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Sombres perspectives socio-économiques

Amira Samir , Jeudi, 16 novembre 2023

Le « choc » socio-économique de la guerre entre le Hamas et Israël plonge des centaines de milliers de Palestiniens dans la pauvreté et nuit gravement à l’économie de la bande de Gaza, prévient un rapport du Programme de l’Onu pour le développement.

Sombres perspectives socio-économiques

A la crise humanitaire dans la bande de Gaza s’ajoute une crise de développement. Après un mois de guerre, le PIB palestinien devrait avoir chuté de 4,2 % par rapport aux estimations d’avant-guerre, soit une perte d’environ 857 millions de dollars. Si la guerre dure un deuxième mois, ce chiffre s’élèverait à 1,7 milliard de dollars, soit une perte d’environ 8,4 % du PIB.

« La guerre à Gaza a causé des dégâts sans précédent à l’économie et aux infrastructures civiles, tout en annulant des années de progrès, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation », selon le rapport publié le 9 novembre par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD). Cette évaluation rapide, effectuée conjointement avec la Commission Economique et Sociale pour l’Asie Occidentale (CESAO), dresse un tableau désastreux de la situation économique dans l’enclave palestinienne. Cette évaluation tente également de mesurer quels pourraient être les effets à long terme de la guerre sur la qualité de vie et l’économie des Palestiniens.

Les combats ont anéanti 90 à 100 % du PIB annuel de Gaza en seulement un mois. Et si la guerre continue jusqu’à la fin de l’année, 19 années de progrès en matière de niveau de vie — mesuré par l’indice de développement humain du PNUD — seront perdues. Gaza a vu 45 % de son parc immobilier détruit en un mois. Il a fallu quatre années de guerre en Syrie pour atteindre un tel niveau de dégâts dans les habitations. Les habitants de Gaza seront sans abri pendant des années. Pour rappel, lors du conflit de 2021 à Gaza, après un an, seules 200 des 1 700 maisons détruites avaient été reconstruites. Du côté de l’éducation, plus de 40 % des établissements d’enseignement ont été détruits ou touchés. Ce qui veut dire que toute une génération d’enfants ne pourra pas poursuivre ses études.

Après un mois de combats, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté à Gaza et en Cisjordanie a augmenté de près de 20 %, selon le rapport du PNUD. Si la guerre dure un deuxième mois, l’augmentation totale de la population pauvre atteindrait 34 %, soit 500 000 personnes.

Le conflit a effacé 61 % des emplois à Gaza et 24 % des emplois en Cisjordanie, prévient le rapport. Près de 1,5 million de personnes à Gaza ont été déplacées depuis le début des combats, selon l’Office de secours et de travaux des Nations-Unies, tandis que le blocus israélien du carburant, combiné à de sévères restrictions sur les livraisons de nourriture, d’eau et de médicaments, a déclenché une crise humanitaire.

Les dégâts économiques sont également graves en Cisjordanie, où l’agriculture, le tourisme et les salaires sont mis à mal. « Si la guerre continue pendant trois mois, 12 % de l’économie de l’ensemble du territoire palestinien disparaîtront », indique le rapport.

Si le conflit se poursuit pendant un deuxième mois, la situation deviendra plus désespérée. Le développement humain sera probablement retardé de 16 ou 19 ans. Les niveaux de pauvreté et de pertes de PIB augmenteront. La pauvreté à Gaza était déjà grave avant l’opération israélienne — avec 61 % de la population considérée en dessous du seuil de pauvreté en 2020, selon la Banque mondiale. « Les gens n’ont nulle part où vivre. Ils n’ont pas de travail. Ils n’ont aucun revenu. Leurs enfants ne vont pas à l’école. Les répercussions de cette destruction se feront sentir dans de nombreuses années à venir, et c’est pourquoi il est si important de comprendre qu’en plus de la crise humanitaire actuelle, il s’agit d’une question de survie. Plus de 2,5 millions d’habitants sont essentiellement piégés à l’intérieur de Gaza », explique Qamar Mohamad, experte en économie régionale.

Une économie sans souveraineté

L’économie palestinienne est une économie « sans souveraineté » dans le sens où l’autorité locale ne peut pas la contrôler. En effet, la Palestine dépend entièrement de l’économie israélienne pour les infrastructures de l’eau, de l’électricité, du gaz et du carburant ... L’économie palestinienne est essentiellement basée sur l’agriculture. « La plupart des exportations de la Palestine vers le monde sont des produits agricoles. L’économie palestinienne est donc semi-fermée parce que la grande partie de son commerce avec le monde est avec Israël, qu’il s’agisse d’importations ou d’exportations. Selon les statistiques de l’Organisation mondiale du commerce de l’année 2021, 53 % des importations de la Palestine en provenance du monde proviennent d’Israël et 86 % de ses exportations vers le monde vont à Israël seulement », indique Mohamad.

Un quart des Palestiniens, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie, souffrent du chômage, mais la plus grande proportion des sans-emploi se trouve à Gaza. Selon la FAO, le taux de chômage a atteint 49 % de la population de Gaza, mais certaines estimations avancent le chiffre de 67 %. Selon Mohamad, les mesures prises par Israël depuis le 9 octobre ont eu un impact significatif sur l’économie palestinienne, notamment l’annulation des permis de travail de plus de 18 000 Palestiniens de la bande de Gaza qui travaillaient en Israël, en particulier à Tel-Aviv. Selon certaines estimations, cette décision a porté le taux de chômage à Gaza à 60 %. La mort de 11 000 Palestiniens signifie également une diminution de la main-d’oeuvre dans la bande de Gaza, ce qui réduira la production, augmentera les charges familiales et poussera un grand nombre de familles à demander l’aide de l’Autorité palestinienne.

Depuis qu’Israël a annoncé son intention de déplacer la population du nord de Gaza vers le sud de l’enclave, environ deux tiers de la population se sont déplacés, ce qui signifie une pression croissante sur les infrastructures et les services du sud, à un moment où l’économie palestinienne souffre d’une paralysie complète en raison des bombardements israéliens qui ont détruit les terres agricoles et affecté le commerce de la Palestine avec Israël et le monde.

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