Une quinzaine de petites embarcations sont alignées le long du quai. Un espace qui sert d’aire de stationnement aux périssoires du Club de kayak à Aboul-Feda, à Zamalek, qui offre des balades sur le Nil. Un kayak est une embarcation étroite qui se manoeuvre avec une pagaie double. Le mot « kayak » vient du mot « qajaq » qui est groenlandais. « Mon partenaire et moi avons assisté à un marathon kayak qui s’est déroulé au Liban. Alors, l’idée nous est venue de lancer ce sport de nature en Egypte. Et nous avons commencé avec deux kayaks », affirme Abdallah Saad, propriétaire du Club de kayak à Zamalek. Un beau soleil illumine les locaux et une brise douce caresse la surface de l’eau. Une belle journée pour faire du kayak. Vers 17h, les amateurs de cette activité physique de loisir ou sportive commencent à arriver, ainsi que ceux qui débutent en kayak. En attendant que le mercure du thermomètre baisse, des instructions sont données verbalement pour ceux qui désirent faire un baptême de kayak.
Avec calme et sérieux, Mohamad Khaled, entraîneur et titulaire de plusieurs certificats de sauvetage, explique à un groupe de jeunes femmes ce qu’il faut connaître avant de faire du kayak et ce qu’il faut éviter. « Lorsque je donne des instructions, il faut les prendre au sérieux et les suivre. Tout le monde doit respecter les normes de sécurité pour que tout se déroule sans incident et que chacun profite d’une balade agréable et sans risque à bord du kayak », affirme Khaled.
Les kayakistes ont déjà endossé leurs gilets de sauvetage, mais l’entraîneur continue d’expliquer, de donner des conseils, de montrer la bonne posture à prendre en kayak, comment tenir et utiliser la pagaie double pour faire avancer l’embarcation ou faire marche arrière. « Si je veux dévier vers la droite, je dois lever la partie droite de la rame vers le haut et je pagaie avec la partie gauche et vice-versa », explique Khaled. Les yeux brillent et des sourires se dessinent sur les visages des jeunes femmes. Elles se pressent pour retirer leurs chaussures et enfilent des chaussons néoprène. Evidemment, elles n’ont pas oublié de ramener des vêtements de rechange car le kayak est auto-videur (le kayak est conçu pour laisser passer le surplus de l’eau). « Il y a des normes à respecter et prescrites par la Fédération de canoë-kayak, dont celle de ne pas permettre aux personnes en situation d’obésité (plus de 120 kg) et aux enfants de moins de 10 ans de faire du kayak pour garder la ligne de flottaison qui est la limite où arrive l’eau sur la coque entre la partie immergée et la partie émergée », précise Abdallah Saad.
Suivre les instructions de l’entraîneur est très important avant de faire du kayak. (Photo : Mohamad Adel)
Un hobby à prendre au sérieux
Lorsque les amateurs sont des adolescents, les entraîneurs leur expliquent qu’il ne faut ni plaisanter avec un kayak ni s’agiter en se poussant, et ce, pour maintenir la stabilité de l’embarcation durant toute la balade. Si le groupe ne dépasse pas les cinq personnes, un seul entraîneur les accompagne, et au cas où le nombre des kayakistes serait plus important, on les partage en deux groupes et deux entraîneurs sont présents pour les encadrer, l’un à l’avant et le second à l’arrière. Khaled, qui accompagne un groupe de quatre filles, se trouve à l’arrière. « Les filles sont souvent plus craintives. Mais il y a des exceptions à la règle. Certaines kayakistes qui sont positionnées au premier rang sont intrépides et ont le goût de l’aventure », explique Khaled qui ne cesse de jeter un coup d’oeil derrière lui pour s’assurer qu’il n’y a pas de petits bateaux à moteur qui traversent le Nil. La balade sur le Nil commence en naviguant contre le vent et se termine par un retour avec le vent portant. Ainsi, les kayakistes n’ont plus besoin de déployer de grands efforts pour le retour, puisque le vent pousse les kayaks en direction du débarcadère. Arrivées au bout de la balade en kayak, les filles débutantes ressentent alors des douleurs aux épaules et aux poignets. « Au début, j’étais un peu effrayée. Mais j’ai trouvé cette balade très agréable. Le fait d’avoir une activité sportive qui sollicite les membres supérieurs du corps est bien plus bénéfique que de s’attabler dans les cafés, avoir les yeux fixés sur un portable ou faire du lèche-vitrines », dit Mariam, 22 ans. Elle et ses amies ont décidé de revenir au Club de kayak, mais avant ça, elles doivent faire des exercices de musculation à la salle de sport pour avoir de la force dans les bras et ne pas se fatiguer rapidement.
Les amateurs doivent avoir des vêtements de rechange car le kayak est auto-videur. (Photo : Mohamad Adel)
Une majorité de filles
En effet, le nombre d’amateurs de kayak a augmenté par rapport à l’année dernière. D’ici la fin de l’année courante, il pourrait atteindre les 20 000. Abdallah dit que près de 75 % des participants sont des filles. Certains kayakistes qui fréquentent régulièrement le club demandent à faire du kayak sans la présence d’un entraîneur, mais Abdallah refuse en expliquant que le kayak réserve de mauvaises surprises et qu’il faut être toujours accompagné d’un entraîneur. « Il nous arrive de faire face à des incidents sérieux. Des kayakistes ont dû par exemple sauver un jeune qui avait fait une tentative de suicide », raconte Abdallah, en ajoutant que l’incident s’est bien terminé. Raison pour laquelle la présence de l’entraîneur n’est pas un choix, c’est même obligatoire, car il est capable de gérer différentes situations.
Mais le club se montre parfois flexible avec certains. L’un des kayakistes est écrivain, il a décidé de prendre un kayak, seul, et s’éloigner, puis il a arrêté de ramer, restant à la même place, inactif, durant une heure. Installé en plein milieu du Nil, il compte se ressourcer ou s’inspirer avant de se lancer dans l’écriture.
Lien court: