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La solution à deux Etats, unique mais chimérique

Abir Taleb , Mercredi, 01 novembre 2023

La solution à deux Etats est revenue sur le devant de la scène Mais alors que tout le monde s’accorde sur la nécessité d’ouvrir cette perspective politique, cette solution paraît aussi indispensable qu’irréalisable.

La solution à deux Etats, unique mais chimérique

Tout n’a pas commencé le 7 octobre. Entre les Palestiniens et les Israéliens, c’est une histoire vieille de 75 ans, qui remonte à 1948, année de la création de l’Etat d’Israël, année de la « Nakba », la catastrophe qui a poussé plus de 700 000 Palestiniens à l’exil forcé. Depuis, cette histoire a connu bien des péripéties. Des guerres israélo-arabes à la résistance armée, à la reconnaissance mutuelle et aux accords d’Oslo. Puis à l’échec du processus de paix et au quasi-renoncement à la solution à deux Etats après que le processus de paix eut été jeté aux oubliettes par ses propres parrains.

Depuis l’offensive israélienne contre la bande de Gaza suite à l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre, la question palestinienne est soudainement revenue à l’ordre du jour. Et avec elle, la fameuse solution à deux Etats, une solution de consensus au conflit israélo-palestinien présentée dans le cadre du processus de paix comme celle qui permettrait aux deux peuples de vivre côte à côte en paix et en sécurité. Dans les discussions diplomatiques qui se sont multipliées ces dernières semaines entre les dirigeants régionaux et mondiaux, le concept a refait surface comme la seule bouée de sauvetage de la paix. Mais comment y parvenir ? Personne n’a encore répondu à cette question.

La responsabilité de la communauté internationale

Chimérique ? On a pourtant cru, aux premiers jours du processus de paix, à cette solution à deux Etats. Avant que la réalité sur le terrain ne la rende concrètement irréalisable. En effet, alors que les accords d’Oslo, signés il y a 30 ans, étaient censés aboutir à la création d’un Etat palestinien, ils ont surtout été suivis d’un renforcement de la colonisation.

Quand l’idée a été lancée, la solution communément admise prévoyait la coexistence pacifique et la reconnaissance mutuelle. Il était alors question de s’appuyer sur les frontières de 1967, avec la formule dite de « la terre contre la paix », qui consiste en une démilitarisation du futur Etat palestinien, qui s’étendrait sur la bande de Gaza et la Cisjordanie et aurait Jérusalem-Est pour capitale. Avec, en parallèle, le maintien de certains blocs de colonies israéliens jouxtant la ligne verte (ligne de démarcation) en Cisjordanie en échange d’une rétrocession d’une partie du territoire israélien.

Mais depuis, les entraves à la création d’un Etat palestinien se sont multipliées. Avec d’abord, la colonisation accélérée menée à marche forcée par les différents gouvernements israéliens au mépris du droit international. De quelque 200 000 colons en 1993, on est passé aujourd’hui à plus de 700 000 dans les territoires occupés. Israël a multiplié les colonies sur les hauteurs et des routes qui réduisent et coupent entre elles les terres palestiniennes. Des colonies qui, de facto, grignotent le territoire palestinien. La Cisjordanie est devenue un territoire morcelé sur lequel l’Autorité palestinienne n’exerce qu’une autorité partielle.

Autre question épineuse : la question des interlocuteurs de part et d’autre. Côté palestinien, l’union fait défaut. Le Hamas, considéré comme un groupe terroriste par de nombreux pays occidentaux, dirige la bande de Gaza. Quant à l’Autorité palestinienne, elle est discréditée et affaiblie. Et côté israélien, on a le gouvernement le plus extrémiste de l’histoire du pays, opposé, de façon principielle, à la solution à deux Etats.

Reste la communauté internationale qui, elle aussi, porte une lourde responsabilité dans l’échec du processus de paix. Depuis sa création, l’Etat d’Israël jouit d’une impunité sans pareille dans l’histoire moderne. Jamais il n’a été sanctionné pour son non-respect des résolutions, pourtant contraignantes, du Conseil de sécurité des Nations-Unies, votées en vain depuis plus de 70 ans. Jamais l’Occident ne s’est montré offusqué — s’il le fait, c’est à peine rarement et timidement — des violations israéliennes du droit international à l’encontre des Palestiniens.

Et qu’a fait la communauté internationale, qui appelle aujourd’hui à l’unisson à la solution à deux Etats comme seul vecteur de la paix, pour pousser Israël à acter cette solution ? Pour le contraindre, ou au minimum l’inciter, à ne pas commettre ses crimes contre les Palestiniens ? Qu’ont fait les parrains du processus de paix pour empêcher que s’impose, sur le terrain, une réalité qui torpille l’option de la création d’un Etat palestinien et entrave toutes paix et sécurité durables ? Car, rappelons-le, c’est bien Israël qui est le pays occupant, et les terres palestiniennes les territoires occupés.

Force est de constater qu’au fil des ans, depuis le lancement du processus de paix israélo-palestinien, l’intérêt accordé à cette question s’est réduit comme une peau de chagrin. Et la question palestinienne a été délaissée au profit d’accords de normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes.

Avant le 7 octobre, il n’existait plus ni négociations ni processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Si la catastrophe actuelle aura servi à quelque chose, c’est d’avoir ramené la question palestinienne sur le devant de la scène. Encore faut-il que l’on puisse être capable de la résoudre.

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