Palestinians walk near makeshift tents at a camp set up on a schoolyard in Rafah in the southern Gaza Strip where most civilians have taken refuge, on December 13, 2023, as battles continue between Israel and the Palestinian militant group Hamas. Photo : AFP
Contraint à l'exode par les bombardements puis l'incursion au sol de l'armée israélienne, Mohammed al-Mahdun, 36 ans, cherche un appartement à Rafah, dans l'extrême sud de la bande de Gaza, aux confins du territoire palestinien, à la frontière avec l'Egypte.
Pour ses deux jeunes enfants et 11 membres de sa famille élargie, il se dit prêt à dépenser 1.000 dollars par mois contre un toit, une petite fortune pour les habitants de Gaza. Mais il n'y a rien à louer.
"Nous ne cherchons rien d'extraordinaire", déclare-t-il, dépité, à l'AFP, précisant que même son budget confortable ne l'aide pas.
Lui et les siens ont fui la ville de Gaza où leur maison a été touchée par une frappe israélienne. Faute de carburant, ils ont dû abandonner leur voiture et se sont lancés sur les routes sans rien emporter.
Mohammed al-Mahdun est tout de même parvenu à dénicher des vêtements d'hiver, pour trois fois le prix normal.
"Nous sommes arrivés ici au bout d'un voyage de souffrance et d'humiliation indescriptible, impossible à oublier. Tout l'argent du monde ne peut compenser ce que nous avons vécu", soupire-t-il.
"Je me sens impuissant lorsque mon fils me demande quelque chose. Il réclame du chocolat et des chips et je paierais une fortune pour lui faire plaisir. Seulement, il n'y a rien."
L'argent n'y change rien
Les habitants de Gaza ont fui le sud par dizaines de milliers, en voiture, en camion, sur des charrettes brinquebalantes tirées par des chevaux, et même souvent à pied. Jusqu'à Rafah, devenue un vaste camp de tentes et d'abris de fortune bricolés au moyen de planchettes de bois et de bâches.
La guerre a commencé avec l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre qui a fait 1.200 morts, déclenchant une offensive israélienne aérienne et terrestre qui a laissé Gaza en ruines et tué plus de 18.400 personnes, selon le ministère de la santé dirigé par le Hamas.
D'après le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), les Gazaouis ont été précipités en quelques semaines dans des "conditions catastrophiques". Il faut patienter des heures durant dans les centres de distribution d'aide pour obtenir de maigres réserves d'eau, de nourriture et de médicaments.
Cependant que les maladies se répandent dans la misère, aggravée par les pluies et les inondations. Et l'argent n'y change rien.
Abou Khaled, 47 ans, vit nuit et jour avec sa mère, sa femme et ses enfants dans leur 4X4 rutilant. "Nous dormons dans la voiture", explique-t-il à l'AFP. "Nous l'avons garée à côté de l'hôpital pour qu'il soit plus facile d'aller aux toilettes".
Il rit amèrement: "Nous vivions dans une villa avec piscine. Maintenant, on est dans la rue".
Dessous de table
Samar Mohammed, une enseignante de 38 ans, s'est réfugiée chez un ami à Rafah avec son mari et ses enfants, abandonnant leur appartement de 200 m2 dans la ville de Gaza.
"Ma voiture est à l'arrêt, garée sur la route depuis plus d'un mois, à cause du manque de carburant", se lamente la fonctionnaire. "Nous avons de l'argent, Dieu merci, mais il n'y a rien sur le marché".
Son mari tente par tous les moyens de faire sortir la famille de Gaza, mais l'Égypte bloque, car elle craint un afflux de réfugiés qui pourraient ne jamais être autorisés à revenir.
On leur a dit qu'il était possible de franchir la frontière, à condition de payer des milliers de dollars en dessous de table.
"Nous sommes prêts à payer, mais nous n'avons trouvé personne en qui nous ayons suffisamment confiance", déplore-t-elle.
Désormais, de nombreuses familles aisées vivent également dans des tentes.
"L'argent est devenu un simple bout de papier sans aucune valeur. Même si vous aviez un million de shekels, vous ne pourriez pas protéger votre famille", constate Samar Mohammed. "Les riches et les pauvres vivent les uns à côté des autres dans des tentes, ils mangent et boivent la même chose, et personne n'est en sécurité".
Lien court: