La guerre d’Israël contre Gaza et la cadence effrénée des événements engendrent une explosion de « fake news ». Les récits sélectifs de propagande, accompagnés de la diffusion virale de vidéos et d’images trompeuses, brouillent la ligne entre vérité et mensonge. Certaines informations sont présentées comme fraîches alors qu’elles sont vieilles, et vice-versa comme ces images de tunnels palestiniens qu’Israël et ses alliés prétendent être datées de 2014.
Dans ce tumulte, les réseaux sociaux et les médias les plus renommés s’engagent dans un jeu d’influence, chacun défendant sa propre rhétorique et son agenda, créant ainsi une atmosphère où même les citoyens, rivés à leurs écrans, peinent à garder une perspective objective. Désormais, la guerre se joue en temps réel, et la bataille médiatique semble rivaliser en importance avec celle sur le terrain. La neutralisation de la presse ennemie est devenue une cible militaire à part entière.
Ce pouvoir médiatique explique pourquoi Israël a pris des mesures drastiques en isolant Gaza du reste du monde, en coupant tous les moyens de communication, qu’il s’agisse du téléphone ou de l’Internet. Dans cette mêlée d’informations, trier le vrai du faux est une tâche cruciale. La vérification de l’information et des tactiques propagandistes est un art, accessible à tous.
Démasquer les acteurs
Malcolm X, militant des droits civiques et leader des droits des Noirs américains, disait : « Si vous ne faites pas attention, les médias vous feront détester les opprimés et aimer les oppresseurs ». Et dans ce théâtre de guerre moderne, le discernement est le bouclier.
1. Le contexte est essentiel : Comprenez les acteurs-clés, le contexte historique et géopolitique du conflit est crucial. Cette connaissance peut vous aider à évaluer les revendications et les actions des différents acteurs. Soyez attentifs aux conséquences à long terme et aux causes profondes du conflit, pas seulement aux événements immédiats.
Dans le cas de Gaza, la question de l’occupation est cruciale. Il est important de comprendre les antécédents du conflit, tels que la création d’Israël en 1948, la situation en Cisjordanie et à Jérusalem pour évaluer les revendications des parties impliquées.
2. Pensée critique : Abordez toutes les informations avec un esprit critique. Remettez en question les sources, les motivations et la crédibilité des informations que ce soit un article, un tweet, une vidéo Instagram ou TikTok, ou même un reportage de médias renommés comme CNN, BBC, Libération ou autres. Il est impératif de partir du principe que tout peut potentiellement être une « fake news ».
3. Méfiance envers la propagande : Reconnaissez que toutes les parties impliquées dans un conflit peuvent utiliser la propagande pour défendre leurs intérêts. Analysez les informations présentées en gardant cela à l’esprit. Recherchez des signes subtils ou évidents de propagande, tels que des récits unilatéraux, une manipulation émotionnelle et la diabolisation de l’ennemi.
4. Reconnaître les biais médiatiques : Les médias nationaux et internationaux peuvent être biaisés et avoir des orientations politiques. Par exemple, dans le contexte des médias américains, il existe une polarisation médiatique évidente entre des chaînes telles que CNN et Fox News. En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, certains médias internationaux peuvent être critiqués pour leur parti pris israélien. Un autre exemple pertinent concerne les géants de la technologie tels que Meta (anciennement Facebook) qui a procédé à une censure sélective d’informations relatives aux crimes israéliens. Il est important de diversifier ses sources d’information pour obtenir une vue d’ensemble.
5. La croix-référence : Reposez-vous sur de multiples sources dignes de confiance pour obtenir une image plus précise. Croisez les informations avec plusieurs médias pour obtenir un consensus. Alternez entre agences de presse et chaînes de télévision ou journaux de renommée, et comparez le tout. Si plusieurs médias fiables donnent la même information en citant des sources différentes, elle a de bonnes chances d’être avérée. A l’inverse, face à une information non sourcée, le fait de ne pas en retrouver la mention ailleurs invite à la plus grande prudence.
6. La source : Scrutez les motivations et la crédibilité de la source, la réputation et l’histoire du média, ou même de la personne qui tweete ou qui poste sur Instagram. Scrutez les précédents partages d’informations et ceux qui les suivent, etc. Toutes les sources d’information peuvent avoir un certain degré de biais, qu’il soit politique, culturel ou commercial. Soyez conscients de ces biais lors de l’évaluation de l’information et remontez à la première source dans la mesure du possible.
7. Reportage d’origine : Accordez la priorité aux sources avec des correspondants sur le terrain, les comptes rendus de première main sont plus crédibles.
8. Analyse du langage : Soyez attentifs aux expressions émotionnelles ou sensationnelles qui peuvent indiquer un parti pris.
Le champ de mines des médias sociaux
Les médias sociaux sont un outil puissant en temps de conflit, tant pour la diffusion d’informations que pour la désinformation. Les photos et vidéos partagées par les utilisateurs peuvent être précieuses, mais elles nécessitent une vérification minutieuse.
Protégez votre radar de vérité et utilisez des outils de vérification :
Recherche inversée d’images : Utilisez des plateformes comme Google Recherche Inversée d’Images, TinEye, Yandex et Bing Images pour retrouver la source et les occurrences de publications antérieures.
AI : Des sites comme « AI or Not » permettent de vérifier si l’image a été générée ou modifiée par l’intelligence artificielle. La « Database of Known Fakes » de vera.ai permet de voir de fausses images déjà vérifiées.
Outils d’analyse vidéo : Les logiciels spécialisés d’analyse vidéo peuvent révéler les manipulations et les « deepfakes ». Amnesty International a créé son propre outil : « YouTube Data Viewer » (citizenevidence.amnestyusa.org), qui est un outil simple permettant d’extraire des données cachées à partir de vidéos hébergées sur YouTube. Il permet d’extraire les variables suivantes qui sont particulièrement utiles pour retracer le contenu d’origine :
L’heure de téléchargement exacte, utile pour déterminer la vidéo d’origine lorsqu’on est confronté à plusieurs copies de la même vidéo datant du même jour, et pour déterminer, dans certains cas, la date réelle de téléchargement (qui peut différer de l’horodatage public).
Toutes les miniatures utiles pour trouver des versions antérieures à la même vidéo en effectuant une recherche d’image inversée.
Sites de vérification des faits : Accédez à des sources spécialisées telles que Snopes, PolitiFact et FactCheck.org pour des vérifications détaillées des faits et la validation des sources. Ces sites sont précieux pour débunker la désinformation virale.
Géolocalisation : Analysez les photos et les vidéos à la recherche d’indices de localisation tels que des repères et des panneaux de rue pour vérifier leur authenticité. De nombreux outils, payants ou gratuits, existent pour géolocaliser les messages publiés sur les réseaux, comme Geoconfirmed, Yomapic App, Echosec, Gramfeed et Geofeedia. On peut aussi se servir du moteur de recherche avancé de Twitter (https://twitter.com/search-advanced?lang=fr).
Inspection des métadonnées : Recherchez les métadonnées dans les photos et vidéos, y compris la date et la localisation. L’analyse des métadonnées confirme la date, le lieu et les données Exif contenues dans les fichiers photos. Lorsqu’une caméra ou un smartphone prend une photo, il intègre automatiquement des données « cachées » dans le fichier qu’il produit et peut contenir la date et la marque de l’appareil utilisé. Sur PC, un clic droit sur la photo (puis propriétés > avancées) permet d’accéder à ces informations.
Un outil comme le Jeffrey’s Exif viewer peut aussi vous simplifier la tâche en extrayant ces données.
Google Maps et Google Earth peuvent être utilisés pour des enquêtes bien plus poussées. Le groupe d’internautes Bellingcat, par exemple, mène régulièrement ce type d’enquête et appelle même les internautes à y participer.
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