L’écrivain franco-libanais de 74 ans a été élu, jeudi 28 septembre, secrétaire perpétuel de l’Académie française par les « 35 immortels ». Entré sous la coupole en 2011 au fauteuil de Claude Lévi-Strauss, le Prix Goncourt 1993, pour Le Rocher de Tanios, il succède à Hélène Carrère d’Encausse, qui s’est éteinte cet été à l’âge de 94 ans. En succédant à « la tsarine » ou « la mère supérieure » comme on la surnommait, Amin Maalouf va désormais diriger et représenter l’Académie française dont le président de la République est le protecteur. Il n’y a eu que 32 personnes à ce poste depuis 1634. En tant que secrétaire perpétuel, il occupe le 24e rang de l’Etat français, le représente dans le monde et joue un rôle prépondérant pour défendre la langue française.
Sa personnalité fait l'unanimité, étant très impliqué dans les activités de l'institution. Le nouveau secrétaire perpétuel est délesté dans l'immédiat d'une tâche à laquelle Hélène Carrère d'Encausse avait consacré beaucoup d'énergie : achever la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie.
Deux autres questions pressantes l'occuperont. D'abord les finances. L'Académie française, tout comme les autres branches de l'Institut de France, est dans une situation financière délicate, elle qui vit du produit de ses actifs financiers, et de dons et legs.
Ensuite l'attractivité. Rajeunir et féminiser la « Compagnie », actuellement composée de 28 hommes et 7 femmes, est un objectif de longue date, très difficile à atteindre cependant.
Arrivée sous la coupole après l’élection, la ministre française de la Culture, Rima Abdul Malak, elle aussi franco-libanaise, a salué cet excellent choix, « un immense écrivain, un homme de fraternité, de dialogue, d’apaisement », soulignant qu’il s’agissait d’un « magnifique symbole pour tous les francophones du monde ».
Ecrivain humaniste
Maalouf est né au Liban le 25 février 1949, dans une famille d’enseignants. Fils d’un journaliste et musicologue, il a passé sa petite enfance en Egypte avant de rejoindre sa terre natale. Ses origines cosmopolites et nomades, tant par son père que par sa mère, qui, elle, est issue d’une famille francophone et maronite, imprègnent son œuvre. Si ses premières lectures se font en arabe, « langue de lumière », c’est en français, « langue de l’ombre », qu’il s’essaie dès l’adolescence à l’écriture.
Après des études d’économie et de sociologie, Maalouf travaille comme reporter, couvrant de nombreux événements à travers le monde, comme la chute de la monarchie éthiopienne, en septembre 1974, ou la dernière bataille de Saigon, en mars et avril 1975.
Quand la guerre éclate dans son pays natal, il part pour la France avec son épouse et ses enfants, reprenant aussitôt son activité de journaliste, notamment à Jeune Afrique, où il devient rédacteur en chef et éditorialiste.
En 1983, il signe son premier contrat avec l’éditeur Jean-Claude Lattès et publie son premier essai, Les Croisades vues par les Arabes. Les critiques sont bonnes et il troque son costume de journaliste pour celui d’écrivain. Il rencontre son premier succès en librairie avec son roman Léon l’Africain, paru en 1986, une biographie romancée de Hassan el-Wazzan, commerçant, diplomate et écrivain arabo-andalou.
A partir de 1984, il se consacre à l’écriture, publiant des romans, des essais, des livrets d’opéra. En 1993, il obtient le Prix Goncourt pour son roman Le Rocher de Tanios, dans lequel il revient dans les montagnes libanaises de son enfance, reprenant une étrange légende interdisant à quiconque de s’y asseoir sous peine de disparaître. En 1998, il reçoit le Prix européen de l’essai pour Les Identités meurtrières, et en 2010, le prix Prince des Asturies des Lettres pour l’ensemble de son œuvre.
En 2007-2008, il préside, à l’invitation de la Commission européenne, un groupe de réflexion sur le multilinguisme, qui publie un rapport intitulé « Un défi salutaire : comment la multiplicité des langues pourrait consolider l’Europe ».
Docteur honoris causa de l’Université catholique de Louvain (Belgique), de l’Université de Tarragone (Espagne), de l’Université d’Evora (Portugal) et de l’Université américaine de Beyrouth (Liban).
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