L’Egypte discute d’un système de troc avec l’Inde qui lui permettrait d’importer du blé en échange d’engrais. (Photo : Reuters)
Pour surmonter la pénurie de dollars, l’Egypte est en discussion avec ses principaux partenaires commerciaux en vue de mettre en place un système de troc dans ses échanges commerciaux et de régler ces échanges en monnaies nationales. Le troc consiste à échanger un bien ou un service contre un autre sans payer la valeur de la transaction en billet vert. C’était l’objectif des discussions qui avaient eu lieu la semaine dernière entre le ministre des Finances, Mohamed Maait, et l’ambassadeur indien au Caire, S.E. M. Ajit Gupte. « Les deux parties ont discuté des moyens d’encourager l’utilisation des monnaies nationales pour régler les paiements entre les deux pays et pour faire bénéficier les entreprises indiennes des avantages offerts par l’Egypte au secteur privé. Le but étant d’élargir leur participation à l’activité économique », indique le communiqué de presse publié par le ministère des Finances le 14 novembre.
Les discussions avec l’Inde interviennent un mois après la conclusion d’un accord, le 2 octobre, entre l’Egypte et les Emirats Arabes Unis (EAU) consistant à régler les échanges en monnaies nationales (voir encadré). D’autres discussions ont eu lieu également avec la Turquie, la Chine, la Russie et le Kenya afin d’introduire le système de troc dans les échanges commerciaux et de régler ces derniers en monnaies nationales, en cas d’écart entre la valeur des exportations et des importations.
Le rapport mensuel de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) a indiqué que ces pays font partie de la liste des 10 premiers partenaires principaux de l’Egypte en termes de volume de commerce pendant l’année financière 2021-2022. La Chine vient en 1re position avec 11,1 milliards de dollars, les EAU occupent la 4e place avec 9,4 milliards de dollars, suivis de la Turquie (6,7 milliards de dollars). Quant à l’Inde, elle occupe la 9e place avec 4,8 milliards de dollars. « Grâce à l’application du système de troc, l’Egypte sera capable d’importer et d’exporter à ses partenaires des biens et des services sans avoir besoin de billet vert et par conséquent, elle va éviter les problèmes de fluctuation des taux de change et les pressions sur le dollar », explique à l’Hebdo Mohamed El Bahey, membre du conseil d’administration de l’Union des industries égyptiennes. Il est parmi les premiers à appeler depuis longtemps le gouvernement à appliquer ce système pour alléger les pressions sur le dollar. Il a expliqué que les pourparlers en la matière se déroulent dans une 1re phase entre les Banques Centrales concernées pour déterminer le prix de change des monnaies nationales en fonction de certains critères tels que le Produit Intérieur Brut (PIB) et le volume du commerce bilatéral. « Pendant une 2e phase, le ministère du Commerce et de l’Industrie va déterminer la liste des marchandises à échanger », note-t-il, en ajoutant que l’Egypte a utilisé le système de troc à parts égales à l’époque de l’Union soviétique, alors qu’elle exportait des agrumes et importait des équipements et des machines, dans le but de réduire la pression sur les devises étrangères.
La liste des marchandises envisagées entre l’Egypte et les cinq pays mentionnés comprend l’exportation d’engrais et l’importation de blé, notamment avec l’Inde. Selon la BCE, les exportations d’engrais ont atteint 2,06 milliards de dollars en 2021-2022, alors que les importations de blé ont atteint 2,4 milliards de dollars. Quant au Kenya, 1er exportateur de thé noir au niveau mondial, l’Egypte va importer de ce pays du thé, dont la valeur était de 235 millions de dollars en 2021-2022, en échange de produits égyptiens.
El Bahey pointe du doigt le retard gouvernemental quant à la conclusion de ce type d’accord important. « Il faut accélérer le processus pour ne pas rater des chances dans le domaine du commerce et de l’investissement. Les EAU ont signé un accord avec nous il y a un mois et jusqu’à présent aucune transaction commerciale n’a été convenue », assure-t-il.
Des responsables aux ministères des Finances et du Commerce et de l’Industrie ont assuré à l’Hebdo que les pourparlers avec l’Inde, la Turquie, la Chine et le Kenya sont encore dans la 1re phase entre les Banques Centrales. « Les discussions prennent plusieurs mois pour se transformer en accords, d’autant plus que de telles questions nécessitent des accords et des procédures déterminés par les Banques Centrales. Mais une partie d’entre eux serait conclue à la mi-2024 », a déclaré le président du service commercial au sein du ministère du Commerce et de l’Industrie, Yehia Al-Watheq Bellah, à la chaîne Al-Arabiya, le 15 novembre. « Nous sommes pressés d’achever les échanges commerciaux en monnaies locales avec l’Inde et la Turquie en particulier, notamment avec la convergence des taux d’exportation et d’importation. Mais la position de la Chine nécessite une étude plus approfondie, en raison de l’écart dans la balance commerciale entre les deux pays », renchérit-il. Le dernier rapport de la BCE a indiqué ce grand écart : alors que la valeur des exportations de l’Egypte à la Chine est de 1,3 milliard de dollars en 2021-2022, les importations ont atteint 9,7 milliards de dollars.
Echange monétaire entre l’Egypte et les EAU
La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a signé, le 2 octobre, avec la Banque Centrale des Emirats Arabes Unis (EAU) un accord d’échange entre la livre égyptienne et le dirham émirati. L’accord prévoit un échange de monnaies locales d’une valeur nominale pouvant atteindre 5 milliards de dirhams et 42 milliards de livres.
Les EAU ont estimé que l’accord contribuerait à réaliser des intérêts communs et qu’il aurait un impact positif sur les secteurs commercial, d’investissement et financier et renforcerait la stabilité financière au sein des deux pays.
Selon le site Mubasher, la BCE s’efforcera d’améliorer les échanges commerciaux avec les EAU, les décrivant comme la pierre angulaire de la coopération financière entre les deux pays en monnaies locales. Les données officielles montrent que parmi les produits les plus importants exportés par l’Egypte aux EAU au cours de l’année écoulée figurent les perles, les pierres précieuses et les bijoux, qui étaient d’une valeur de 841 millions de dollars. L’Egypte a également exporté des machines et des appareils électriques d’une valeur de 242 millions de dollars, des vêtements (184 millions), des fruits (93 millions) et des légumes et plantes (69 millions). Parmi les produits les plus importants importés par l’Egypte des EAU au cours de l’année dernière figurent le carburant, les huiles minérales et leurs produits de distillation pour un montant de 810 millions de dollars, ainsi que des plastiques et leurs produits d’une valeur de 583 millions de dollars.
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