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Les noces virent au drame

Ola Hamdi, Mardi, 22 octobre 2013

Un attentat dimanche contre une église du quartier d'Al-Warraq au nord du Caire a fait 4 morts et une dizaine de blessés parmi les invités à un mariage. Les islamistes sont les premiers soupçonnés, mais les coptes décrient surtout la « négligence sécuritaire » de l’Etat.

Cotpes
Les funérailles des victimes se sont déroulées dans une atmosphère d'indignation. (Photo: AP)

Des milliers de personnes ont participé lundi aux funérailles des 4 coptes tués la veille devant l’église de la Sainte Vierge du quartier d'Al-Warraq, au nord du Caire.

Dans ce quartier populaire du gouvernorat de Guiza où aucun incident confessionnel n’a été signalé dernièrement, des familles coptes invitées à un mariage attendaient devant l’église l’arrivée des mariés lorsque des hommes armés ont tiré à l’aveuglette avant de prendre la fuite.

Parmi les victimes, toutes coptes et membres d’une même famille élargie selon des proches, figurent deux fillettes de 8 et 12 ans. Une dizaine d’autres personnes ont été grièvement blessées.

Le premier ministre Hazem Al-Beblawi a qualifié l’attentat de dimanche d’acte « criminel méprisable » et assuré que les forces de sécurité recherchaient les assaillants. « Des actes aussi terribles ne parviendront pas à diviser musulmans et chrétiens », a-t-il assuré.

Les Etats-Unis ont de leur côté condamné « fermement » cette attaque « odieuse », tout en appelant à traduire les responsables en justice, tandis que la France se disait « vivement préoccupée par les nombreuses violences qui visent les coptes ».

Les islamistes accusent les coptes d’avoir soutenu le coup de force de l’armée contre Mohamad Morsi, qui appartient à la confrérie des Frères musulmans. Depuis le renversement de ce dernier et surtout depuis l’évacuation par la force, le 14 août, de deux places de la capitale occupées par ses partisans, les chrétiens égyptiens sont régulièrement la cible de « représailles ». Des dizaines d’églises, de maisons et de commerces appartenant à des coptes avaient été attaqués et incendiés depuis.

Tout en étant publiquement accusés, les Frères musulmans ont à leur tour accusé le ministère de l’Intérieur. « Nous sommes attristés de voir que, loin d’assumer leur responsabilité, les autorités placées par l’armée continuent à fermer les yeux sur des actes délibérés de vandalisme et d’assassinats », a affirmé la confrérie lundi dans un communiqué. Elle déplore aussi « toutes les formes de violence et exprime sa solidarité avec les victimes de violence et d’oppression où elles sont ».

« Ces coups visent également les musulmans »

Malgré ces déclarations, les groupes islamistes sont les premiers suspects dans ce genre d’attentats vu la rhétorique sectaire et haineuse de certains prédicateurs visant notamment les chrétiens ces derniers mois. « L’attentat de dimanche ne m’étonne pas. Nous nous sommes habitués à ces actes terroristes, et comme le pape l’a dit, les chrétiens ne sont pas les seuls à subir ces coups qui visent également les musulmans », dit Ayman Daniel, un diacre consacré. « Oui, nous avons besoin d’un service de sécurité puissant pour protéger les églises mais qui peut-on blâmer ? Le ministre de l’Intérieur a lui-même fait l’objet d’un attentat qui a failli lui coûter la vie, alors qu’un bâtiment des renseignements militaires a été attaqué il y a quelques jours », ajoute-t-il.

Mais ces propos qui reprennent le discours officiel de l’Eglise sont mal appréciés par les activistes coptes qui accusent les forces de l’ordre de les avoir abandonnés au moment où les islamistes multipliaient les attaques contre eux. L’Union de Maspero, un mouvement d’activistes coptes, exige le limogeage du ministre de l’Intérieur nommé par l’ex-président Morsi. « Le meurtre des coptes en face de l’église est de la responsabilité du cabinet et du premier ministre Hazem Al-Beblawi », lit-on dans un communiqué publié sur la page Facebook du mouvement. Celui-ci exige que des accusations soient déposées contre le ministre de l’Intérieur Mohamad Ibrahim et les responsables locaux de sécurité pour « leur échec dans la protection de l’église ».

Dans un rapport publié le 9 octobre, Amnesty International a affirmé que les forces de sécurité égyptiennes avaient échoué à protéger les coptes visés par des attaques pourtant prévisibles après la sanglante répression des partisans de Morsi.

« La stratégie du ministère de l’Intérieur n’est pas à la hauteur des menaces terroristes. Depuis la révolution de janvier 2011, la police est devenue un organisme très affaibli, ce qui se traduit par son absence dans la rue », commente l’expert en sécurité, le général Mahmoud Qotri. « Les plans pour la sécurisation des églises sont inefficaces, ce qui nous laisse prévoir d’autres attentats dans l’avenir », ajoute-t-il tout en insistant sur l’importance de la mise en oeuvre d’une stratégie préventive.

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