Après la fin de l’offensive, les responsables israéliens devront rendre des comptes.
Spectaculaire et surprise. L’offensive lancée par le Hamas samedi 7 octobre a pris les Israéliens de court. « Nous sommes en guerre », a dit le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu. Son ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a déclaré l’état d’urgence national. L’Etat hébreu est en état d’alerte. Car au-delà du déroulement de l’opération militaire elle-même, Israël risque de vaciller de l’intérieur. « Les images et vidéos publiées par le Hamas et aussitôt largement diffusées sur les réseaux sociaux constituent une véritable humiliation pour Israël, d’autant plus que le service de renseignements israélien est considéré comme l’un des plus forts au monde. C’est pourquoi les autorités israéliennes tiennent, au-delà de l’aspect militaire actuel, à améliorer leur image à l’international », explique Dr Saïd Okasha, spécialiste des affaires israéliennes au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. En effet, la première chose à retenir est le camouflet subi par les renseignements israéliens. « L’offensive du Hamas a indéniablement été bien préparée. Une planification d’au moins deux ans et des entraînements d’au moins trois mois et l’humiliation est d’autant plus grande que l’attaque vient d’un groupe armé, d’une enclave sous blocus », ajoute l’analyste.
Mais quelles seront les conséquences internes sur Israël ? Dans un premier temps, une « union sacrée » va prévaloir. Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a appelé à un gouvernement d’union nationale. Ce dernier a déclaré qu’il serait prêt à mettre de côté les désaccords et divergences politiques et à former un gouvernement d’union nationale. « L’Etat d’Israël est en guerre. Ce ne sera pas facile et ce ne sera pas de courte durée. Cela a des conséquences stratégiques que nous n’avons pas vues depuis de nombreuses années. Il existe un risque sérieux que cela devienne une guerre sur plusieurs fronts », a-t-il déclaré dans le communiqué. Netanyahu a accepté la proposition et appelé l’ex-ministre de la Défense, désormais dans l’opposition, Benny Gantz à les rejoindre. Les deux hommes se sont rencontrés lundi pour en discuter.
Une union temporaire
« Un tel développement est normal. En temps de guerre, l’heure est à l’union. Les différends politiques et les conflits d’intérêts sont mis de côté. Pour les politiciens israéliens, la priorité est donnée actuellement à la sécurité de leur Etat et la victoire militaire », affirme Okasha. Cela dit, il estime que les conditions posées par l’opposition peuvent entraver la formation d’un gouvernement d’union nationale. « L’opposition veut avoir des postes-clés dans ce gouvernement, elle veut pouvoir prendre des décisions critiques dans cette guerre sans l’aval de Netanyahu. Ce qu’il ne veut pas. Autre condition, elle demande la sortie des partis d’extrême droite qui détiennent 2 portefeuilles et 13 sièges au parlement. Si Netanyahu se trouve contraint d’accepter, ce sera une véritable défaite pour lui », avance Okasha.
Ce dernier pourra en revanche tirer profit de la pause prévisible dans les manifestations anti-gouvernementales qui se tiennent de manière hebdomadaire depuis plusieurs mois en raison du projet controversé de la réforme judiciaire.
Or, après la guerre, viendra le temps aux responsables de rendre des comptes. « Des comités seront formés pour comprendre comment cela s’est passé. Déjà, les institutions sécuritaires ont été accusées de négligence et de faiblesse. Cela ne va pas passer comme ça. Maintenant, les Israéliens sont occupés par l’offensive, mais après, ils voudront savoir pourquoi et comment c’est arrivé », explique Okasha.
Ainsi, si Netanyahu et ses opposants sont aujourd’hui main dans la main, en Israël, l’après-guerre risque d’être catastrophique au niveau interne. « Le gouvernement va sans doute chuter, Netanyahu, déjà en difficulté, a perdu de sa popularité. Il n’est plus vu comme l’homme fort capable de protéger la sécurité et l’économie du pays. Car il ne faut pas oublier qu’il y a aussi d’importantes conséquences économiques. La Bourse a chuté, le tourisme va s’arrêter, la mobilisation coûte cher à l’Etat hébreu. Ce sera un vrai fardeau sur le budget », explique Saïd Okasha. Et de conclure : « La bande de Gaza va certainement payer un lourd tribut, mais Israël aussi ».
Lien court: