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Un gouvernement qui se fait attendre

Maha Salem, Mardi, 09 octobre 2012

Le Parlement a refusé les deux propositions de gouvernement du premier ministre élu Moustapha Abou Chagour, poussant ce dernier à la démission. Un nouveau chef de gouvernement devrait être désigné d’ici quelques jours.

Sous forte pression, le premier ministre libyen élu, Moustapha Abou Chagour, a démissionné de ses fonctions lundi. Décision prise pour calmer les manifestants et l’opposition, surtout après le rejet à deux reprises par l’Assemblée nationale de ses propositions pour former un nouveau cabinet. Sévèrement critiquée, sa première proposition a été rejetée en bloc par les députés en raison de l’absence de représentants de l’Alliance des Forces Nationales (AFN), première force parlementaire, et de la présence supposée de plusieurs personnalités affilées aux Frères musulmans.

Quant à la deuxième liste, elle était bien plus courte que la première et ne comptait que 10 ministres, dont ceux de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice. Elle proposait à la Défense un ancien chef militaire de Benghazi, berceau de la révolution de 2011 contre Mouammar Kadhafi, mais ne donnait aucun nom pour l’important ministère du Pétrole. A cet égard, 125 membres du Parlement (Conseil d’Assemblée générale nationale CGN) ont refusé d’accorder leur confiance à cette deuxième liste contre 44 voix favorables et 17 abstentions. Selon le règlement intérieur du Parlement, celui-ci doit élire ou désigner un nouveau chef de gouvernement après deux rejets de propositions de gouvernement successifs en privilégiant la compétence à d’autres considérations géographiques ou politiques. « Face aux dangers qui menacent le pays, je vous présente un gouvernement de crise, restreint à 10 ministères, rejetant toutes considérations géographiques », a déclaré M. Abou Chagour, devant les 186 membres présents (sur 200) du CGN.

Une fois sa deuxième proposition rejetée, Abou Chagour a critiqué les membres du congrès et les blocs politiques représentés au sein de l’Assemblée. « Le premier gouvernement n’était pas parfait. Et nous aurions pu le discuter et le remanier », a affirmé Abou Chagour, en ajoutant que les demandes des membres du CGN étaient irréalistes, certains exigeaient un portefeuille bien précis pour leur région, l’un des blocs politiques a demandé 11 portefeuilles et un autre en a exigé 9. « Je n’abandonnerai pas mes principes et mes convictions », a déclaré Abou Chagour, en faisant état de chantage de la part des membres du CGN et des blocs politiques. « Les partis politiques ont décidé de me retirer la confiance », avait-il déclaré, en allusion à des rumeurs sur un accord entre les deux principaux partis représentés au CGN, les deux rivaux : l’AFN (premier bloc parlementaire) de Mahmoud Jibril, qui a refusé de participer au gouvernement après l’échec des négociations, et le Parti Justice et construction issu des Frères musulmans. Les deux partis seraient d’accord pour former un gouvernement d’union, avec à sa tête une personnalité indépendante. Rumeurs confirmées par Hamuda Syala, porte-parole de l’AFN de l’ancien premier ministre, Mohamed Djibril, l’une des figures de la révolution contre Mouammar Kadhafi. Il a déclaré que l’AFN était en négociation avec le bras politique des Frères musulmans, le Parti Justice et développement, pour trouver le « dirigeant représentatif du choix de la Libye ».

Déjà, les membres du CGN discutaient de la procédure à suivre pour choisir un nouveau chef de gouvernement. En attendant, ils ont annoncé leur intention de renouveler leur confiance dans le gouvernement de transition sortant de Abdel-Rahim Al-Kib. Selon le CGN, M. Abou Chagour a tenté dimanche sa dernière chance, après le rejet jeudi d’une première proposition. En effet, le CGN, plus haute institution politique du pays, avait rejeté la première proposition de M. Abou Chagour, sans prendre la peine de voter sur les ministres un par un, comme prévu par le règlement intérieur. Plusieurs membres du CGN avaient même appelé à retirer la confiance au premier ministre sans lui donner une deuxième chance, comme le stipule la Déclaration constitutionnelle qui régit la période transitoire depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en octobre 2011.

Le premier ministre était confronté à la difficile tâche de former un gouvernement représentatif des régions et des diverses tendances, dans un pays qui fait face à de grands défis de sécurité et dont le nouveau pouvoir n’arrive pas à asseoir son autorité devant la multiplication des milices armées.

Pour soutenir le CGN, plus de 100 manifestants ont pénétré au siège du CGN, en plein débat sur le gouvernement, pour dénoncer l’absence d’un représentant de leur région dans la première liste de l’équipe gouvernementale et pour réclamer le départ de M. Abou Chagour, un technocrate de 61 ans. Déjà, les habitants de l’est et du sud se plaignent d’avoir été suffisamment marginalisés durant les 42 ans de pouvoir du colonel Kadhafi alors que des groupes rebelles se sont soulevés dans l’ensemble des régions durant les 8 mois de révolution. Elu premier ministre par le CGN le 12 septembre avec deux voix d’avance sur le chef de l’alliance des libéraux, Mahmoud Jibril, M. Abou Chagour avait alors promis un gouvernement de consensus et dit avoir négocié avec toutes les parties et fait appel à des personnes « hautement qualifiées ». Un gouvernement d’union nécessiterait le soutien de l’AFN de M. Jibril, qui a refusé de participer au gouvernement après l’échec des négociations, ainsi que celui du Parti Justice et construction issu des Frères musulmans. Selon le plan de la transition, le nouveau gouvernement aura un mandat d’un an jusqu’à la tenue de la nouvelle élection sur la base d’une nouvelle Constitution, dont la rédaction se fait attendre.

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