejet avait consterné le ministre soulignant qu’il s'agissait d’un projet « pour les français », et appelant les partis à « prendre leurs responsabilités ».
C’est finalement la version durcie par la droite adoptée mardi qui a suscité de nombreuses polémiques. La présidente du parti Rassemblement national, Marine Le Pen s’est félicitée d’une “victoire idéologique”. Éric Ciotti, président du parti des Républicains a quant à lui parlé d’une “victoire historique” après avoir indiqué mardi au micro de France Inter que cette loi traduit selon lui “ce que veulent les français”.
Du côté de l’opposition de gauche et du parti de la majorité présidentielle, les avis divergent. Les députés des partis de gauche ont jugé cette loi “indigne” marquant un changement historique. Boris Vallaud député socialiste a évoqué le début d’une “crise politique comme on n’en a pas connu depuis des années”. Sandrine Rousseau, député écologiste a déploré que l’on prenne l’étranger comme « figure de tous nos maux ». Elle a aussi souligné “une bascule politique historique”.
A noter que 59 députés de la majorité présidentielle se sont refusés de voter ce texte modifié avec 29 voix “contre” et 32 abstentions. Ce refus vient en contestation de l’introduction de dispositions de l’extrême droite. Raphaël Gérard, député Renaissance a indiqué que pour lui, les dispositions de ce texte ont été « savamment détricotées sous la pression de la droite sénatoriale qui a introduit des mesures contraires à mon histoire, à mes valeurs, au combat politique que je mène sans relâche contre l’extrême droite en Charente-Maritime ».
L’adoption de cette loi a marqué une fracture au sein de la majorité présidentielle. Ce virage vers la droite a instauré un climat de tension et des doutes pèsent sur la démission de certains ministres. Plusieurs membres du gouvernement issus de l’aile gauche du parlement avaient menacé de quitter leurs fonctions si le texte était adopté. Parmi eux, le ministre des Transports, Clément Beaune, le ministre du Logement Patrice Vergriete ou encore la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau. Le premier à avoir franchi le pas est Aurélien Roussel, ayant quitté ses fonctions de ministre de la Santé, mercredi 20 décembre. Quant à Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, a affirmé à la suite de l’adoption de la loi qu’elle ne quitterait finalement pas ses fonctions.
Le président de la République française, Emmanuel Macron, invité de l’émission “C à vous” mercredi soir sur France 5 a démenti les allégations supposant que les dispositions de la loi sont de “nature RN”. Selon lui, la loi sur l’immigration est “un bouclier” qui manquait à la France. Cette loi vise “très clairement” à décourager la venue de clandestins, dit Macron.
Indignation des ONG, associations et universités françaises
En dehors du cercle politique, la loi sur l’immigration continue de susciter des débats. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer certaines dispositions de cette loi composée de 92 articles en commençant par les ONG et associations. Dans un communiqué commun, plusieurs organisations de la société civile, ONG et syndicats dont la Ligue des Droits de l’Homme, ont souligné que ce texte est “le projet de loi le plus régressif depuis au moins 40 ans pour les droits et conditions de vie des personnes étrangères, y compris celles présentes depuis longtemps en France”. Najat Vallaud-Belkacem, ex-ministre de l’éducation et présidente de l’association “France terre d’asile” a commenté sur la page de l’association “la majorité s’est compromise en reprenant les propositions de l’extrême droite, faisant preuve d’une grande irresponsabilité dont les personnes étrangères vont payer le prix fort, et par contrecoup les Français aussi”.
Parmi les dispositions de la loi immigration, il est prévu de faire payer une cotisation aux étudiants en provenance de l’étranger dont le montant n’a pas encore été mentionné. Celle-ci sera rendu à l’étudiant lorsqu’il décide de rentrer dans son pays d’origine. Il est aussi demandé aux universités françaises accueillant des étudiants étrangers d’instaurer des quotas pluriannuels pour fixer le nombre d’étudiants. Et enfin, une majoration des frais de scolarité est aussi prévue pour les étudiants étrangers. Face à la consternation de plusieurs organisations et universités françaises, la première ministre Elisabeth Borne a aussitôt réagi sur France Inter rappelant que certains étudiants étrangers pouvaient être souscrits à ces mesures après étude de leurs cas par le ministère de l’Education.
De grandes universités françaises dont HEC, Essec ou encore Sciences Po ont dénoncé successivement cette loi. Sur le compte X de France universités, les universités ont déploré l’adoption de ces mesures restrictives pour les étudiants étrangers, “La France compte 300 000 étudiants internationaux, dont 25 000 doctorants internationaux, soit ⅓ des doctorants. Ils sont importants pour le développement scientifique de notre pays”. Le communiqué juge cette loi comme une atteinte à l’attractivité de la France “la loi immigration va freiner l’attractivité de la France et compliquer les relations diplomatiques de notre pays”.
Depuis l’adoption de la loi, l’exécutif est sur la défensive. Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a souligné que ce texte “ne nous déshonore pas”. Le président de la République, Emmanuel Macron a affirmé mercredi soir sur France 5, que ce texte est le fruit d’un “compromis” mais qu’il ne remet pas en cause “les valeurs qu’il porte”. Néanmoins, il a avoué qu’il n’adhère pas complètement à toutes les mesures en prenant pour exemple les nouvelles mesures imposées aux étudiants étrangers. La caution demandée aux étudiants étrangers “n’est pas une bonne idée” selon lui. Il a ajouté, “je pense qu'on a besoin de continuer à attirer des talents et des étudiants du monde entier, je pense que c'est une force de la France, ça fait partie de notre model, dire que c'est parce que vous êtes étrangers vous devez payer une caution, ce n’est pas le bon message". Selon lui, “pour éviter que le RN arrive au pouvoir, il faut traiter les problèmes qui les nourrissent”.
De son côté, la Première ministre, Elisabeth Borne, s'est exprimée au lendemain de l’adoption du texte sur France Inter, au sujet de doutes concernant certaines dispositions. Elle reconnaît que certaines mesures pourraient être anticonstitutionnelles notamment celles sur les aides, le regroupement familial ou encore la caution étudiants étrangers. Plus tard dans la journée, Emmanuel Macron a saisi le Conseil Constitutionnel, garant de la primauté de la constitution française et des droits de l’Homme pour statuer sur ce texte qui n’a pas fini de susciter des controverses.
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